Jules-Henri Gabioud: «Cette performance est une finalité dans ma pratique du trail»
Durant le dernier mois, Jules-Henri Gabioud a cumulé 750 km de course pour 57'000m de dénivelé positif. Un exploit incroyable qui a permis à l'Orserain de remporter deux épreuves mythiques de l'endurance trail.
Sa démarche est presque normale, même si on devine une gêne. «J’ai encore deux-trois petites tendinites aux pieds», lance Jules-Henri Gabioud. Les stigmates de ses folies réalisées ces quatre dernières semaines. C’est un moindre mal, tellement l’accomplissement parait titanesque.
Vendredi passé, Jules-Henri Gabioud a gagné le Tor des Glaciers, une course disputée dans le Val d’Aoste sur… 450 km. La performance de l’ultra trailer d’Orsières prend une dimension supplémentaire lorsque l’on précise que deux semaines auparavant, il remportait en binôme avec son frère Candide la Petite Trotte à Léon (PTL), épreuve de 300 km.
Des chiffres renversants
Cumulé, cela représente donc 750 km pour 57'000 mètres de dénivelé positif, engloutis en 238h – 100h pour la PTL et 138h pour le Tor des Glaciers. Tout cela sur un mois, donc. Les chiffres sont renversants. Et que dire de l’état physique de l’athlète, à peine une semaine après les faits. «Physiquement, ça va assez bien, mis à part ces tendinites. Et puis je plane encore un peu. Je n’ai envie de redescendre de mon petit nuage.»
«Ce qu’il reste aujourd’hui, c’est l’aventure que j’ai vécue. C’est comme un film dans ma tête, tellement c’était magnifique.» Jules-Henri Gabioud
Depuis son petit nuage, l’athlète de 34 ans réalise-t-il ce qu’il vient d’accomplir ? «Franchement, il va me falloir un petit moment. Actuellement, je ne pense pas au nombre de kilomètres que j’ai couru. Ce qu’il reste aujourd’hui, c’est l’aventure que j’ai vécue. C’est comme un film dans ma tête, tellement c’était magnifique ce qui s’est passé durant ce dernier mois.»
15 ans d’expérience
Pour réussir un tel défi, il faut évidemment une endurance hors du commun. Mais aussi beaucoup d’expérience. Jules-Henri Gabioud a, entre autres, remporté le Tor 330 il y a dix ans. Aujourd’hui, à 34 ans, il est arrivé à maturité pour réaliser cette performance. «Ça fait une quinzaine d’années que je fais ce sport. J’ai la passion et la connaissance de la montagne, notamment grâce mon métier d’accompagnateur. Ce défi, c’est une finalité dans ma pratique du trail.»
Cette expérience lui a également permis de surmonter les plus grands obstacles. «Le plus important est d’être en forme au départ. Après, tout se passe sur le plan mental. Il faut réussir à avoir les bonnes motivations pour avancer, ne jamais penser à la compétition mais à l’aventure et en profiter.»
«Plus l’échéance se rapprochait, plus ça me faisait peur, mais plus je me disais que le challenge était possible.» Jules-Henri Gabioud
Reste qu’un enchainement comme celui-ci se prépare. Alors est-ce que Jules-Henri Gabioud avait cet objectif en tête depuis longtemps ? «Oui et non. Ce n’était pas un but absolu, mais le covid est passé par là et a chamboulé tous les programmes. L’an dernier, je n’avais plus trop de motivation pour la compétition. Et cette année, en relançant la machine, je me suis retrouvé avec un dossard sur les deux courses. Plus ça se rapprochait, plus ça me faisait peur, mais plus je me disais que le challenge était possible. Une fois la PTL bouclée, j’en étais convaincu.»
«Au 220e km de la PTL, je me suis dit: «ok, tu serais au milieu du Tor, et ça a l’air d’aller, c’est positif.» Jules-Henri Gabioud
Et l’Orserain de reprendre: «Je n’ai pas couru les 300 km de la Petite Trotte à Léon en pensant à m’économiser pour le Tor des Glaciers qui arrivait deux semaines plus tard. Il fallait prendre une chose après l’autre. Mais c’est vrai qu’au 220e km de la PTL, je me suis dit: «ok, tu serais au milieu du Tor, et ça a l’air d’aller, c’est positif». Mais autrement, j’étais concentré sur la PTL.»
Des rêves plein la tête
Une édition 2021 de la Petite Trotte à Léon qui était d’autant plus incontournable pour Jules-Henri Gabioud et son frère que le parcours de cette année partait exceptionnellement de chez eux, à Orsières. Désormais, place à la récupération pour l’athlète valaisan. Il ne remettra pas de dossard en 2021 et réfléchit à ses futurs défis. «J’ai des rêves de traversée, des rêves au Népal – même si c’est encore difficile avec le covid. J’ai plein de rêves que ce soit avec ou sans dossard. Maintenant on va se poser tranquille et réfléchir, mais il y aura toujours des défis.» Et tant pis si les chiffres nous donnent toujours plus le vertige.