Jade Dubi, 20 ans et une vie déjà pleine de défis
C’est l’un des seuls championnats de hockey sur glace que le coronavirus n’a pas forcé à se mettre en pause prolongée. La Women’s League se poursuit presque comme si de rien n’était. Et parmi les joueuses engagées, une valaisanne : Jade Dubi, gardienne du SC Reinach.
Jade Dubi n’a que 20 ans et pourtant, la Montheysanne possède déjà une belle expérience dans le monde du hockey sur glace. Un monde dans lequel elle est tombée un peu par hasard. C’était il y a une quinzaine d’années déjà. «J’ai commencé parce que je voulais faire comme mon frère qui pratiquait déjà ce sport. Je n’avais alors que cinq ans et j’ai commencé du côté de Leysin. Deux ans plus tard, on a déménagé en plaine et c’est donc à Monthey que je me suis lancée en tant que gardienne», se remémore-t-elle.
Elle n’est pourtant pas casse-cou
Mais pourquoi donc vouloir se placer dans une cage, prête à crouler sous les tirs de ses coéquipières à l’entraînement et de ses adversaires en match? «Ce que j’aime dans ce rôle, c’est la vitesse d’exécution qu’il faut avoir. La précision aussi, pour s’emparer du puck qui est adressé en notre direction.» Un côté un peu casse-cou semble aussi nécessaire au moment d’enfiler la mitaine et le bouclier : «Peut-être c’est vrai, même si je dois vous dire que je ne suis pourtant pas la plus grande des casse-cous dans la vie de tous les jours», sourit la Chablaisienne.
«Les dirigeants de Lugano m’ont dit qu’ils voulaient remporter le titre et le faire avec moi dans les cages»Jade Dubi
Si elle a longtemps joué avec les garçons en étant plus jeune, Jade Dubi a rapidement tapé dans l’œil de l’une des formations de Women’s League, la première division féminine du pays. Elle n’avait en effet que 15 ans lorsqu’elle a rejoint Neuchâtel Academy, unique représentant romand du championnat. «J’y ai joué durant deux ans, puis Lugano est venu me chercher. Sa gardienne était partie à l’étranger pour le travail et les dirigeants m’ont dit qu’ils voulaient remporter le titre et le faire avec moi dans les cages.» La Valaisanne accepte, elle quitte la patinoire du Littoral pour la Resega où elle devient «bianconera».
Une vie à 100 à l’heure durant ses années tessinoises
Ses semaines sont alors chargées. Elle vit en Valais, étudie à l’Ecole de commerce et de culture générale de Martigny et s’entraîne notamment avec les garçons du HCV Sion. Puis arrive le vendredi, jour qui la voit effectuer les cinq heures de trajet en train qui la séparent de Lugano où elle dispute les deux rencontres du week-end. Et dès sa première saison au Tessin, la promesse est tenue : Jade Dubi et ses coéquipières deviennent championnes de Suisse.
Un changement de club motivé par plusieurs raisons
La saison suivante est un peu plus compliquée, son temps de jeu diminue et la Montheysanne décide donc de changer d’air. Cap sur l'Argovie et le SC Reinach : «Plusieurs raisons ont motivé ce choix. Cela me permettait de me rapprocher un peu de ma famille et de m’entraîner toute la semaine avec l’équipe, cela facilite ainsi forcément l’adaptation.»
«Je ne suis pas bilingue du tout mais apprendre l’allemand est un autre facteur qui a motivé mon choix»Jade Dubi
En dehors de la glace, Jade Dubi effectue son stage de maturité en tant qu’employée de commerce au sein de la Ville de Bienne. Après l’italien du côté de Lugano, elle doit donc désormais apprivoiser l’allemand. Ce qui, elle l’assure, n’est en aucun cas un problème: «Je ne suis pas bilingue du tout mais apprendre l’allemand est un autre facteur qui a motivé mon choix. Depuis que je joue à Reinach, je vois déjà la différence, cela m’aide beaucoup, je fais d’énormes progrès. On verra comment ça ira d’ici à la fin de la saison mais je pense que parler plusieurs langues est un atout pour moi. Même si je dois vous avouer que j’ai déjà plus de facilité avec l’allemand que l’italien.»
Testée positive au covid
À l’aise avec la langue de Goethe, bien intégrée au sein de sa nouvelle équipe, tout semble donc réussir à la Valaisanne en ce moment. Sauf que la pandémie est passée par là : elle a été testée positive courant octobre : «J’ai perdu le goût pendant un jour et l’odorat durant trois. C’était relativement court mais je peux vous assurer que l’on est content quand ça revient.» Et si les symptômes se sont vite estompés, la gardienne a tout de même dû rester à l’isolement durant dix jours : «C’était long, c’est vrai. Heureusement aucun match n’était au programme, je n’ai donc pas manqué grand-chose. Mais c’est clair que de ne pas pouvoir faire de sport, être privée de glace, c’était une situation difficile à vivre.»
Toujours à la recherche d’une première victoire cette saison
Désormais parfaitement rétablie, Jade Dubi a pu participer à la reprise du championnat ce week-end (la Women’s League était en pause depuis le 17 octobre). Remplaçante face aux ZSC Lions samedi, elle était dans les buts dimanche face à Thurgovie. Et elle n’a pas pu éviter la lourde défaite 0-5 de son équipe qui n’a engrangé qu’un point jusqu’à présent, celui obtenu samedi en obligeant les Zurichoises à passer par les prolongations pour s’imposer. «Ce début de saison est difficile c’est clair», reconnaît la Chablaisienne. «Mais on a du potentiel donc avec un peu plus d’entraînement et de la volonté, je suis persuadée que l’on va faire une bonne saison malgré tout», enchaîne celle qui compte bien disputer les play-offs au printemps. «Et pourquoi ne pas réussir un coup à ce moment-là?»
«Pour les gens, notre sport n’a pratiquement pas de valeur»Jade Dubi
Et si à l’entendre, on comprend à quel point elle est épanouie dans son sport, Jade Dubi regrette toutefois le manque de reconnaissance dont souffre le hockey féminin: «On donne beaucoup et on ne reçoit que très peu en retour. Pour les gens, notre sport n’a pratiquement pas de valeur. Très peu de spectateurs viennent voir nos matches et c’est dommage. Après, je reconnais qu’avec seulement six équipes, contre douze chez les hommes, notre championnat n’est pas forcément très attractif.»
«Il y a plein de choses intéressantes à observer dans le hockey féminin»Jade Dubi
Pourtant, si le hockey des dames n’est pas reconnu à sa juste valeur d’après la gardienne, il y a six ans, tout le pays s’était enthousiasmé pour les performances de l’équipe de Suisse. En 2014 à Sotchi, Florence Schelling, Sarah Forster et consorts décrochaient alors une médaille de bronze olympique. «La Nati reste la Nati et les Jeux attirent forcément toujours le public. Mais ce qui fait que les gens ne s’intéressent pas à nous, c’est pour moi que chez les hommes cela va plus vite, il y a des charges et c’est ce que les suiveurs veulent voir. Pourtant, il y a plein de choses intéressantes à observer dans le hockey féminin. Il n’y a peut-être pas de charges mais il y a des contacts quand même et le jeu est bien plus tourné vers la stratégie. Je peux vous assurer que le plaisir à nous suivre pourrait être tout aussi grand que chez les hommes.»
Et cela tombe bien puisqu’à l’heure où la plupart des championnats masculins sont à l’arrêt en raison de la pandémie, la Women’s League, elle, se poursuit. Le prochain rendez-vous pour Jade Dubi et Reinach est fixé à samedi. Ce sera sur la glace de l’EV Bomo Thoune.
«Depuis les M15, j’ai toujours été retenue dans les différentes sélections de l’équipe de Suisse», explique avec fierté Jade Dubi. Après avoir notamment participé aux Mondiaux M18 en Russie, la Chablaisienne espère bien connaître à nouveau pareille expérience à l’avenir mais avec le cadre A cette fois-ci : «Les Mondiaux oui mais surtout les Jeux Olympiques, ça c’est mon objectif!» Alors, pourquoi ne pas marcher sur les traces de Florence Schelling en étant à son tour la gardienne qui permettra à la Nati de décrocher une médaille olympique? «C’est l’un de mes rêves, clairement ! Mais je sais aussi que pour y arriver, il faudra beaucoup travailler dans les années à venir.» Un défi qui ne semble pas insurmontable pour une jeune fille qui en a déjà relevé tant d’autres depuis ses débuts dans les cages. Il y a 15 ans, du côté de Monthey.