Un courtier publie les annonces immobilières de ses concurrents ; le Valais touché
Une plateforme en ligne qui publie les annonces immobilières de ses concurrents. C’est ce qu’a fait la semaine dernière la société de courtage Neho. Plusieurs agences immobilières valaisannes ont été victimes de ce procédé.

La société de courtage digital Neho s’est attirée les foudres des professionnels de l’immobilier. La semaine dernière, cette start-up numérique low-cost a publié sur son site internet les annonces immobilières de ses concurrents. L’agrégateur comptait ainsi près de 40'700 biens à vendre sur sa plateforme. Extraites des sites comme immobilier.ch, Anibis ou Immoscout24, les annonces ont été reproduites sans autorisation et rediffusées sur le site de Neho. «C’est un vol immédiat», dénonce Yannick Buttet, co-fondateur de Keywe, une agence immobilière valaisanne concernée par l’affaire. «Vous retrouviez sur le site de ce courtier votre annonce, votre texte et vos photos», explique l’ancien conseiller national PDC. «Et surtout au passage, les données de potentiels acheteurs étaient récupérées pour être utilisées par le concurrent en question».
Rien d’illégal ?
Dans une prise de position, l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI) a dénoncé une concurrence déloyale et un usage de données sans consentement. Elle dit condamner fermement les procédés de "crawling" et de "scraping", qui pourraient s’avérer illicites. «Les règles déontologiques de l’USPI sont simples. On doit conduire ses affaires dans un esprit de saine concurrence sans créer un avantage au détriment d’un autre», explique Timothée Saumade, président de l’USPI Valais.
Malgré le flou juridique, certaines agences immobilières romandes ont décidé de donner des suites judiciaires. Contacté, le puissant groupe immobilier vaudois Bernard Nicod envisage de demander des dédommagements en cas d’affaires conclues grâce à ce procédé. «Aujourd’hui, il faut connaître le dommage : combien de temps les annonces ont-été en ligne ? Le nombre d’annonces mis en ligne et le nombre de clics qui a été généré par ces annonces», précise Timothée Saumade de l’USPI Valais.
Une réponse politique attendue
Reste que cette affaire met en lumière les lacunes concernant l’encadrement de la profession de courtier immobilier. «Vous pouvez vous réveiller un matin et décider de faire du courtage immobilier», illustre Yannick Buttet. L’ancien politicien collombeyroud réclame un minimum de protection pour ce métier. «On devrait exiger des critères minimaux pour garantir la sécurité des transactions et des clients», propose-t-il. Et de préconiser des formations minimales à entreprendre ou un examen qui validerait les compétences des courtiers. Même son de cloche du côté de l’USPI Valais, qui est ouverte à un durcissement des règles en la matière. «Il faut faire confiance à des acteurs qui sont membres d’une association professionnelle et qui ont signé une obligation de respecter un code déontologique», argumente Timothée Saumade.
Face à la levée de boucliers des associations professionnelles, la plateforme de courtage Neho a finalement retiré les annonces litigieuses.
La plateforme numérique Neho emploie environ 25 courtiers en Suisse romande. Mise en cause dans l'affaire ci-dessus, la start-up persiste et signe. Elle assure être du bon côté de la loi, malgré le retrait des annonces litigieuses. "On est une jeune entreprise. On pense que notre énergie et nos ressources seront mieux allouées dans nos services de courtage en financement plutôt que dans des actions juridiques", explique Florent Bourchalot, co-fondateur de Neho. "Même si on est persuadé de gagner", poursuit-il.
Quant aux reproches de crawling et de scraping, évoqués par les professionnels de l'immobilier, Neho se défend en indiquant avoir voulu augmenter la visibilité des biens immobiliers. "L'idée est que nos clients puissent voir nos propriétés et d'autres", argumente Florent Bourchalot, qui nie toute volonté de prétention financière envers les agences immobilières à l'origine des annonces.
La plateforme Neho se dit aussi prête à une meilleure règlementation de la profession de courtier immobilier. "A l'interne, on dispose d'un système de formation continue", se défend le co-fondateur de la start-up.