Mano, une SDF en Valais: «Je ne demande qu'un toit, pour moi et ma fille»

Qui sont les personnes SDF en Valais ? Comment en sont-ils arrivés là ? Que fait l’Etat ? Rhône fm a rencontré Mano, une Valaisanne qui vit avec l'une des ses filles adultes entre un hôtel désaffecté et une collocation de fortune depuis 18 mois.

Oui, il y a des SDF en Valais. Ils ne vivent pas dans la rue, mais ils squattent des canapés ou vivent sous les toits qu’on leur offre gracieusement. C'est le cas de Mano, qui n'a plus d'appartement depuis 18 mois.

Comme souvent dans ce genre de cas, le parcours de Mano est particulier. Elle traverse tout d’abord une enfance qu’elle définit elle-même comme plutôt difficile. Elle fonde une famille, mais se retrouve rapidement mère célibataire. Elle tombe ensuite malade et ne peut plus travailler. «J’ai eu des problèmes de santé qui ont engendré 27 opérations… une maladie dégénérative, détaille la Valaisanne. Les médecins ont confirmé mon état de santé qui se péjore. Mais selon l’assurance invalidité (AI), la prise en charge médicale devrait pouvoir me permettre de reprendre une activité professionnelle, ce qui n’est pas le cas.»

«J’ai eu des problèmes de santé qui ont engendré 27 opérations.»

Mano, SDF en Valais

A partir de ces arrêts maladie, Mano bénéficie de prestations sociales qui lui permettent de vivre. Sauf que quelques années plus tard, un héritage important lui revient: elle doit alors rendre les allocations reçues jusque-là, ce qu’elle ne fait pas. Elle dit avoir été mal conseillée et fait certains choix qui se révèlent aujourd'hui problématiques. Avec l'argent reçu, elle préfère rembourser les études de sa fille avancée par un membre de la famille, payer les assurances, son loyer, la voiture… Rapidement, les fonds commencent à manquer. Et puis un jour, la police toque à sa porte: «C’était après de longues procédures. Les propriétaires et des agents ont débarqué un matin. Ils m’ont dit que j’avais une heure pour prendre quelques affaires et partir. Personne ne s’est préoccupé de savoir où on allait.»

Vivre avec 2,70 francs par jour

Elle vit d’abord chez une amie à Neuchâtel. Puis elle revient en Valais pour que sa fille cadette puisse effectuer un stage. «On a passé 9 mois dans un hôtel désaffecté, en faillite. Sans eau chaude, sans chauffage. C’était une situation dramatique.» Aujourd’hui et depuis bientôt une année, elle vit dans une collocation où elle partage une chambre avec sa fille. Lorsque nous l’avons rencontré en début février, il ne lui restait plus que cinq francs sur son compte en banque pour finir le mois. Elle détaille: « Si l'on déduit le box où sont nos affaires, il me reste reste 2 francs 70 par jour pour vivre.»

Selon Roland Favre, le chef de l’office de coordination des prestations sociales, ce genre de situations sont rares. Cela reste pourtant difficile de formuler un chiffre concernant le nombre de SDF en Valais. Si l’on compare aux autres cantons, on peut raisonnablement estimer cette statistique à plusieurs dizaines, voire une ou deux centaines peut-être. Surtout des personnes sans-papiers ou qui ne se sont pas présentées aux services sociaux, selon le responsable cantonal.

«Plusieurs points sont systématiquement placés en priorité par l'aide sociale: la notion de logement, tout ce qui est des frais de nourriture ou encore les charges liées à la santé.»

Roland Favre, le chef de l’office de coordination des prestations sociales

Dans tous les cas, personne ne devrait se retrouver à la rue en Valais, explique le chef d’office. Les services sociaux sont tenus d’offrir des prestations qui couvrent le minimum vital: «Plusieurs points sont systématiquement placés en priorité comme la notion de logement, tout ce qui est des frais de nourriture ou encore les charges liées à la santé».  Sans se positionner sur des situations particulières, Roland Favre l’admet pourtant, certains dossiers donnent davantage de fil à retordre que d’autres.

Des bénéficiaires qui doivent rembourser les allocations

C’est le cas des personnes qui ont reçu une fortune à un moment donné de leur vie. «Dans le cas d’un héritage, d’un gain en loterie, ou lorsque l’aide sociale a fait des avances en prestations, les personnes se doivent de rembourser les montants perçus, explique Roland Favre.» Il y a pourtant une valeur seuil: les 30'000 premiers francs ne sont pas touchés. «Ces 30'000 francs doivent permettre à la personne d’être autonome. Elle doit pouvoir vivre sur cette fortune pendant un certain temps.»

Le fait de devoir rembourser des prestations sociales dans certains cas peut parfois à nouveau plonger les demandeurs d’aides dans la précarité, admet Roland Favre. «Le but de l’aide sociale est d’accompagner des personnes sans ressources. Si elles en obtiennent à un moment donné, l’objectif est tout de même qu’elle puisse rembourser l’aide reçue pendant une période plus compliquée. Cela permet ainsi de dégager des fonds pour d’autres personnes qui en ont peut-être davantage besoin.»

«On ferme les yeux sur la misère»

Aujourd'hui, Mano estime ne pas avoir été entendue. «Ce que je demande, c'est simplement d'avoir un toit pour ma fille et moi. Pour que nous puissions nous reconstruire. Je suis à bout. J'ai l'impression qu'on ferme les yeux sur la misère. J'en suis au stade où si l'on ne m'écoute pas, je suis prête à mettre fin à mes jours.»

dar
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