Un modèle d'IA révèle les mouvements des forêts valaisannes sur huit décennies
Une conférence prévue ce vendredi soir à Sion s'intéressera à un modèle d'intelligence artificielle dévoilant pour la première fois le mouvement des forêts valaisannes sur une période de 80 ans. Explications avec les deux conférenciers de cette fin de semaine.

Mesurer avec exactitude le déplacement des forêts de nos régions sur plusieurs décennies. Tel est l’un des objectifs qui a conduit des chercheurs à développer un modèle d’intelligence artificielle capable de retracer l’expansion forestière en Valais au cours des 80 dernières années.
Car même si ce phénomène est connu des chercheurs, il demeurait jusqu'ici difficile à observer avec précision sur de grandes étendues, notamment à cause de la qualité limitée des images satellites. C'est ce qu'affirme Christophe Randin, directeur du jardin botanique Flore-Alpe à Champex-Lac et professeur associé de l'Université de Lausanne.
"Il fallait se demander comment revenir dans le temps et être sûr que le modèle ne fasse pas n'importe quoi", abonde Devis Tuia, professeur à l'EPFL Valais. "De plus, la qualité de nos images recule aussi, aussitôt qu'on revient dans le temps. Plus on revient en arrière, plus les images recommencent à devenir en noir et blanc, plus elles sont floues. Il faut se dire que dans les années 40, les photographies étaient prises par des pilotes d'avions américains qui les prenaient avec un appareil depuis le hublot", sourit ce dernier.
A grande échelle
Désormais, grâce à ce modèle d’IA qui optimise l’usage des images aériennes et en exploite pleinement la résolution, cette observation change du tout au tout, précise pour sa part Christophe Randin : "avec mon prédécesseur, dans le Val d'Arpette, ça fait une vingtaine d'années qu'on suit quelques centaines d'arbres sur quelques kilomètres carrés". Et d'ajouter : "désormais, avec l'intelligence artificielle, on peut individualiser chaque arbre et détecter chaque espèce".
Parmi les premiers résultats, un constat : la forêt a vu sa limite se déplacer d'environ 100 mètres en altitude sur un siècle en Valais.
Réaliser des projections pour l'avenir
Cet outil – qui sera présenté lors d'une conférence intitulée "Intelligence artificielle et forêts" et organisée par la Société valaisanne des Sciences naturelles ce vendredi soir à Sion – doit également aider les scientifiques à comprendre les processus qui se trouvent derrière les mouvements des forêts : "est-ce en lien avec le réchauffement climatique, la déprise agricole ? Est-ce que ce sont les arbres individuels qui croissent plus vite ? Est-ce la saison de croissance qui s'allonge ? Ou alors est-ce en lien avec les arbres au front qui produisent plus de graines, favorisant la pousse de plus en plus forte de nouveaux individus ?", questionne Christophe Randin.
Selon lui, les objectifs sont multiples. Outre la possibilité de suivre les tendances sur de grandes surfaces, cet outil doit aussi permettre de valider certaines hypothèses et de faire des projections plus précises afin d'atteindre une meilleure gestion du paysage et du territoire.
Mais dans les faits, comment a été entraîné cet outil ? "En gros, l'image est donnée au modèle, et le modèle va essayer de reproduire ce qu'on appelle une réalité-terrain", explique pour sa part Devis Tuia, lui aussi conférencier ce vendredi.
Devis Tuia précise encore que le public peut découvrir librement ce modèle d'intelligence artificielle sur Google Earth Engine.
Pour rappel, la conférence sur le sujet est prévue vendredi soir à 20h15 à la Salle des Arsenaux à Sion. L'entrée y est libre.
