Le 12 mai dernier, Frédéric Favre, ministre valaisan en charge de la sécurité, répondait devant le grand conseil cantonal à une interpellation sur la gestion des fans à Tourbillon. Dans sa réponse, il avance des chiffres sur des «faits graves ou de violence» lors de rencontres au stade de Tourbillon. Sur les 71 matches disputés entre 2017 et 2021, 24 ont été émaillés d’incidents.
Au moment de le questionner sur la provenance de ces chiffres, le conseiller d’État PLR explique qu’il s’agissait de statistiques établies par une structure spécialisée: la Plateforme de coordination police et sport (PCPS), basée à Fribourg. Quel est son rôle ? Comment recueille-t-elle ces données statistiques ? Comment la structure analyse-t-elle la situation actuelle en Suisse au niveau du hooliganisme ? Interview du capitaine François Gremaud, chef de la PCPS.
Capitaine François Gremaud, quels sont les critères qui définissent la gravité d’un fait ?
Nous avons une tabelle à usage interne qui définit différents critères qui nous permettent de catégoriser tous ces faits. Elle a été établie en 2016 conjointement avec les cantons, la police, la Swiss Football League et la National League de hockey sur glace.
Quelle est la différence entre un «fait grave» et un «fait de violence» ?
On répertorie d’abord les différentes infractions; par exemple des lésions corporelles, des voix de fait, des rixes, des agressions, des contraintes, des émeutes ou des violences. Sur cette base, les manifestations sportives sont catégorisées en «faits graves» ou en «faits de violence». Dès l’instant qu’il y a de la violence entre des groupes de supporters ou de la violence des groupes de supporters envers les autorités, on passe dans un «fait grave». Les petites infractions cumulées à d’autres durant le même match peuvent faire basculer la rencontre en «catégorie rouge», comme on dit chez nous.
La plupart des matches qui ont lieu à Tourbillon sont en catégorie rouge, selon la police cantonale. Est-ce le cas sur l’ensemble du territoire ?
Oui. Si l’on compare avec les chiffres disponibles de la dernière saison complète – soit celle de 2018-2019, avant Covid – on est en augmentation des matches avec «faits de violence».
Idem pour les faits graves ?
Tout un chacun peut le constater. On a une augmentation de l’usage de la pyrotechnie durant les matches. Les pétards sont aussi de plus en plus fréquents. Autre constat que nous avons fait: il y a une nette augmentation de la violence envers les policiers et le service de sécurité des clubs.
Donc si une torche est allumée dans le stade, c’est un fait grave ?
Non, il s’agit d’un fait de violence. Mais le cumul du nombre de torches allumées ou les conséquences de leur usage – y’a-t-il des blessés ou non – peut le transformer en un fait grave.
Des rencontres sans fait grave ou de violence, est-ce que cela existe en Suisse ?
Oui, heureusement. Sur les quelque trois cents matches disputés durant l’année, plus de 40% des matches sont en «catégorie vert», ce qui signifie qu’il n’y a pas eu de problème particulier.
«Nos statistiques sont basées sur les rapports de match des clubs, les rapports de police, ainsi que ceux des CFF.» Capitaine François Gremaud, chef de la plateforme de coordination police et sport
Quels moyens utilisez-vous pour lister ces faits, pour recueillir ces données ?
Nos statistiques sont basées sur les rapports de match des clubs, les rapports de police, ainsi que ceux des CFF (par rapport aux trains spéciaux).
Ces statistiques sont-elles disponibles pour toutes les rencontres de Super League ? S’étendent-elles à d’autres sports ?
Au niveau du football, tous les matches de Super League et de Challenge League sont catégorisés, donc analysées statistiquement. C’est aussi le cas dans le hockey sur glace pour les rencontres de National League et Swiss League.
«Nos statistiques permettent d’avoir un état de situation au niveau de l’hooliganisme en Suisse afin que les autorités compétentes puissent agir en conséquence.» Capitaine François Gremaud, chef de la plateforme de coordination police et sport
Est-il possible de faire des comparaisons chiffrées entre les évènements qui se déroule à Tourbillon et les autres stades de Suisse ?
Oui, on peut faire des comparaisons. Nous avons les chiffres pour cela. Mais nous ne les diffusons pas publiquement. Ils sont à usage des autorités. Toutes nos statistiques sont transmises aux autorités politiques, aux différents corps de police ainsi qu’aux ligues de football et de hockey pour qu’ils prennent des mesures.
C’est là que réside le but de tenir de telles statistiques ?
Oui. L’objectif est d’avoir un état de situation au niveau de le hooliganisme en Suisse, qui permet ensuite aux autorités d’agir en conséquence.
«Si aucune mesure n’est prise, la situation va s’aggraver.» Capitaine François Gremaud, chef de la plateforme de coordination police et sport
Outre ces chiffres, la plateforme de coordination police et sport émet-elle des recommandations ?
Non, à notre niveau nous n’émettons pas de recommandations directement. Nous transmettons ces statistiques, accompagnées uniquement de remarques et commentaires.
Estimez-vous que le hooliganisme est en augmentation en Suisse ?
Je le redis, si on compare à la saison 2018/2019 – la dernière dont nous disposons des chiffres complets – il est en augmentation depuis le retour du public dans les stades. Au vu de la situation actuelle, si aucune mesure n’est prise, cela va s’aggraver.