Pablo Iglesias: «Une chance unique de me confronter au management de Constantin»
Il est le renfort du FC Sion en coulisses. Pablo Iglesias a été intronisé au poste nouvellement créé de directeur du football. Le Vaudois se livre sur son engagement et sa vision pour l’avenir du club valaisan.
Son arrivée était dans l’air depuis plusieurs semaines déjà. Elle a été confirmée par le FC Sion durant le week-end dernier. Après les départs conjoints du vice-président Gelson Fernandes (ndlr: à la FIFA) et du directeur général Massimo Cosentino (ndlr: annoncé à la Juventus), Pablo Iglesias s’est engagé en Valais. Il hérite d’une toute nouvelle casquette: celle de directeur du football. Interview.
Pablo Iglesias, qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre le FC Sion?
Le challenge tout simplement. Je sais que ça peut paraître bateau comme réponse mais jusqu’à présent, toutes mes expériences professionnelles étaient institutionnelles. Que ce soit auprès de l’ASF, dans le Canton de Vaud ou même avec des propriétaires étrangers comme Waldemar Kita ou le groupe INEOS à Lausanne. Je n’ai jamais eu l’occasion de côtoyer un club géré de manière locale comme c’était le cas à Lugano avec Angelo Renzetti, comme ça l’est à Zurich avec les Canepa ou ici avec la famille Constantin. Aujourd’hui, ce genre de défi me motive fortement.
Vous connaissez le club et son président. Signer en Valais, c’est faire preuve d’un certain courage…
Je ne crois pas. Je vois plutôt ça comme une occasion unique de me confronter à ce genre de management et de savoir s’il convient à ma personnalité, à ma vision du football et à l’évolution de celui-ci. C’est une opportunité qui m’est offerte de voir comment fonctionne un club comme le FC Sion. Je me rends assez compte de la complexité de la tâche dans un Canton qui a un bassin de population d’un peu plus de 300'000 habitants, qui compte près de 70 clubs et qui s’étend sur environ 150 kilomètres entre le fond du Haut-Valais et les bords du Léman. Cette complexité existe notamment au niveau de la formation.
«Je n’ai aucune baguette magique. J’ai besoin d’être entouré pour faire grandir ce club.»Pablo Iglesias
Vous avez été intronisé en tant que directeur du football. Une fonction qui veut dire beaucoup et peu de choses à la fois…
Pour moi, elle est assez concrète. Elle fait le lien entre l’équipe professionnelle et le secteur de formation. Elle définit la politique sportive et la méthodologie de travail qui doit être commune à tous les étages. Mon rôle est d’ouvrir la porte à une relève plus locale en première équipe. Mais attention, je n’ai aucune baguette magique. Je fais partie d’un puzzle et j’ai besoin d’être entouré pour faire grandir ce club.
Vous parlez de puzzle, comment se passe la relation avec Christian et Barthélémy Constantin, les deux autres pièces principales de celui-ci?
Comme dans toute nouvelle relation, c’est tout beau, tout rose. Mais il faudra que l’on vive des moments plus difficiles. C’est là que l’on voit le vrai caractère des personnes. Moi je viens avec une idée, un objectif clair et j’ai la conviction qu’il peut être atteint. Mais si ça ne devait pas être le cas, ça ne sert à rien de faire de monstres histoires. Barthélémy et Christian savent très bien de quel bois je suis fait et c’est peut-être ce qui nous rassemble. On a envie de gagner, d’être performants. On est des entrepreneurs et pas seulement des exécutants. Chacun de nous doit apporter sa contribution à notre projet commun. Mais nous ne sommes pas qu’un trio. On a besoin de l’aide de tous les départements qui composent ce club.
«Je n’ai pas besoin d’éteindre la lumière de quelqu’un pour allumer la mienne.»Pablo Iglesias
Concrètement, quel pouvoir de décision avez-vous à titre personnel?
C’est quelque chose que je dois encore définir. Mais en toute sincérité, le seul qui prend des risques ici, c’est le président. C’est donc normal qu’il soit au courant de tout ce qui se passe dans son club. Cela ne légitime pas tout mais je peux le comprendre. Si on inversait les rôles, je suis sûr qu’on se comporterait tous un peu comme lui. Encore une fois, c’est ce fonctionnement que j’ai envie de découvrir. Et puis bon, aujourd’hui j’ai la chance de ne pas avoir besoin d’éteindre la lumière de quelqu’un pour allumer la mienne. Surtout en termes de passion, de travail, d’expérience ou d’expertise. On doit travailler avec sérénité. Nous ne sommes pas des concurrents. Nous sommes une équipe.
Vos premiers axes de travail, quels sont-ils?
Dans les prochains mois, ma priorité sera de m’occuper de la relève. À ce niveau-là, j’ai déjà rencontré plusieurs personnes qui sont impliquées et qui s’identifient à leur club. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’impressionne assez. Ici, on est souvent dans le système D et ça demande des efforts à tout le monde. Mais je sens que les dirigeants ont la volonté d’aller dans le bon sens. D’ouvrir un nouveau créneau «valaisan» qui permette au public de s’identifier à ce qu’il voit à Tourbillon à l’avenir. Jusqu’à Noël, mon leitmotiv sera donc la formation. Je serai évidemment disponible également pour apporter mes conseils à la première équipe si besoin. Mais je n’ai pas l’intention de m’insérer partout. Je veux faire mon travail de manière concrète.
Vous parlez de l’importance de la formation. Les M21 viennent d’être relégués en 1ère ligue. Il y a de quoi être inquiet?
Écoutez, c’est toujours délicat de parler de résultats avec des jeunes. On sait que la saison s’est mal passée pour les M21, que les M18 ont terminé dixièmes d’un groupe de quatorze et les M16 douzièmes. Mais dans la formation, il y a deux possibilités: soit vous formez des équipes, soit vous formez des joueurs. Ici, au vu de notre bassin de population, on est plutôt dans la 2ème option. Notre dynamique est la même que celle de Villareal où j’étais en stage la semaine dernière. On met un maximum d’atouts, d’investissement sur la relève. L’année prochaine, il ne faudra pas sous-estimer le niveau de la 1ère ligue. Peut-être même que le classement de nos M21 ne sera à nouveau pas très bon. Mais on aura une équipe «pampers» qu’il faudra encadrer. De très jeunes joueurs qui ont déjà une certaine qualité. Comme c’est le cas de certains de leurs entraîneurs qui ont les atouts pour être de futurs techniciens de Super League. À Sion ou ailleurs.
«La formation d’un footballeur dure de ses 5 à ses 21 ans. C’est bien plus long que celle d'un avocat ou d'un chirurgien.»Pablo Iglesias
La saison prochaine, il n’y aura pas de relégation directe en Super League. Une situation propice à accorder davantage de temps de jeu à de jeunes éléments?
Ce serait le cas si cette décision entrait en vigueur d’ici trois ans. Même si le club a bien travaillé jusqu’à présent dans certains aspects de la formation, je ne pense pas qu’on soit prêts, aujourd’hui, à sortir plusieurs jeunes Valaisans dès la reprise. C’est le problème de la relève: il faut être patient. La formation d’un footballeur dure généralement de ses 5 à ses 21 ans. C’est bien plus long que celle d'un avocat ou d'un chirurgien. Je sais qu’à Sion, le public a des attentes mais je lui demande cette patience. Et vous verrez qu’elle portera ses fruits car de ce que j’ai pu voir, à partir des M15 il y a entre cinq et six joueurs par équipe qui ont les moyens pour revendiquer une place en Super League. Pas tout de suite mais d'ici quelques années.
Vous avez évoqué les attentes du public. Elles concernent aussi le spectacle trop souvent défaillant ces derniers mois au niveau de la première équipe…
Je le comprends totalement. Ce que présente l’équipe est important. Au-delà des résultats, elle doit communiquer quelque chose rien qu’avec son énergie. C’est quelque chose sur laquelle le président et l’entraîneur travaillent. Tout est fait pour que l’on arrive à la reprise avec un dynamisme, un enthousiasme qui embarque le public avec nous. Mais encore une fois, une équipe ne se construit pas en un jour. Pour proposer quelque chose de très abouti, il y a deux mots d’ordre: la continuité et la stabilité.