L'administration valaisanne engage une révolution numérique. Et ça suscite des craintes
Le canton du Valais veut centraliser les données de référence de l'ensemble des personnes et des entreprises du canton.
Le canton du Valais veut centraliser les données de référence de l'ensemble des personnes et des entreprises du canton. Une loi est prête. Mais elle suscite l’inquiétude : un document adressé à des députés du canton dénonce un projet qui serait «illégal». Alors, la LBDR, qu’est ce que c’est ? Elements de réponse
C'est un projet de loi passé, jusqu'à présent, complétement inaperçu et pourtant… il risque bien de modifier en profondeur le fonctionnement de l'Etat du Valais. La société évolue, Internet se développe. Et l'administration doit suivre.
Mais tout d'abord, pour bien comprendre l'enjeu, un petit exemple. Vous êtes un habitant du Valais, vous souhaitez déménager d’un village du canton pour un autre. Le saviez-vous ? A l’heure actuelle, ce simple changement d'adresse implique la modification de plus de 50 fichiers administratifs. Les différents Services du canton doivent, un par un, changer votre adresse dans leur ordinateur. Une perte de temps, d'efficacité, et donc d'argent pour l'Etat du Valais.
«Cette nouvelle Loi est une nécessité absolue !»
Pour changer la donne, il faut «harmoniser les services», assurent les autorités. L'Etat a son idée, il veut mettre en place un «stockage centralisé» des données de référence en Valais. Toutes les infos seront regroupées dans une seule grande base de données. Une loi est crée spécialement pour l'occasion, elle s'appelle LBDR, la Loi sur les Bases de Données Référentielles. Un projet d'envergure ! Tout ce qui est valaisan sera dedans: les personnes, les entreprises, les établissements, les bâtiments, les logements. La LBDR sera présentée au Grand Conseil mardi prochain, lors de la session de septembre.
Et une chose est sûre, les promoteurs de la loi ne manquent pas de qualificatifs pour décrire cette LBDR. Ils sont dithyrambiques : cela permettra une «coordination, synchronisation, fiabilisation, plausibilisation des données». Mais également la «sécurisation de l'accès et de la distribution des informations». Le député Charles-Albert Gilloz est membre de la Commission de la sécurité publique qui a procédé aux travaux. «La digitalisation se produit en sein de l'Etat, c'est un fait. Soit on ne fait rien, puis un jour on se ramasse sur la figure… Soit on prend le train en marche et on évolue ! (…) Ici, on va optimiser le travail du canton et des communes. Une optimisation qui permettra une efficacité dix fois plus importante ! Cette nouvelle loi est une nécessité absolue. Vouloir aller à l'encontre de ce genre de choses, c'est comme s'opposer, à l'époque, à l'arrivée du chemin de fer».
Un vrai progrès, une nécessité, nous dit-on. A tel point que l'Etat du Valais sera observé par les autres cantons, car devenu une référence en la matière. Pourtant des inquiétudes, il en existe. Et elles se manifestent.
Un projet illégal ?
Car la question qui revient est la suivante : un «stockage central des données de référence» ne risque-t-il pas, par définition, d'être une source d'abus ? Il faut être clair, on parle ici du possible contrôle des données personnelles et de son exploitation par l'Etat. Dans un document que nous avons pu consulter - que plusieurs députés du canton ont également reçu - un ancien responsable au sein de l’Etat du Valais, parle de «projet illégal». On peut notamment lire que «le projet ouvrirait par exemple la porte à l'utilisation registre des entreprises et établissements (REE), à des fins fiscales. Or un tel usage est illégal en considération de l'OREE, (Ordonnance fédérale régissant le registre des entreprises NDLR)». En résumé, le projet valaisan violerait les bases légales fédérales.
Alors, la LBDR est-elle illégale ? «Jusqu'à nouvel avis, nous sommes quand même en démocratie», répond le député et rapporteur du projet Charles Albert Gilloz. «C'est un doux rêve d'imaginer que le Service des impôts puisse aller voir sur le Service des automobiles. Non, ce n'est pas possible». On le relance. Vous êtes sûr, ce ne sera donc pas possible, pas d'abus après l’entrée en fonction de la LBDR ? «Non ce ne sera pas possible. D'autant plus avec la présence du Service de la protection des données de Monsieur Sébastien Fanti. J'imagine bien qu'il sera le premier à ne pas laisser aller quiconque mettre les doigts où il ne doit pas aller !» Pour le député PLR Gilloz, au contraire, la LBDR renforce la protection de nos libertés et données personnelles. «Avec cette base de données, on monte en puissance au niveau de la sécurité, des droits d'accès. Toute la structure même de gestion et de définition des accès sera réactualisée. Me Fanti, qui défend la LIPDA (Loi sur l'Information, la Protection des Données et l'Archivage), interviendra pour définir qui a droit, à quoi». Contacté, le principal intéressé, Sébastien Fanti, confirme les propos du député. Ci-dessous, notre reportage et l’interview de Charles-Albert Gilloz.