Collombey-Muraz : la raffinerie de Tamoil sous l'oeil des photographes
A la raffinerie de Collombey-Muraz, les machines se sont tues, les ouvriers ont quitté les lieux. Jean-Marc Yersin, David Bard, Bernard Dubuis et Lea Lund & Erik K, chacun à leur manière, offrent un récit de cette forteresse industrielle disparue.
Avec le démantèlement d'une raffinerie de pétrole sur une surface de 150 hectares, on est face à une des mutations majeures en Valais. Si la démarche des photographes relève du documentaire, elle ne s'y limite pas, a expliqué à Keystone-ATS Jean-Marc Yersin.
L'ancien directeur du Musée suisse de l'appareil photographique de Vevey a rassemblé les autres photographes autour de ce projet. "David Bard par exemple s'intéresse à ce qui désintéresse, à ce que l'on a tendance à ne plus voir", explique-t-il
L'architecte David Bard a utilisé la photographie par drone : il est le seul des artistes à recourir à la couleur dans ce projet.
Bernard Dubuis a travaillé toute sa carrière sur les grands chantiers et projets du Valais. Dans ses images, on voit les gestes de celles et ceux qui ont travaillé à la raffinerie ou qui l'ont démolie. En particulier dans le découpage des cuves de la raffinerie, entre novembre 2021 et fin 2023.
Lea Lund et Erik K, Jean-Yves Yersin les a rencontrés à Arles où le couple d'artistes passe une partie de l'année dans sa galerie. "Quand j'ai aperçu Erik photographié par Lea devant une grue portuaire monumentale, j'ai compris que notre projet à Collombey-Muraz pouvait les intéresser."
Il ne s'est pas trompé. La photographe Lea Lund "capture" l'errance d'Erik K. Elle l'a mis en scène sur le site de la raffinerie, dans une démarche semblable à celle qu'elle mène dans de nombreux lieux en Suisse, en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis.
Le rapport brutal de l'homme à l'environnement, qui laisse des traces dans le paysage comme des autoroutes, guide le travail de Jean-Marc Yersin. Sa démarche est celle de l'anticipation. En plus des raffineries, il imagine les villes que l'on va abandonner.
Une trace historique
La question d'une trace historique a été abordée entre la commune et Tamoil, propriétaire du terrain. Deux immenses cheminées en béton sont encore debout ."Pour l'instant, personne n'a montré d'intérêt pour les rénover et les entretenir", a précisé Stéphane Trachsler, directeur de Tamoil à Keystone-ATS. Mais aucune décision ferme n'a encore été prise.
D'autres personnes ont évoqué la torchère. Mais pour Olivier Turin, président de Collombey-Muraz, qui a vécu près de la raffinerie, "s'il y a quelque chose de laid, c'est bien une torchère. C'est certes une trace historique, mais elle ne laisse pas que des bons souvenirs."
Le regard a changé sur cette "ex-cathédrale de la modernité", qui a été effacée du paysage en à peine quelques mois. "Cette raffinerie, à la fois terrifiante, mais aussi esthétique, c'est également le fruit de toute l'ingéniosité de nos sociétés", a poursuivi Jean-Marc Yersin. Elle condense toutes les ambiguïtés de notre époque, entre contraintes énergétiques et environnementales.
L'idée d'exposer au Crochetan à Monthey s'est imposée. "Il nous semblait important de ramener les images face aux gens du lieu, ceux qui y ont travaillé ou qui ont cohabité avec cette sorte de Cité interdite. Maintenant qu'elle a disparu, ils peuvent l'explorer."
L'exposition, qui s'intitule "Une exploration photographique : Raffinerie, la fin d'une ère" est visible à la galerie du Crochetan à Monthey dès samedi et jusqu'au 5 avril.