Gaëtan Karlen: «Je peux me regarder dans le miroir, c’est ce qui compte»
Depuis une saison et demie, Gaëtan Karlen prend son mal en patience. Il attend que vienne son heure. Abonné au banc des remplaçants et en fin de contrat, l’attaquant s’accroche à ce qu’il peut pour garder la foi. Malgré les difficultés, il n’entrevoit pas son avenir ailleurs qu’à Tourbillon.
Pour les suiveurs et les plus fervents supporters du FC Sion, c’est une histoire sans fin. Un mauvais film qui se répète. Une rengaine qui revient inlassablement en même temps que le printemps depuis cinq ans. Comme chaque année, le club valaisan affirmait des ambitions plus ou moins élevées en début de saison. Fort d’un mercato une fois de plus alléchant sur le papier, il devait éviter de revivre les tourments du passé et se positionner – enfin – dans la première partie du classement, voire plus haut. Une série de quatre défaites consécutives à la maison et de huit matches sans la moindre victoire plus tard, le voilà qui se retrouve une fois de plus contraint de regarder vers le bas, quand bien même tout reste relativement serré. Zurich et Winterthour, les deux seules équipes qu’il précède encore, ne pointent plus qu’à deux points avant le duel qui les opposera ce dimanche au Letzigrund.
«Le match à Bâle oppose deux équipes qui se trouvent dans une mauvaise passe. Celui qui l’emportera pourra peut-être encore accrocher le bon wagon.» Gaëtan Karlen
«Malheureusement pour nous, les saisons se suivent et se ressemblent», soupire Gaëtan Karlen. L’attaquant sédunois le sait bien: son équipe n’a pas le droit à l’erreur lors du déplacement qui la conduira au Parc Saint-Jacques de Bâle samedi à 20h30. «Je ne qualifierai pas ce match de crucial, c’est un adjectif un peu fort à mon sens à ce stade de la saison. En revanche, il sera important. Il oppose deux équipes qui se trouvent dans une mauvaise passe. Celui qui l’emportera pourra peut-être encore accrocher le bon wagon.»
Et si cette fois, c’était la bonne?
Pur produit de la formation sédunoise, supporter du FC Sion avant d’en être un buteur, Gaëtan Karlen sait peut-être mieux que quiconque au sein du vestiaire à quel point le voyage sur les bords du Rhin est souvent source de déception, voire de désillusion, dans le camp valaisan. «Chaque année, on se dit que cette fois, ce sera la bonne», témoigne-t-il en référence à cette longue disette de près de 26 ans sans succès en championnat dans l’antre du FCB. Une formation rhénane certainement plus prenable que jamais cette saison. «Le fait qu’ils aient changé d’entraîneur durant la semaine (ndlr: Alex Frei a été remplacé à titre intérimaire par le directeur sportif Heiko Vogel) n’est pas forcément une bonne chose pour nous. Cela peut entraîner un choc psychologique. Pour l’emporter, il faudra que l’on montre sur le terrain qu’on en veut plus qu’eux.»
«Se retrouver chaque lundi à l’entraînement après avoir réalisé une mauvaise opération comptable le week-end, ce n’est pas évident.» Gaëtan Karlen
L’attaquant valaisan ne cache pas que compte tenu des dernières prestations, le moral n’est pas vraiment au beau fixe dans les rangs sédunois. «Se retrouver chaque lundi à l’entraînement après avoir réalisé une nouvelle mauvaise opération comptable le week-end, ce n’est pas évident», souffle-t-il. «Malgré ça, je crois que tout le monde continue de tirer à la même corde. On doit continuer à bosser et ne surtout rien lâcher. Sans ça, on n’ira jamais vers le mieux.»
Deux titularisations en dix-huit mois
Gaëtan Karlen reste positif malgré les circonstances. Collectives d’abord mais aussi personnelles. Depuis dix-huit mois, il n’a été titularisé qu’à deux petites reprises seulement en championnat. Sa dernière présence dans le onze (son unique cette saison) remonte au 20 août dernier lors du premier tour de la Coupe de Suisse sur la pelouse de Chênois. «C’est pauvre, très pauvre. Ce n’est forcément pas quelque chose que l’on vit bien», reconnaît-il. «Ne jamais être retenu est frustrant mais le choix ne m’appartient pas. Tout ce que je peux faire, c’est donner mon maximum durant la semaine et m’accrocher à ça. Je suis en paix avec moi-même, je peux me regarder dans le miroir et c’est ce qui compte. Le jour où on fera appel à moi, je serai prêt.»
«Il y a des décisions qu’il faut accepter…tout en montrant qu’on n’est pas d’accord avec ça.» Gaëtan Karlen
Ce jour aurait pu arriver dimanche dernier face à Zurich. Filip Stojilkovic parti à Darmstadt, Mario Balotelli suspendu, l’heure de Gaëtan Karlen semblait venue. Fabio Celestini a finalement préféré aligner une équipe sans véritable avant-centre. Chouaref, Bua et Itaitinga ont tour à tour occupé la position la plus avancée sur le terrain, sans grand succès. «En apprenant la composition, j’étais une nouvelle fois déçu. Il ne faut pas le cacher. J’ai ensuite essayé de me faire une raison. Face à des défenseurs plutôt lourds, le coach a fait un choix tactique. Il a préféré miser sur des joueurs plus rapides et techniques que moi. Il y a des décisions qu’il faut accepter…tout en montrant qu’on n’est pas d’accord avec ça.»
En fin de contrat en juin
Gaëtan Karlen l’avoue: il a les jambes qui fourmillent en voyant son équipe à la peine depuis la mi-octobre sans avoir sa carte à jouer pour inverser la tendance. Alors qu’il semble dans une impasse à Tourbillon, l’attaquant sera en fin de contrat en juin prochain. «J’espère encore que ma situation s’améliore. J’espère que l’on me donne la chance de reproduire ce que j’ai pu faire de bien ici dans le passé. Ma volonté est claire: je veux que l’aventure se poursuive. Mais pour qu’un deal aboutisse, il faut que toutes les parties s’accordent.»
«Les rumeurs d’un transfert au Lausanne-Sport était clairement fondées.» Gaëtan Karlen
En parlant de deal et d’accord à trouver, le Sédunois ne cache pas qu’il n’est pas passé de loin de quitter son club formateur cet hiver. «Les rumeurs d’un transfert au Lausanne-Sport était clairement fondées», explique-t-il. «Ils veulent absolument monter en Super League et ils cherchaient à renforcer leur secteur offensif. Des discussions ont eu lieu mais finalement, les deux clubs ne sont pas parvenus à s’entendre.» Résultat: Gaëtan Karlen a été privé d’une porte de sortie qui lui aurait certainement garanti plus de temps de jeu. «Je ne suis pas déçu pour autant. Je le répète mais ma préférence est de jouer à Sion et nulle part ailleurs. Je veux toujours m’imposer ici avant de devoir m’exiler comme j’ai pu le faire étant plus jeune.»
Le plus beau souvenir de sa carrière: son but face à Servette
Par amour pour ce club au sein duquel il a grandi et dont il est toujours aussi fier, à bientôt 30 ans, de porter le maillot, Gaëtan Karlen est prêt à faire des sacrifices. Prêt à continuer à prendre son mal en patience et à utiliser la moindre opportunité qui lui est accordée de prouver qu’il a toujours quelque chose à apporter au FC Sion. À l’image de ce maintien offert aux Sédunois lors de l’ultime ronde de la saison dernière, grâce à ce but inscrit face à Servette, devant le Gradin Nord. «Le plus beau moment de ma carrière», affirme-t-il. «Je ne saurais même pas décrire ce que j’ai ressenti à ce moment-là. Jamais je n’aurais pu rêver de ça quand j’étais petit. L’adversaire, l’enjeu, l’ambiance, tout était réuni. Tout cette énergie qui s’est dégagée, cette rage, c’était fou.»
«Si je continue à être motivé chaque jour à l’entraînement, si j’ai envie de me battre pour ma place, c’est grâce aux supporters.» Gaëtan Karlen
Aujourd’hui encore, le numéro 11 a les yeux qui brillent en racontant les émotions ressenties ce 25 mai 2022. Des émotions partagées avec ce public dont il est très proche. «C’est vrai que j’ai un lien spécial avec les supporters et c’est quelque chose qui me fait chaud au cœur», dit-il. «Si je continue à être motivé chaque jour à l’entraînement, si j’ai envie de me battre pour ma place, c’est aussi grâce à eux. Savoir qu’ils sont derrière moi me donne de la force. Ils ont envie de me voir davantage sur le terrain. À moi de tout faire pour répondre à cette attente.»
S’il ne sait pas encore de quoi son avenir sera fait au-delà du 30 juin, Gaëtan Karlen espère bien continuer à porter le maillot du FC Sion. Un club sédunois duquel on ne sait pas non plus ce qu’il adviendra d’ici un peu plus d’un an. Valaisan pur souche, formé à Tourbillon, l’attaquant a évidemment suivi avec beaucoup d’attention les différentes déclarations du président Christian Constantin ces dernières semaines.