Trois ans après avoir pris son envol, après avoir quitté ce Chablais où il est né et où il a tapé dans ses premiers ballons, la sensation est toujours la même pour Lorent Tolaj. À l’heure de fouler l’une de ces pelouses sur lesquelles, il y a quelques années encore, il enquillait les buts avec les juniors montheysans, le jeune attaquant ne cache pas son bonheur: «Cela fait toujours plaisir de revenir là où tout a commencé. À chaque fois que je croise l’un de mes anciens entraîneurs, je vais le saluer, lui serrer la main et lui dire merci.»
«Si je suis aujourd’hui en Angleterre, je le dois beaucoup à Monthey.»Lorent Tolaj
Car oui, si depuis le temps Lorent Tolaj a fait du chemin, il tient à se rappeler de toutes ces personnes qui ont contribué à son développement passé: «Si je suis aujourd’hui en Angleterre, je le dois beaucoup à Monthey. Sans ce qui m’a été appris ici, rien n’aurait été possible. C’est donc important pour moi d’être reconnaissant envers ce club et tous ceux qui le composent...»
Passer de Monthey à Brighton ne s’est pas fait directement pour Lorent Tolaj qui a fait «escale» dans les rangs juniors du FC Sion: «Je suis arrivé en M15 et j’ai gravi les échelons jusqu’à m’entraîner avec les M21. Lorsque l’offre est arrivée d’Angleterre et que je l’ai acceptée, les dirigeants m’ont toutefois laissé en M18. Un choix que je pouvais comprendre», explique-t-il. Sérial buteur, le Chablaisien inscrit 14 réussites en 26 matches pour les M18 sédunois avant de traverser la Manche, à tout juste 16 ans. «Malgré mon jeune âge, je n’ai pas hésité. Je savais qu’en Angleterre, je découvrirai le meilleur football au monde.»
Ce départ du nid familial s’est fait d’un commun accord avec ses parents: «On en a beaucoup discuté avant de prendre la décision de partir. Ma mère m’a accompagné et elle est restée un an avec moi pour faciliter mon adaptation. Au début, c’était très difficile car je ne parlais pas la langue, tout était nouveau pour moi… Mais avec le temps, j’ai pris mes marques et depuis deux ans maintenant, je vis seul là-bas.»
Le choix de Brighton pouvait surprendre à l’heure où plusieurs cadors britanniques s’étaient renseignés sur le jeune Valaisan. «Non, je n’ai pas fait ce choix en me disant qu’accéder à la première équipe serait plus facile qu’ailleurs», souffle-t-il d’emblée. «Je suis allé visiter l’académie et j’ai eu un véritable coup de cœur pour Brighton. C’est vraiment ça qui a fait la différence car à l’époque, je ne connaissais rien… Ni du club, ni de la ville.»
«Ce qui m’a le plus choqué, c’est la ferveur des Anglais pour le foot.»Lorent Tolaj
À peine arrivé dans le Sussex, Lorent Tolaj se rend immédiatement compte qu’il débarque dans un autre monde. «La première différence entre l’Angleterre et ce que j’avais connu en Suisse est tout ce qui concerne les infrastructures. Ici elles sont quasiment inexistantes alors que là-bas, tout est très pro», relève-t-il. «Mais ce qui m’a le plus choqué, c’est la ferveur des Anglais pour le foot. Tout le monde vit pour ce sport. Être formé dans un tel environnement, c’est une réelle chance que j’ai eu à cœur de saisir.»
Une chance qu’il n’est toutefois pas le seul à obtenir. À l’heure où il s’engage avec Brighton, dix autres jeunes joueurs en font autant. Au sein de cette académie qui l’a séduit, ils sont donc nombreux, très nombreux, à partager ce même rêve, à espérer un jour pouvoir briller en Premier League. «Ce n'est pas facile tous les jours au vu de cette concurrence qui est assez féroce», reconnaît-il. «Mais j’en étais conscient au moment de signer. C’était un challenge que je voulais me fixer. J’avais à cœur de voir mes limites et jusqu’où je pourrais aller.»
«Il fallait être solide dans la tête pour ne pas craquer, tout seul dans pareille situation.»Lorent Tolaj
Outre-Manche, Lorent Tolaj ne tarde pas à démontrer ses qualités. Dix buts en vingt rencontres avec les M18 pour sa première saison, douze en vingt-et-une parties disputées entre les M18 et la réserve l’année suivante. Des débuts très encourageants avant d’être freiné coup sur coup par deux blessures l’an dernier. «Je me suis d’abord déchiré le ménisque et j’en ai eu pour trois mois», se souvient-il. «Et là, je reviens, je fais un entraînement et j’ai une nouvelle déchirure, à l’arrière de la cuisse cette fois-ci. Alors que je pensais enfin être sur la bonne voie, j’en reprends pour cinq mois…» Des coups durs qui lui font donc perdre un temps précieux dans sa progression tandis qu’à cet âge-là, si près du but, la moindre occasion de se montrer est bonne à prendre. «C’était très compliqué à vivre même si j’ai su rester fort mentalement. Il fallait être solide dans la tête pour ne pas craquer, tout seul dans pareille situation.»
Remis de ses pépins physiques, le Chablaisien dispute les deux dernières rencontres de son équipe ce printemps. Deux entrées en jeu face à la réserve de Derby County puis à celle d’Everton. En fin de contrat, il obtient une belle marque de confiance de la part de ses dirigeants: «Ils m’ont proposé une prolongation d’une année avec une option pour une saison supplémentaire.» Pour continuer à suivre son rêve, Lorent Tolaj sait donc qu’il lui faudra être performant lors du prochain exercice de Premier League 2, le championnat des équipes réserves. «Une ligue à l’image du foot anglais. Les duels y sont très appuyés, bien plus qu’en Suisse. Il faut être vraiment costaud si tu ne veux pas te faire bouffer. J’ai dû travailler là-dessus, m’aguerrir physiquement car, en tant qu’attaquant, on se doit d’être imposant. Après, attention, je n’ai pas exagéré. Je veux quand même être capable de courir», se marre-t-il.
Afin de mettre toutes les chances de son côté, ce binational helvético-kosovar («Je ne me pose pour l’heure pas de question par rapport à un quelconque choix entre mes deux pays. Je suis avec les M21 de la Suisse et je m’y sens très bien pour le moment», explique-t-il) s’est récemment entouré d’un agent anglais: «Le football ici correspond vraiment à mon style de jeu, raison pour laquelle je ne me vois pas ailleurs.»
«Bien sûr que l’argent est important mais ma volonté première est celle de jouer.»Lorent Tolaj
Si quitter l’Angleterre ne fait donc pas partie des plans de Lorent Tolaj, partir de Brighton ne semble pas davantage l’intéresser. «Encore une fois, je suis très très bien dans ce club. Si je peux continuer des années, je le ferai. Même si des clubs plus prestigieux venaient à se présenter à moi, je ne pense pas que j’accepterais. Bien sûr que l’argent est important mais ma volonté première est celle de jouer.»
Jouer et, surtout, marquer. De ses débuts sur les terrains du côté de Monthey à son futur au Sud de l’Angleterre, les objectifs du Chablaisien sont restés intacts: «Faire trembler les filets en Premier League est le rêve pour n’importe quel gosse. Depuis tout petit, j’ai toujours joué en pointe car je ressens ce besoin de marquer. C’est devenu plus difficile de le faire avec le temps mais les émotions n’en sont que plus grandes. Et si il y a une chose qui n’a pas changé, c’est ma volonté après chaque but d’en inscrire toujours plus.»
Et si un jour cela devait être le cas à Anfield, à Old Trafford ou sur n’importe quelle autre pelouse de ce championnat de Premier League qui fait tant rêver Lorent Tolaj, nul doute que ce dernier ne manquerait pas d’avoir une pensée pour tous ceux qu’il a connu à Monthey. Là où tout a commencé.