Dans une forme olympique, Camille Rast ne s’interdit pas de rêver

Christophe Moreillon
Journaliste sportif RP

Depuis quelques semaines, elle enchaîne les bonnes performances et se bat avec les toutes meilleures. À l’approche de ses premiers Jeux Olympiques, Camille Rast est dans une forme étincelante. Et rêve de briller à Pékin.

En trois semaines - entre le 21 décembre et le 11 janvier - elle a terminé à quatre reprises dans le top 10, deux fois en slalom, deux fois en géant. C’est une fois de plus que ce qu’elle avait connu jusque-là depuis…ses débuts en Coupe du Monde en octobre 2016. À l’approche des Jeux Olympiques, Camille Rast évoque ses performances récentes et se projette sur ce qui l’attend à Pékin. Interview.

Camille Rast, est-ce qu’on peut dire que vous êtes actuellement dans la forme de votre vie?
On peut dire que je suis en bonne forme en tout cas. C’est le fruit du travail effectué ces dernières années et j’espère maintenant pouvoir continuer sur cette lancée.

Hormis ce travail dont vous parlez, le déclic qui vous a conduit à vous battre tout devant désormais, il vient d’où?
Peut-être du mental. Je me suis entourée de personnes qui me mettent en confiance. Au final,  je crois que c’est un assemblage de petites pièces qui fait que le puzzle commence à être bien fait et que je parviens à m’exprimer de la même manière en course qu’à l’entraînement.

«Mon passage par la Coupe d'Europe m'a aidé pour la suite.»Camille Rast


Le pas de retrait effectué à la mi-décembre avec un passage par la Coupe d’Europe (ndlr : 1ère et 2ème en géant à Andalo), il vous a aussi été bénéfique?
Oui mais je ne le vois pas comme un pas de retrait. Je vois plus ça comme un test, un entraînement en conditions de compétition. Je me suis dis que je n’arrivais pas à trouver mes routines en course et qu’il fallait que je passe par la Coupe d’Europe pour, peut-être, ressentir moins de pression. J’ai débuté la première épreuve avec le dossard 23 donc je n’avais pas beaucoup d’attentes. Au final, j’ai pris le 2ème rang et c’est sûr que ça m’a aidé pour la suite puisque j’ai su reproduire en Coupe du Monde le ski que j’avais pratiqué en Italie.

Et aujourd’hui, après des années de galères, vous pouvez enfin exploiter pleinement votre potentiel…
Absolument!  Toutes ces galères sont derrière moi, j’ai tourné la page pour reconstruire dessus. Je suis repartie sur des bases plus solides et chaque jour, j’apprends de nouvelles choses, je construis de nouvelles choses…et je peux démontrer toutes mes qualités.

«Avoir vécu tous ces moments difficiles si jeune, c’est aussi ce qui fait de moi celle que je suis. Je veux voir ça comme un bonus.»Camille Rast

Ces performances récentes, c’est une sorte de revanche sur le destin?
Oui et non. Vous savez, je pense que dans une carrière, personne n’a la vie en rose de A à Z. Avoir vécu tous ces moments difficiles si jeune, c’est aussi ce qui fait de moi celle que je suis. Être passée par la case blessure, avoir affronté ces difficultés physiques et mentales, je veux voir tout ça comme un bonus. J’ai désormais acquis une certaine stabilité mentale, qui me permet de skier librement, de prendre du plaisir tout simplement. Même les entraînements, je ne les vois plus comme un devoir.

Preuve de votre forme du moment: cette 4ème place à Schladming la semaine dernière alors que vous sortiez à peine de quarantaine…
Cette perf’, je suis allée la chercher dans mes ressources les plus profondes (rires)! Le covid m’a vraiment mis à plat. Après quelques jours de fièvre, j’ai eu besoin de temps pour récupérer. Je n’ai donc fait que deux petits entraînements physiques pour voir comment ça allait avant de recevoir le feu vert pour partir à Schladming. Là-bas, je me suis sentie bien, les courses nocturnes me conviennent donc je me suis dit qu’il fallait que je m’amuse. De toute manière, après une semaine au lit, je n’avais rien à perdre.

«À Schladming, ça été la plus joyeuse 4ème place de ma vie!»Camille Rast

Lorsque l’on réalise son meilleur résultat en Coupe du Monde mais qu’on ne finit qu’à 12 centièmes du podium, est-ce qu’on ressent quand même une petite part de déception?
D’un côté oui car on se dit qu’il manquait si peu. Quand je revois ma course, ma deuxième manche et que je me rends compte que j’avais une demi-seconde d’avance au dernier inter, je regrette forcément d’avoir tout perdu sur la dernière partie. Mais d’un autre côté, je me dis qu’après cette semaine au lit je peux me contenter de cette 4ème place. Je dirais même que c’était la plus joyeuse 4ème place de ma vie! J’espère simplement que j’arriverais à l’avenir à aller chercher ce petit pas supplémentaire pour grimper sur la boîte.

Votre prochain rendez-vous, c’est un géant à Kronplatz la semaine prochaine. Puis arriveront les Jeux Olympiques de Pékin, les premiers de votre carrière. Qu’est-ce que ça représente?
Un petit rêve de gamine. Après, je ne veux pas trop réfléchir. Je veux prendre ce rendez-vous comme un autre. D’ailleurs, fondamentalement, rien ne change. On aura un départ à 10h00 et un autre à 13h00. La seule différence, c’est le titre qu’il y a derrière. Tout ce que je sais, c’est que je vais donner mon meilleur, essayer d’aller vite et surtout, prendre du plaisir.

Maintenant que vous êtes si proche d’un podium en Coupe du Monde, pourquoi ne pas le faire à Pékin?
Ah, aux JO ce sont les médailles qui comptent donc il faut se laisser le droit de rêver. Mais il faut aussi être bien consciente de la concurrence. On est beaucoup à pouvoir prétendre à monter sur la boîte. Je ne veux donc brûler aucune étape mais j’avoue que je garde ce rêve dans un coin de ma tête.

Comme tout le monde, vous découvrirez la piste à l’occasion de ces Jeux. Comment est-ce que vous l’appréhendez?
Assez bien. Au moins, on sera toutes sur un même pied d’égalité. La différence se fera sur qui aura su le mieux s’adapter, qui sera le plus en forme le jour J, qui saura gérer le stress. Là aussi, c’est un ensemble de petites choses qu’il faudra savoir gérer. Personnellement, ce seront mes premiers JO. J’y vais donc un peu dans l’inconnue.

«Au moment de prendre le départ aux JO, il sera 3h00 du matin en Suisse. Il faudra voir si je suis plus dans le «mood» d’un réveil aux aurores ou d’une fin de soirée prolongée.»Camille Rast

L’une des choses qu’il faudra gérer, c’est le décalage horaire…
C’est vrai, c’est la première fois que je vais de ce côté-là du fuseau horaire. Au moment de prendre le départ, il sera 3h00 du matin en Suisse. Il faudra donc voir si je suis plus dans le «mood» d’un réveil aux aurores ou d’une fin de soirée prolongée (rires). Plus sérieusement, avant l’épreuve de Kronplatz, j’essaie de ne pas trop penser à tout ça. Une fois qu’elle sera passée par contre, je commencerai à vraiment faire attention à mon sommeil pour ne pas trop souffrir du décalage en arrivant en Chine.

À l’approche de ces Jeux, la crainte des athlètes c’est d’être infecté par le covid. Finalement, l’attraper il y a quelques semaines, ce n’était pas forcément une mauvaise chose pour vous…
On peut presque le dire, c’est vrai. Après, il n’y a jamais de bons moments puisque j’ai quand même loupé deux courses de Coupe du Monde. Donc voilà, c’est une question de chance ou de malchance. Pour moi, c’est tombé là et l’important c’est que je suis maintenant en bonne santé.

«Je vais prendre cette expérience et je me réjouis déjà des prochains Jeux, ceux de Milan et Cortina en 2026.»Camille Rast

Vivre ses premiers Jeux Olympiques dans la situation sanitaire actuelle, est-ce que ça refroidit votre enthousiasme?
Un peu, oui. Quand on rêve de JO, on pense à la foule, on voit le public qui vibre pour ça et là, il n’y aura personne dans les aires d’arrivée. En plus, ce sera à l’autre bout du monde, au milieu de la nuit chez nous. Ce sera difficile de partager ça avec nos proches. Mais bon, je vais prendre cette expérience et je me réjouis déjà des prochains Jeux, ceux de Milan et Cortina en 2026.

Pour combler l’absence de vos proches, est-ce que vous avez prévu d’emporter quelque chose de spécial dans vos bagages? Un porte-bonheur particulier?
Je n’en ai pas vraiment un que j’emporte avec moi partout mais évidemment que je vais prendre deux, trois trucs de la maison avec. Après, comme je l’ai déjà dit, je ne veux pas changer toutes mes habitudes juste parce que ce sont les Jeux et qu’ils se passent en Chine.

Mais quand même, il y aura bien des produits valaisans dans votre valise?
Ah, c’est clair que je ne vais pas pouvoir partir sans un petit morceau de fromage ou de viande séchée. On fait quand même deux bonnes semaines là-bas donc je ne vais pas me priver de ces petits plaisirs (rires)!

CM
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