Les eaux du Léman ne se sont pas assez mélangées cet hiver
Un brassage incomplet ne permet pas de réoxygéner le fond du lac. Conséquences : le réchauffement des eaux profondes et le vieillissement prématuré de l’écosystème.
Il n’y a pas eu de brassage complet des eaux du Léman cet hiver. C’est le constat de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL). Chaque hiver, les eaux se mélangent sous l’effet du refroidissement et du vent, car c’est à cette période que la différence de température entre la surface et le fond est la plus faible. Plus la saison est rigoureuse, plus ce brassage se rapproche du fond du lac. Cette année, il a atteint 145 mètres, alors que la profondeur maximale du Léman est de 309 mètres.
Un danger pour la santé du lac
Un brassage incomplet provoque un réchauffement des eaux profondes et une baisse de la concentration en oxygène. Ces effets sont néfastes pour l’écosystème lacustre. « Le déficit en oxygène dans le fond du lac pose problème pour les organismes vivants. Ça crée un risque d’asphyxie. La deuxième conséquence, du manque d’oxygène, c’est la libération du phosphore piégé dans les sédiments. Et lors d’un potentiel prochain brassage complet des eaux, on aura une remobilisation de ce phosphore en surface, qui pourrait engendrer un développement relativement important du phytoplancton », explique Frédéric Soulignac, collaborateur scientifique à la CIPEL.
Le phytoplancton est à la base de la chaîne alimentaire dans le lac. Lorsqu’il meurt, sa décomposition dans les profondeurs consomme de l’oxygène. La CIPEL souligne donc l’importance de limiter le développement du phytoplancton. « Il faut réduire nos apports en phosphore au lac. Il faut utiliser moins d’engrais à base de phosphate, une amélioration de la déphosphatation dans les stations d’épuration et une limitation des rejets industriels. Il faut aussi un meilleur entretien des fosses septiques », recommande le docteur en sciences ingénierie et environnement.
Réchauffement plus rapide que sur la terre ferme
L’augmentation de la température au fond du lac est une conséquence directe de la succession des brassages partiels. Le dernier brassage complet remonte à l’hiver 2011-2012. « En neuf ans, la température du fond du lac a grimpé d’un degré. En comparaison, la température de surface augmente en moyenne de 0,04 degrés Celsius par an, alors qu’au fond, la hausse est de 0,1 degré sur la même période », affirme Frédéric Soulignac. La température des eaux du Léman est mesurée depuis les années 1950. Sur les années 1980 et 1990, le lac a vécu treize ans sans brassage complet.