St-Maurice : une expo incisive pour ouvrir le débat sur les jeux de pouvoir... et la censure
A St-Maurice, une expo collective accueille les travaux de Léo Thiakos. Cet artiste actuellement poursuivi par l’UDCVr pour diffamation. L’œuvre incriminée, un certain mot-croisé , y est accrochée... aux côtés de l'acte d’accusation.

À Saint-Maurice, l’Espace Contre-Contre accueille depuis quelques jours une exposition collective, baptisée "Jeux de pouvoir". Elle est signée par plusieurs artistes : Serge Cantero, Cerise Rossier et Léo Thiakos.
Les œuvres s'y côtoient sur plusieurs supports et dans plusieurs styles : peinture, graphisme, pochoir, sculpture ou détournement d'objets. Mais toutes se retrouvent dans leur caractère plutôt incisif, voire dénonciateur : quand le pinceau coloré de Serge Cantero questionne les liens entre sexe et religion sur d'immenses formats, les panneaux de Cerise Rossier affichent haut et clair les mots interdits par le gouvernement de Donald Trump. Tandis que Léo Thiakos, pluridisciplinaire, surfe entre les thèmes politiques et sociétaux, tantôt avec un jeu du pendu, tantôt avec un babyfoot revisité, ou de grandes pièces d'échecs décapitées.
Un mot-croisé et un acte d'accusation côte à côte
Parmi les œuvres accrochées, on y trouve un certain mot-croisé. Le fameux qui y associe l’UDC à des qualificatifs tels que « raciste » ou « homophobe », paru dans la presse en novembre dernier. Et qui a valu à son auteur Léo Thiakos et au curateur Nicholas Marolf une plainte pénale pour diffamation, initiée par l’UDC du Valais romand.
Une épée de Damoclès judiciaire qui ne les bâillonne pas pour autant. Bien au contraire. L’acte d’accusation, transmis à quelques jours du vernissage, a même été imprimé en format A3 et figure désormais à l’entrée de l’exposition.
"Ce n’est pas une provocation"
Le curateur Nicholas Marolf insiste tout de suite, il ne s'agit pas d'une provocation." Il n'y a rien de gratuit ou d'irréfléchi. C’est plutôt un partage avec le public, une manière d'ouvrir les champs du débat", défend-il, "ça m'intéressait de mettre ce document en résonance avec le reste de l'exposition, comme une œuvre à part entière des "Jeux de pouvoir". Le parallèle est notamment très intéressant avec le travail de Cerise Rossier."
Un style assumé
Quant à la grille de mot-croisé, elle a toute sa place dans cet espace selon Léo Thiakos : "Elle fait en fait partie d'une série de travaux que j'ai commencé il y a plus de dix ans, que j'ai appelé "jeux d'autorité". "
Le graphiste concède un certain style provocateur dans l'ensemble de son art, "mais il n'a pas pour but de provoquer gratuitement. Ces travaux témoignent de mon opposition à certaines formes du système, à ses dérives. Mais les thèmes et les mots employés sont bien pesés, basés sur des faits et des arguments documentés. Que ce soit sur les partis politiques que sur d'autres institutions ou multinationales."
Une liberté d’expression revendiquée
Au-delà de la critique ciblée, Léo Thiakos insiste : sa démarche s’inscrit dans une défense active de la liberté d’expression. "Ce que je redoute, c’est qu’on crée un climat où les artistes — ou toute personne critique — se sentent muselés. On devrait pouvoir pointer ce qui nous dérange dans une société sans risquer d’être traîné devant les tribunaux."
Et d’ajouter : "Même lorsque des propos me choquent — et certains tenus par des élus de ce parti m’ont choqué —, je n’ai jamais appelé à les censurer. Ils doivent pouvoir s’exprimer. Mais ils doivent aussi accepter qu’on puisse leur répondre. L’art, c’est ma manière de le faire."
L’UDC ne commente pas
Contactée, l’UDC du Valais romand dit ne pas avoir eu vent de cette expo, et ne souhaite pas s’exprimer sur cette démarche. La procédure judiciaire suit son cours. Une date d’audience suivra. Le Ministère public, lui, s’aligne pour l’heure sur la position des plaignants.