En première suisse, le Valais interdit la publicité sur le tabac dans les commerces
Le Valais devient le premier canton suisse à interdire la publicité sur le tabac dans les kiosques, magasins et stations-service. Les commerçants ont jusqu’à mardi pour se mettre au diapason.

Le Valais pionnier en matière de prévention contre le tabagisme. Il est le premier canton suisse à interdire la publicité sur le tabac dans les commerces. Cette mesure découle de la loi cantonale sur la santé, acceptée par le Grand Conseil valaisan en 2020 et en partie de l’initiative populaire "enfants sans tabac", plébiscitée par le peuple suisse en février 2022.
Pour mettre en application ces deux textes, le Conseil d’Etat valaisan a édicté en avril dernier une directive en la matière. La missive interdit dans les lieux privés accessibles au public toute publicité pour le tabac. Sont concernés : les cigarettes, la vaporette, la snus, la snuff, le cannabis légal, les cigarettes électroniques et tout autre produit du tabac. Ces produits devront désormais être rangés derrière ou dessus le comptoir. Ils ne pourront plus être mis en évidence sur la caisse. Fini aussi les affiches publicitaires sur des écrans lumineux ou la vitrine du commerce. «Les mesures les plus efficaces sont de réduire l’attractivité et l’accessibilité des produits», estime Alexandre Dubuis, responsable Addictions-CIPRET à Promotion Santé Valais. « Quand on rentre dans des kiosques, il y a beaucoup de publicité à hauteur des yeux d’enfant», justifie-t-il.
Un chiffre d’affaires qui part en fumée ?
Les commerçants ont jusqu’au 1er août 2023 pour appliquer la directive. A Sion, les deux kiosques de la gare, membre du groupe "K-Kiosk", n’ont pas attendu la dernière minute pour se mettre au diapason. Les représentants des cigarettiers ont déjà arrêté depuis des semaines de livrer du matériel publicitaire en Valais. Et la mesure se fait déjà ressentir. «Le chiffre d’affaires a baissé», reconnaît Fatima, gérante des deux kiosques de la gare de Sion.
«Ça va couler les petits commerces»
Edouard, employé d'un kiosque indépendant à Martigny
Même son de cloche à Martigny avec un kiosque indépendant. La petite structure accueille l’interdiction de la publicité sur le tabac avec beaucoup de scepticisme et d’inquiétude. «On est un petit kiosque et on aura de la peine à stocker le matériel, qui est exposé aujourd’hui dans la vitrine», se confie Edouard, employé du kiosque. Le buraliste martignerain explique aussi que l’exposition des produits permettait aux allophones de montrer le produit qu’ils souhaitaient acheter. Economiquement, les kiosques pourront aussi dire au revoir aux bonus touchés pour l’exposition de certaines marques. «On a des contrats avec certains cigarettiers pour mettre en avant leur marque. Ce ne sera plus possible avec cette nouvelle loi», regrette le kiosquier octodurien.
Pas de fumée sans feu
Sur le plan économique, Alexandre Dubuis se dit conscient des préjudices évoqués par les commerçants. Mais pour lui, la santé publique prime sur les aspects économiques. «C’est un problème de santé publique», tonne le responsable Addictions-CIPRET. «Il y a peut-être des pertes économiques pour les commerçants mais sur le long terme, c’est toute la société qui y gagne», relève-t-il.
Des arguments qui sonnent faux pour les commerçants. «Ce n’est pas la publicité qui va pousser les gens à commencer à fumer», estime Fatima, la gérante des deux kiosques de la gare de Sion. Faux rétorque Alexandre Dubuis. Selon lui, l’industrie du tabac investit massivement pour pousser de nouveaux adeptes à fumer. «La publicité cible les jeunes. Plus un fumeur commence tôt, plus il fumera longtemps», poursuit-il. Alexandre Dubuis prône pour une protection sans faille envers les jeunes. «Après 21 ans, il y a peu de risque qu’un jeune devienne fumeur».
La prochaine étape dans la lutte contre le tabagisme sera la mise en application complète de l’initiative "enfants sans tabac". Parmi les mesures qui viendront compléter l’arsenal : l’interdiction de la publicité dans les médias et sur internet. Mais les commerçants craignent, eux, encore d’autres outils, comme ceux mis en place en France. «Il pourrait y avoir la neutralisation des paquets de cigarettes et l’augmentation des prix», redoute Edouard, du kiosque indépendant de Martigny. «Ça va couler les petits commerces», conclut-il.