Le Valais veut s'émanciper du fossile d'ici 2060... et quel impact sur le citoyen? Enquête
Exit le mazout, exit le gaz, exit les carburants.

Exit le mazout, exit le gaz, exit les carburants. Le Valais l’a dit, il entend s’émanciper des énergies fossiles d’ici 2060. A quel prix pour le citoyen ?
«Je me chauffe au mazout depuis plus de 20 ans, date où j’ai acheté cette maison», raconte Chantal. «Pour l’heure, je poursuis les rénovations, le chauffage restera donc tel qu’il est encore quelques années. Je suis consciente qu’il faudra changer, mais c’est un coût...». Oui, un jour, il faudra changer. La maison de Chantal fait partie des 30’000 habitations valaisannes alimentées par des énergies fossiles. Et le canton est clair, il veut passer au vert sur tout le territoire d’ici 2060. Immobilier, mobilité, tout doit y passer. Ambitieux disent les politiques, réalisable dit la science, trop coûteux disent certains propriétaires.
En termes d’investissement, ce projet intimide, mais Joël Fournier, chef du service de l’énergie et des forces hydrauliques à l’Etat du Valais se veut rassurant. C’est par petits pas qu’il convient d’avancer. «Il s’agit dans un premier temps de réduire sa consommation d’énergie de 2% par année, d’ici 2035, date butoir des objectifs intermédiaires. Certains investissements seront évidemment plus conséquents que d’autres, comme changer sa toiture ou son chauffage. D’autres demanderont moins d’efforts. Comme le fait de choisir une destination de vacances plus proche que l’année précédente.»
Le chemin semble encore long jusqu’en 2060. Alors pourquoi faire une annonce en grandes pompes, plus de quatre décennies avant la date butoir? Pour le Canton, il s’agit surtout de faire passer un message à grande échelle, «envoyer un signal fort au plus grand nombre», poursuit Joël Fournier. Pour clamer haut et fort oui, il est possible d’arriver à 0% de fossile. Plus parlant qu’un quelconque pourcentage ou quotat scientifique. Une manière aussi de préparer les citoyens dès aujourd’hui aux changements à venir.»
«Le pétrole ne disparaitra jamais complètement»
Se débarrasser du fossile d’ici 2060, certains y croient moins que d’autres. Chez Morand SA à St-Léonard, l’équipe commercialise du mazout et du carburant depuis plus de 50 ans. Pour le directeur Pierre Morand, qui voit pour l’heure son chiffre d’affaire augmenter, le pétrole ne disparaitra jamais complètement. «Nous dépendons tous du pétrole, que ce soit pour la fabrication des téléphones, des pneus, du plastique. Les quantités vont sans aucun doute diminuer, mais il en restera toujours.» Quant à l’avenir de son entreprise, Pierre Morand vit plutôt au jour le jour. Pour l’heure, les affaires tournent, avec même une légère hausse de clients, mais sur le moyen terme, le directeur reste ouvert à une reconversion. «Mais il est encore beaucoup trop tôt pour le dire.»
«Il faudra passer par un changement sociétal assez profond»
Et la science, que dit-elle? «2040, j’aurais dit impossible. 2050, j’aurais dit ambitieux. 2060 me parait raisonnable.» Les propos de Philippe Jacquod, professeur à la HES-SO et spécialiste des énergies. Pour le scientifique, il s’agira surtout de provoquer un changement comportemental chez le citoyen. «Scientifiquement, tout est là pour atteindre cette transition énergétique. Il ne manque plus que la volonté des politiques et des citoyens.» Philippe Jacquod semble dans tous les cas optimiste. «Rien d’utopique dans ce projet. On vit différemment d’il y a 40 ans, et nous allons continuer à effectuer ces changements.»
Des changements de comportements inscrits sur le long terme. Une conscience écologique renforcée. A terme les citoyens qui ne rentreront pas dans le rang seront-ils pointés du doigt? «Peut-être la société le fera-t-elle à termes, analyse Joël Fournier. Mais ce n’est en tout cas pas le rôle de l’Etat de le faire, ni son intention.»