La vie après l’accident: interview et témoignage de Guillaume Girolamo
Le 3 juin dernier, la vie de Guillaume Girolamo basculait à tout jamais, en raison d’un accident survenu sur le Rallye du Chablais. Depuis plus de 5 mois, le Valaisan réside à Nottwil, au Centre suisse des paraplégiques. C’est là que nous l’avons rencontré.

Un soir de semaine à Nottwil. Le Centre suisse des paraplégiques est très animé. Les parkings débordent. Les couloirs gris des sous-sols amènent par divers chemins à ce complexe impressionnant. Un hôtel, des salles de sports et de soins, des chambres, un vaste hall avec une réception et une cafétéria. Des lieux remplis d’histoires difficiles, des lieux de vie assurément. On a rendez-vous avec Guillaume Girolamo, dans sa nouvelle maison, provisoire il l’espère. On pensait le trouver seul. Au détour d’un couloir, voilà son grand-père Salvatore, qui nous expliquera plus tard, autour de la table, une partie de la logistique mise en place par la famille pour ne jamais laisser le jeune Nendard tout seul. Le grand-papa, la grand-maman, la belle famille, des amis du rallye. Ce mardi ressemble finalement à tous les autres jours de la semaine. Guillaume Girolamo est très entouré, son sourire est touchant. Après ses thérapies de l’après-midi, il salue ses visiteurs avec entrain, avec même quelques petites blagues au passage. On s’isole ensuite dans sa chambre pour amorcer la discussion.
Comprendre avant d’accepter
"Ça va plutôt bien, mieux qu’au début en tout cas", lance le Valaisan de 26 ans. "En 5 mois j’ai fait pas mal de progrès même si le temps paraît un peu long. J’essaie de faire avec, comme on dit, avec cette nouvelle vie qui est complètement différente." Un petit flash-back s’impose. Cette nouvelle vie découle de l’accident survenu le 3 juin dernier sur les routes du Rallye du Chablais. En un instant, sa vie bascule, sans pour autant qu’il ne s’en rende compte directement. "Je n’avais pas l’impression que c’était très grave sur le moment. J’avais le casque vissé sur la tête. Je pensais que j’étais simplement coincé dans la voiture." Le choc est venu plus tard, au CHUV à Lausanne.
"Au moment où je me suis retrouvé dans le lit, j’ai réalisé que je ne sentais plus mes jambes." Une part de doute s’immisce dans son esprit. "Il m’a fallu deux semaines pour comprendre ce qui m’arrivait vraiment. Je pensais que c’était l’effet des médicaments, que mon corps était un peu endormi, que la situation allait s’améliorer après les deux opérations qui étaient prévues. Après deux semaines, ça n’a pas bougé. C’est là que j’ai compris que ça ne reviendrait peut-être jamais. C’était compliqué." Le constat semble sans appel. Et pourtant le personnel soignant tente de le ménager avec bienveillance. Les explications détaillées sont venues dans un deuxième temps.
Rééducation retardée
Parce qu’une galère ne vient jamais seule, le Nendard a souffert d’un léger contretemps dans sa première phase de récupération. La paralysie des membres inférieurs était actée. Ses doigts étaient, et sont toujours, inutilisables mais une douleur à l’épaule révèle une autre fracture. Situation insolite. "Au CHUV, ils se sont surtout occupés des organes internes et du cerveau, tout ce qui était primordial", explique-t-il avec un léger rictus nerveux.
"Deux mois après, lors d’une radio pour mon estomac, on a constaté que mon bras gauche était cassé." Une cicatrice de plus dans ce corps meurtri. "On avait déjà commencé la réadaptation. Il a fallu être opéré à nouveau, pour me mettre une plaque dans le bras. Entretemps, les os s’étaient soudés naturellement. Ils ont dû casser pour réparer, ce qui a retardé tout le processus." Une autre intervention chirurgicale n’est pas à exclure.
Avancer à tout prix
Après une phase de déni, comme il le dit, Guillaume Girolamo a pleinement intégré sa nouvelle situation. Il espère en tirer le meilleur pour "récupérer ce qui est récupérable". Les traces physiques sont indéniables. En revanche, au niveau mental, peu ou pas de conséquences visibles. "Je parle volontiers de l’accident, avec les psychologues ou avec les personnes de mon entourage. Contrairement à certains, ça ne me dérange pas du tout."
L’âme du sportif ressort. Elle traduit une certaine force mentale. "Dans le sport il faut persévérer et se donner à fond", poursuit-il. Cet état d’esprit, le Nendard l’avait déjà mais, petite curiosité, son voisin de chambre à Nottwil représente également une bonne source d’inspiration. En effet, Guillaume Girolamo s’est retrouvé en compagnie de Jean-Marc Berset. Un athlète handisport de Bulle, multiple champion du monde et multiple médaillé aux Jeux Paralympiques. "On a beaucoup échangé et cela montre que tout est possible." Sur la voie de l’autonomie, toutes les histoires positives sont bonnes à entendre, tous les petits gains sont bons à prendre.
Les familles solidaires
Dans ce coin du canton de Lucerne, au bord du lac de Sempach où d’autres combats ont été menés jadis, Guillaume Girolamo bataille pour rentrer à la maison. Pour retrouver une forme de normalité, pour retravailler un jour peut-être. En attendant ce retour parmi les siens, c’est le Valais qui vient à lui. "Il n’y a aucun jour où j’étais seul, depuis mon arrivée ici à Nottwil", affirme-t-il. Ses proches se relaient à son chevet. Sa famille élargie, celle du rallye, s’est aussi mobilisée, avec des messages, une cagnotte de soutien qui servira à financer des moyens auxiliaires et avec des visites régulières. Une vague de solidarité impressionnante qui illumine les journées de Guillaume Girolamo.
Handicapé à vie, il n’en veut à personne. Il envisage la suite avec sérénité. Il sait que des jours moins bons arriveront aussi. Il reste malgré tout extrêmement reconnaissant. "Avec les séquelles au cerveau, j’aurais pu ne jamais reparler. Tout aurait pu être beaucoup plus grave. Je ne peux que dire merci, d’être toujours là, toujours en vie." Durant les prochains mois, il devra gérer les petites frustrations du quotidien. Un savant mélange de patience et d’endurance.
Un binôme, deux réalités
Impossible de parler de l’accident de Guillaume Girolamo, sans évoquer son copilote Benjamin Bétrisey. Ce dernier s’en était tiré sans grosses séquelles physiques. Croisé sur le Rallye International du Valais voici quelques semaines, il nous avait expliqué que son blocage était surtout mental. "J’ai eu quelques nuits compliquées", nous a-t-il confié. Pour passer à autre chose, pas d’autre choix que d’avancer. "J’ai eu de la chance, avec une petite commotion, rien de plus. Ce qui est fait est fait. Ça fait du bien d’en parler même si on ne pourra pas effacer ce qui s’est passé." Un retour au rallye n'est pas exclu mais c’est de la musique d’avenir. Benjamin Bétrisey adresse, lui aussi ses remerciements à la famille du rallye et son soutien à Guillaume Girolamo, avec qui il continue d’échanger régulièrement.
Retrouvez ci-dessous l’interview intégrale en compagnie de Guillaume Girolamo.
