Nomination à la SSR : notre entretien avec Jean-Michel Cina
L'assemblée des délégués a élu Suzanne Wille ce samedi au poste de directrice générale de la Société suisse de radio et de télévision. L'occasion pour Rhône FM de revenir sur les défis de ces prochaines années à la SSR, avec son président, le Valaisan Jean-Michel Cina
C’est un nom encore peu connu en Suisse romande, qui risque pourtant de devenir familier : l’Argovienne Susanne Wille sera la nouvelle directrice générale de la SSR, la Société suisse de radio et de télévision.
L’ancienne journaliste de 50 ans, pur produit de la télévision SRF, a été désignée à l’unanimité du Conseil d’administration et des délégués de la SSR samedi à Berne.
Elle est la première femme à occuper cette fonction.
L'occasion pour Rhône FM d'évoquer l'avenir du service public avec le président du conseil d'administration de la SSR, l'ancien conseiller d’État valaisan, Jean-Michel Cina.
Le paquebot SSR devra s'adapter
Un mot a marqué le premier discours de Suzanne Wille : le changement.
Financé à 82% par la redevance qui risque d’être ramenée à 300, voire peut-être à 200 francs, le paquebot SSR devra s’adapter.
Les défis posés ces prochaines années à la SSR sont en effet nombreux et son président Jean-Michel Cina, en est conscient : poursuite de la transformation numérique, renégociation de la concession et baisse probable de la redevance. La nouvelle directrice générale n'aura pas la tâche facile. La SSR est sous pression et devra certainement faire avec moins d'argent.
"Les recettes commerciales sont en diminution, avec également la concurrence des télévisions et des radios à nos frontières, là ce sont 300 millions de francs qui partent à l'étranger", précise Jean-Michel Cina.
Quel avenir pour la SSR ?
Alors quel avenir pour la SSR ? "L'avenir d'un média de service public qui continuera à se battre pour permettre les meilleures offres à nos utilisateurs", répond d'emblée Jean-Michel Cina.
"Par la fiction et la culture que nous produisons, nous montrons quand même l'ADN de la Suisse" , rappelle Jean-Michel Cina. "Notre média est actif dans toutes les régions linguistiques. Nous devons trouver des collaborations entre les régions, financées sur un mode solidaire. Je crois que c'est ça l'avenir."
Baisse de la redevance : la SSR sous pression
La SSR est mise sous pression par la perspective de coupes financières.
Le Conseil fédéral veut faire passer la redevance radio-TV de 335 francs par an actuellement, à 300 francs à partir de 2029.
Avec ses propositions, le gouvernement entend contrer l'initiative populaire "200 francs, ça suffit", qui veut limiter le montant de la redevance. Si l'initiative était acceptée, la quote-part de la redevance de la SSR passerait de 1,25 milliard de francs à 650 millions.
Où va-t-elle économiser ? "C'est encore trop tôt pour le dire, mais nous devons évidemment prendre la mesure de ce qui va changer", reconnaît Jean-Michel Cina.
"À un certain moment, cela va aussi avoir des conséquences sur le programme, sur les collaboratrices et les collaborateurs", avance Jean-Michel Cina. "Parce que si une telle décision politique est prise, nous serons forcés de regarder tous les aspects de notre mandat et de notre travail. Dans ce contexte, nous attendons cette décision qui va tomber et ensuite, nous nous préparerons."
Dans de telles conditions, sera-t-il encore possible d'offrir un service public de qualité ? "Tout dépend de la coupe", sourit Jean-Michel Cina.
"Si elle est trop importante, ce sera difficile. Parce que l'attente des utilisateurs envers le média de service publique reste toujours la même, alors que nous n'avons plus les moyens de le faire. Il faut vraiment trouver un équilibre pour remplir le mandat du service public, pour ne pas mettre en jeu la légitimité de ce média. Et c'est difficile", reconnaît Jean-Michel Cina.
De nombreuses suppressions de postes ont eu lieu ces derniers mois dans les médias. ESt-ce que la SSR sera concernée ?
"Je dirais pas seulement, mais il ne faut pas se leurrer. Quand vous avez des coupes importantes à faire, cela peut toucher plusieurs aspects de votre activité. Ce n'est plus seulement un petit changement que vous pouvez faire ici ou là", admet Jean-Michel Cina.
Président : un poste moins exposé
Le poste de président du conseil d'administration de la SSR est beaucoup moins exposé que celui de directeur ou de directrice générale, qu'occupera prochainement Suzanne Wille. Finalement quel est le rôle de Jean-Michel Cina ?
"J'ai la responsabilité du controlling, d'élire les cadres et de préparer la stratégie de cette entreprise. Le rôle de la directrice générale, c'est de la mettre ensuite en œuvre", explique Jean-Michel Cina.
Une institution publique importante pour la Suisse
Élu à l'unanimité en décembre 2023 pour une période de quatre ans, le président a l'intention d'assumer son mandat jusqu'au bout. Ce qui le motive à poursuivre ? "La défense d'un média de service public indépendant, qu'on ne peut ni acheter, ni vendre et qui est capable de présenter des avis indépendants et équitables", précise Jean-Michel Cina. Selon lui, la SSR contribue aussi à la cohésion nationale.
"Pour moi, c'est presque une continuité de ce que j'ai fait dans ma carrière. J'ai été politicien, je me suis engagé pour la cause publique. Et là aussi, avec cette présidence, je peux continuer à m'engager pour une institution publique qui, pour moi, est importante pour la Suisse", conclut Jean-Michel Cina.
Susanne Wille intègre sans délai la direction de la SSR, mais elle prendra formellement ses fonctions de directrice générale en novembre.
Elle succède à Gilles Marchand.