"Sharenting" : le risque d'exposer nos enfants sur les réseaux sociaux
De plus en plus de parents partagent les photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Une exposition qui n’est pas sans risques. Certains contenus peuvent se retrouver sur des sites pédopornographiques, voire être modifiés par des intelligences artificielles.
Une photo de vacances en famille, la rentrée des classes ou encore la naissance du petit dernier : les parents sont fiers de leurs enfants et certains aiment le montrer publiquement. Selon une étude de l’Université de Fribourg parue en mai 2023, un parent sur dix publie régulièrement du contenu de ses enfants, et un sur deux seulement de temps en temps, et plutôt sur des groupes privés ou publics.
Une aubaine pour les pédocriminels
Cette surexposition de la vie de nos enfants sur les réseaux porte un nom : le "sharenting", un anglicisme pour share (partager) et parenting (parentalité). Si la démarche semble anodine, elle n’est pourtant pas sans risques.
"Cela peut être grave. Dans certains cas, des contenus innocemment partagés peuvent se retrouver sur des sites pédopornographiques. Je pense ici à des contenus à la plage, au cours de danse", précise Martin Tazlari, directeur de l’Association Declick, qui milite pour un usage responsable des médias numériques." Selon lui, certaines images, notamment les photos de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique, intéressent tout particulièrement les cercles pédocriminels. Il faut également faire attention aux données diffusées sur l'enfant : certaines personnes peuvent essayer d'accéder à lui ou ses parents.
Images retouchées avec l'intelligence artificielle
Les photos de nos enfants peuvent aussi être reprises et modifiées pour créer du contenu illicite. "Cela peut être principalement sur des sites pédopornographiques bien sûr, mais on peut aussi retrouver des montages qui peuvent déboucher sur du harcèlement ou de la discrimination dans les écoles par exemple. Cela peut même mener à de l'extorsion ou du chantage, avec des images trafiquées ou retouchées par l'intelligence artificielle."
50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques auraient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux. Martin Tazlari rappelle quelques réflexes simples pour protéger l’image de nos enfants. "Il faut se poser la question, quand on partage une photo de notre enfant, de qui va y avoir accès. Et il faut être prêt à accepter que même en la partageant, il est possible que cette photo soit réutilisée."
Martin Tazlari propose aussi de mettre des filtres sur le visage de l'enfant. "C'est une première chose, mais il faudrait aussi éviter des situations qui pourraient être problématiques, par exemple les photos à la plage ou au cours de gym." Autre chose toute simple à faire sur certaines applications, selon Martin Tazlari : quand on partage une image sur un compte Instagram privé, il est aussi possible de sélectionner un cercle d'amis proches et décider de qui peut y avoir accès. "Mais dès le moment où on partage une photo de notre enfant, il faut être conscient qu'on perd la maîtrise du contenu."
Droit à l'image : aussi pour les enfants
La question du consentement et du droit à l’image de l’enfant se pose également. L’article 16 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant précise qu'ils ont droit à une sphère privée. De plus, les droits fondamentaux garantissent le droit à sa propre image et le droit à l’autodétermination.
Autrement dit : sans l’accord des enfants, les parents ne doivent rien poster. Dans ce cadre, ils doivent se demander si l’enfant possède les compétences médiatiques nécessaires. Les parents doivent aussi être conscients que le droit à l’autodétermination peut être invoqué rétroactivement.
"En Suisse, les parents décident pour les enfants qui n’ont pas encore la capacité de discernement. Dès qu’ils en sont capables, les enfants peuvent demander de ne pas partager certains contenus", précise Martin Tazlari.
La France va plus loin. L'Assemblée nationale a définitivement adopté, mardi 6 février 2024, une proposition de loi visant à mieux protéger le droit à l'image des enfants.