Un rapport à l'ONU met en cause Maduro
Crimes contre l'humanité présumés au Venezuela selon les enquêteurs
Le gouvernement vénézuélien, les forces de sécurité et des groupes oeuvrant avec eux ont perpétré des actes qui équivalent à des crimes contre l'humanité. La Mission internationale d'établissement des faits a mis en cause mercredi à Genève le président Nicolas Maduro.
Les violations dans le cadre de la crise politique sont "extrêmes" et ont été très organisées, estiment dans leur premier rapport les trois experts indépendants mandatés par l'ONU. Ils ont mené des investigations et vérifié des indications sur plus de 3100 cas. Si les forces de sécurité sont responsables des actes, le président et les ministres de l'Intérieur et de la Défense n'ignoraient pas les crimes, affirme le rapport.
"Il y a des indications raisonnables qui laissent penser que le président a donné des ordres" sur qui cibler parmi des opposants, a affirmé à la presse l'un des membres de la Mission. Des poursuites doivent être lancées, selon les trois spécialistes. Une liste de 45 personnes responsables du pilotage ou qui ont contribué à la répression a été établie et sera relayée auprès d'autorités judiciaires compétentes.
Les hauts dirigeants ont aussi attribué des ressources à ceux qui ont appliqué les ordres. La Mission a rassemblé des indications qui laissent penser que les autorités et les forces de sécurité "ont planifié et exécuté de graves violations des droits de l'homme", insiste sa présidente Marta Valiñas. Le gouvernement doit "immédiatement mettre un terme à ces violations" et à l'"impunité", dit-elle.
Parmi les violations, la Mission a mené des investigations sur 16 opérations des forces de sécurité qui ont abouti à 53 exécutions extrajudiciaires. Elle a aussi analysé plus de 2500 incidents sur environ 5100 exécutions depuis environ cinq ans, dont toutes n'étaient pas forcément arbitraires.
Autre acteur mis en cause, une organisation établie pour lutter contre le crime se voit attribuer 413 exécutions jusqu'en 2017, avant d'être démantelée. De hauts responsables gouvernementaux ont salué ces actions menées parfois par plusieurs centaines d'hommes.
Deux unités des forces de sécurité ont ensuite repris l'application des exécutions extrajudiciaires. Elles sont responsables de 59% de toutes les opérations qui ont abouti à des victimes des fonctionnaires. L'une d'entre elles, la FAES, avait déjà été largement épinglée par la Haute commissaire aux droits de l'homme Michelle Bachelet, dont le prédécesseur avait affirmé que de possibles crimes contre l'humanité étaient perpétrés au Venezuela.
La Chilienne avait demandé le démantèlement de cette unité, un appel relayé ensuite par la Suisse et désormais par les trois spécialistes. Des membres de la FAES ont eux expliqué à la Mission que des armes étaient positionnées chez des individus tués pour laisser penser à des affrontements.
Cette unité "est encore active" et est toujours responsable d'exécutions extrajudiciaires, relève Mme Valiñas. Selon elle, les reproches de plusieurs acteurs internationaux n'ont pas abouti à un recul des exactions perpétrées.
Des dispositifs militaires étaient aussi décidés. Des fosses communes avec 12 victimes ont été identifiées. L'immense majorité des exécutions illégales n'a abouti à aucune poursuite, selon la Mission qui déplore encore le manque de collaboration des autorités avec elle.
Autre composante, la Mission a mené des investigations sur 112 détentions arbitraires. Mais certains mentionnent de plus de 3400 emprisonnements pour des raisons politiques.
Des opposants politiques ou des défenseurs des droits de l'homme ont été victimes de disparitions forcées ou de torture. D'autres ont été confrontés à des violences sexuelles. Les hauts responsables sécuritaires n'ignoraient pas cette situation.
Ces actes ont également été perpétrés contre des manifestants. Des dizaines d'entre eux ont été tués.
Le Covid n'a pas arrangé la situation. La répression a porté sur ceux qui contestent les décision prises par le gouvernement. Autre inquiétude, des élections parlementaires doivent avoir lieu en décembre et seront boycottées par une trentaine de partis d'opposition. "Nous devons tous être en alerte sur de possibles augmentations des violations", dit Mme Valiñas.
La Mission s'en prend à la politisation de la justice et sa présidente demande aux autorités une investigation indépendante. Elle veut que la Cour pénale internationale (CPI) se penche sur ce pays.