Michael Drieberg : "Très très peu de festivals sont rentables"
Le boss du festival "Sion sous les étoiles", nous dit tout ...ou presque. Que ce soit les coûts d'une édition, la manière dont il recrute les stars, comment il voit son petit bébé dans les prochaines années, ce qu'il pense de la vaisselle réutilisable ou son avis sur les autres festivals. Interview

Il fait chaud sur la Plaine de Tourbillon. À quelques heures du lancement de la huitième édition du festival "Sion sous les étoiles", Michael Drieberg nous a accordé une interview, juste devant la scène. Il débarque avec sa trottinette électrique. Toute neuve. « Oui je ne sais pas trop l'utiliser encore car je viens de l'acheter. Mais elle est très utile car elle peut rouler sur l'herbe et elle me fait gagner beaucoup de temps ».
"C'est une grande première aussi d'avoir déjà battu aujourd'hui notre record d'affluence"
Michael Drieberg, directeur du festival
Rédaction: Qu'est-ce qui vous réjouit le plus dans cette édition ?
Michael Drieberg: C'est le fait d'avoir trois jours quasiment complets. C'est une grande première aussi d'avoir déjà battu aujourd'hui notre record d'affluence. On est déjà à 56'000 festivaliers et je pense qu'on aura vendu près de 59'000 billets au total. C'est une belle reconnaissance du public. Et puis, cette journée rap me réjouit aussi beaucoup: on avait peur au début mais elle fonctionne comme les autres. C'est un bon signe.
R: Au niveau des nouveautés: le cashless (paiement sans monnaie) et la vaisselle réutilisable. Une suite logique ?
MD: C'est une suite logique. Malgré tout, je demande toujours à ce qu'on fasse un bilan. Quel est vraiment l'intérêt écologique d'utiliser de la vaisselle réutilisable par rapport à la vaisselle compostable qu'on avait avant ? Le bilan écologique est long avec la vaisselle réutilisable, puisqu'il y a bien un moment où il faudra la jeter.
R: Il y a 50% de Valaisans dans le public. Ce sont de bons chiffres selon vous ?
MD: Nous sommes restés stables depuis trois éditions. Le reste des 50% vient principalement de Fribourg, Neuchâtel ou Lausanne. Par contre, peu de Genevois sont présents.
R: Si on parle un peu de la programmation, comment faites-vous pour booker ces artistes ? Est-ce facile ?
MD: Pour nous, c'est évidemment plus simple, parce qu'on est le seul festival à faire des concerts toute l'année donc on connaît les artistes. Certains, nous les suivons depuis dix ans, vingt ans voire trente ans. Je dirais que la programmation du rap est un peu plus compliquée, parce que les artistes rap émergent tous les six mois. Donc, il faut s'y prendre très tôt et d'ailleurs je peux déjà vous annoncer que, le jour de la journée rap, on mettra en vente celle de l'année prochaine avec la programmation.
R: Ils viennent pour se produire sur scène. Mais est-ce que les artistes restent dans la région quelques jours ou ils repartent rapidement ?
MD: Il y a un peu des deux styles. Souvent, ils reviennent en famille lors d'autres occasions. On le sait par les hôteliers.
R: Près de 60'000 personnes. A-t-on atteint le nombre maximal de festivaliers ?
MD: Moi, je n'augmenterais pas la capacité. On est, comme chaque année, en train de réfléchir si oui ou non on met une deuxième scène. Je pense qu'on va y arriver gentiment, puisqu'on a de plus en plus de journées complètes. Ça permettra d'aérer peut être, d'ouvrir les portes plus tôt, d'avoir une autre circulation, mais ce n'est pas dans le but d'augmenter la capacité. Ce qui est bien ici, c'est qu'on peut circuler, on peut se rapprocher de la scène, aller boire un verre, discuter entre amis, etc. C'est une ambiance qu'on a voulu créer comme ça.
"Il y a très peu de festivals qui sont rentables"
R: Un festival en Suisse romande, est-ce rentable ?
MD: Très clairement : ça ne fait pas toujours plaisir à mes collègues, mais je le dis : il y a très peu de festivals qui sont rentables. C'est pour ça que chaque année il y en a un qui disparait. Les gens essaient mais accumulent les pertes et finissent par arrêter. Je dirais: pour lancer un festival et pour savoir s'il est rentable ou pas, il faut au moins cinq ans. Et pendant ce temps-là, il faut accepter de perdre de l'argent. Nous, on en a perdu pendant trois ans et on a commencé à en gagner la quatrième. Mais, il faut avoir l'argent suffisant pour tenir le coup et ne pas vouloir grandir trop rapidement.
"Un festival comme le notre coûte près de 5 millions de francs par édition"
Pour les plus petits événements, ce n'est pas simple non plus...
Non c’est vrai mais comme les plus grands: un festival comme le nôtre coûte près de 5 millions de francs par édition. Il faut les couvrir en vendant des billets à 95 francs. Faites le calcul, il faut en vendre des dizaines de milliers pour rentabiliser. À côté de cela, il faut travailler avec les sponsors, les cantines etc. Par contre, l'avantage aujourd'hui, c'est que le public est plus large : avec le rap, on peut avoir 14 ans et avec Star 80, on peut en avoir presque 100 (rires).
Comment voyez-vous le festival dans cinq ans ?
Je réfléchis même plus loin. On va continuer de le développer. Au niveau des artistes, il y aura toujours des soirées thématiques. On va prendre ce qu'il se fait de mieux en Francophonie et continuer d’avoir un peu plus d’internationaux. On va garder une journée rap ou electro ciblée pour les jeunes, même si c'est un pari à chaque édition.
Pourquoi pas organiser un pré-concert avec des billets beaucoup plus chers qui permettrait de présenter un artiste international beaucoup plus important ?
Avez-vous un artiste que vous verrez bien ici avec un cachet raisonnable ?
On sait qu’il y a des catégories d’artistes comme Coldplay ou U2 qui sont inaccessibles.. Mais pourquoi pas organiser un pré-concert avec des billets beaucoup plus chers aux alentours de 130 francs la session. Cela permettrait de présenter un artiste international beaucoup plus important et prestigieux ? Il ne serait pas inclus dans le programme mais serait un événement spécial. Mais ce n'est pas une certitude, ce serait plutôt une opportunité d'organiser cela. Quand on va à Londres ou New-York, on peut les croiser et envisager cela avec eux. S'ils sont par exemple à Milan quelques jours après ou avant, pourquoi pas les faire venir ici même si la capacité de leur correspond pas.