Le prix unique du livre revient sur la table
Le conseiller national valaisan Mathias Reynard vient de déposer une initiative parlementaire à Berne. Neuf ans après une première votation populaire, le débat est relancé. Partisans et opposants ne s’accordent sur (presque) rien.

Le prix unique du livre signe son retour sur le devant de la scène politique. Une initiative parlementaire vient d’être déposée au Conseil national. Elle est portée par le socialiste valaisan Mathias Reynard, futur conseiller d’Etat, et le PDC genevois Vincent Maitre, dont le père, Jean-Philippe Maitre, avait lancé l’idée du prix unique du livre en 2004. Le projet avait abouti à une loi fédérale, qui a été combattue par un référendum et refusée à 56% par le peuple suisse en 2012.
Le texte déposé à Berne demande qu’un livre soit vendu à un même prix dans toutes les librairies et magasins de Suisse. Les initiants sont convaincus que le prix unique permettrait aux petites librairies de rester compétitives par rapport aux grandes chaînes et aux grands groupes du commerce en ligne.
La disparition des librairies
Pour Mathias Reynard, la situation du monde du livre a évolué depuis 2012, notamment au niveau politique. « Il y a une sensibilité beaucoup plus forte aujourd’hui pour la culture et la littérature. Je n’ai pas eu de difficulté à trouver, dans chaque parti, des personnes qui acceptaient de signer cette initiative. Il y a aussi une évolution économique. Chaque année, plusieurs dizaines de librairies disparaissent. C’est un appauvrissement pour les consommateurs, pour la diversité culturelle de notre pays, pour les écrivaines et écrivains », affirme le futur conseiller d’Etat valaisan.
De son côté, le conseiller national PLR Philippe Nantermod était opposé au prix unique du livre en 2012 et l’est toujours aujourd’hui. Pour lui, remettre ce sujet sur la table est un non-sens. Contrairement à Mathias Reynard, il considère que rien n’a changé durant les neuf dernières années, bien au contraire. « Les prédictions que nous faisaient les prédictions du prix unique du livre ne se sont pas réalisées. Les librairies n’ont pas disparu et les gens lisent toujours autant. Les statistiques montrent que le marché du livre se porte mieux sur cette période-là que dans des pays qui ont adopté le prix unique », répond Philippe Nantermod.
Le nombre de librairies a bel et bien diminué en Suisse depuis la votation populaire de 2012. Selon l’Office fédéral de la statistique, il est passé de 548 en 2013 à 460 en 2018. Cela correspond à une perte de 341 emplois équivalents plein temps.
La peur des GAFA
Mathias Reynard estime que la crainte de la population envers les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les grands groupes du commerce en ligne a pris de l’ampleur, ce qui pourrait, cette fois-ci, jouer en faveur du prix unique du livre. « Les très grandes chaînes viennent casser le marché. Les gens sont plus sensibles à ce phénomène qu’il y a dix ans. La beauté, dans la culture, c’est la diversité. C’est d’avoir une création culturelle différente selon les régions. On ne veut d’un monde dans lequel on lit partout exactement la même chose. Ce prix règlementé est non seulement positif pour le consommateur, parce qu’il permet globalement une baisse des prix, mais aussi pour la création culturelle », raconte le conseiller national socialiste.
Philippe Nantermod n’est pas du tout d’accord avec cette affirmation. Il prétend que le prix unique empêcherait les consommateurs de profiter des rabais proposés par les grandes chaînes et d’accéder ainsi à la culture à des prix plus avantageux. Concernant les grands groupes du commerce en ligne, il tient à préciser que s’ils se sont développés, c’est parce que les gens les utilisent. « Si la population ne veut pas de ces grands groupes, libre à elle d’aller dans des petites librairies. À un moment donné, les consommateurs doivent être conséquents. Vous ne pouvez pas d’un côté acheter vos livres sur Amazon et ensuite faire des lois pour vous donner bonne conscience. Je pense que c’est de l’incohérence et même de l’hypocrisie », rétorque le vice-président du PLR suisse.