Légende du FC Sion (1/5): Otto Luttrop, la première grande star
Otto Luttrop n’a joué que six mois au FC Sion. Même s’il a largement contribué à la victoire de la Coupe 1974, cela peut paraître peu pour marquer l’histoire d’un club. Et pourtant. Avec une vision du foot novatrice pour le Valais de l’époque, il a été le premier gros coup réussi par le FC Sion.

Quand on évoque les années 70 au FC Sion, beaucoup se rappellent de Günter Herrmann. Avec ses sept saisons passées à Tourbillon (de 1968 à 1975), cet ancien international allemand a marqué son époque. Mais l’arrivée dans les rangs sédunois de son compatriote Otto Luttrop, à l’hiver 1974, a également été un évènement. Et pour cause: «Lorsqu’il débarque, Otto est une véritable star en Suisse. C’était un gros coup réussi par le FC Sion», se souvient son ancien coéquipier Serge Trinchero. «Il arrivait en provenance du Tessin où il jouait pour le grand Lugano, avec qui il a notamment remporté la Coupe de Suisse en 1968.»
Un grand professionnel
Le CV du milieu de terrain affiche également un titre de champion d’Allemagne acquis en 1966 avec Munich 1960. Mais au-delà des trophées, Otto Luttrop ramène dans ses valises une approche du football complètement novatrice dans le Vieux Pays. «C’était un grand professionnel, dans ses préparations de match, à l’entrainement et en dehors. Il vivait le foot au quotidien», relève Edmond Isoz, arrivé au FC Sion six mois avant l’Allemand. «En plus de cette attitude, il avait une culture de la compétition, cette envie de gagner à tout prix qui a fait grandir notre jeune équipe composée à 95% de semi-professionnels.»
«Pendant les entrainements, mon rôle était de le bombarder de centres. Il fallait se concentrer, car il était autant exigeant avec nous qu’avec lui-même.»
D’ailleurs, des séances particulières sont organisées pour satisfaire ses standards de joueur professionnel. «Comme la plupart des membres de l’effectif travaillaient à côté du foot, on ne s’entrainait qu’une fois par jour, le soir. Otto en voulait plus. M. Blazevic (ndlr: l’entraineur d’alors) avait donc demandé à quelques joueurs de venir faire les sparring partner au cours de séances matinales», raconte Serge Trinchero. L’ancien défenseur était l’un d’eux. «Mon rôle était de le bombarder de centres. Il fallait se concentrer, car il était autant exigeant avec nous qu’avec lui-même.»
L’équipe du FC Sion au printemps 1974
Une seule mission: gagner la Coupe
De quoi lui permettre de parfaire son jeu de tête déjà très performant. Cet imposant joueur – «Il devait en tout cas mesurer 1,85 m pour 85 kg», estime Serge Trinchero – avait également une frappe phénoménale, d’où son surnom de «Atom-Otto». Très discret dans le vestiaire, il était par contre beaucoup plus volubile pendant les matches, conseillant, replaçant et parfois réprimandant ses coéquipiers.
«En arrivant à Noël, il avait une seule mission: nous aider à gagner la coupe.»
«Les dirigeants de l’époque l’ont recruté car ils voulaient un leader, ce qu’il était», explique Edmond Isoz. «Notre équipe était très jeune. Et surtout, à mi-championnat, on était largué au classement.» Bien avant Christian Constantin, le FC Sion mise alors tout sur la Coupe de Suisse pour sauver sa saison 73/74. «En arrivant à Noël, c’était son unique mission», lâche Serge Trinchero. «Il avait signé pour nous aider à soulever le trophée. Il ne nous a pas déçus.» En finale face à Neuchâtel Xamax, Otto Luttrop ouvre le score sur pénalty avant de servir Umberto Barberis pour le 2-0.
Dans un Valais qui change
Le FC Sion s’impose finalement 3-2 et remporte sa deuxième Coupe de Suisse. Une confirmation, neuf ans après la première. «On vit alors dans un Valais qui change, qui devient plus citadin, qui s’ouvre davantage», analyse Edmond Isoz. «Cette victoire participe à cette évolution. On prend conscience que le sacre de 1965 n’était pas un coup de chance et que le FC Sion peut être compétitif.»
La présence dans ses rangs d’«Atom-Otto», première grande star du FC Sion, ne fait que renforcer ce sentiment. L’Allemand quitte le club à l’été 1974 pour retourner dans son pays. Il reviendra en Suisse à Lucerne, puis Chiasso, où il terminera sa carrière de joueur en 1978. Après quelques expériences d’entraineur, il officie comme agent de joueur. Otto Luttrop est décédé en novembre 2017.