Quand l’intelligence artificielle enquête sur le portrait de Marie-Antoinette
L’Idiap de Martigny participe à un projet inédit mêlant histoire de l’art, sciences criminelles et reconnaissance faciale. Objectif : identifier les personnages représentés dans des portraits anciens, à commencer par Marie-Antoinette.

C’est un défi scientifique aussi original que stimulant : appliquer la reconnaissance faciale à des œuvres d’art du 18ᵉ siècle. L’institut de recherche Idiap, basé à Martigny, s’est associé au Musée d’art et d’histoire de Genève, à l’Université d’Oxford et à l’École des sciences criminelles de Lausanne pour mener ce projet baptisé INTERART. Ensemble, ces institutions cherchent à résoudre une énigme : le dessin attribué à Jean-Étienne Liotard représente-t-il Marie-Antoinette, future reine de France, ou sa sœur Marie-Caroline ? Pour le savoir, les chercheurs utilisent des algorithmes capables de comparer ce visage à d’autres portraits connus et certifiés.
Des algorithmes confrontés aux limites de l’art
Transposer des outils conçus pour des photos actuelles à des peintures anciennes n’a rien d’évident. "Il ne s’agit pas de visages naturels, mais d’interprétations artistiques, avec des styles différents selon les époques et les auteurs", explique Sébastien Marcel, chercheur senior à l’Idiap et directeur par intérim de l’institut. Les chercheurs parlent de "reconnaissance faciale hétérogène", car ils doivent comparer des images issues de médiums très variés : dessin, pastel, huile sur toile. Malgré ces écarts, les premiers résultats sont prometteurs. "On a été surpris de voir que certains systèmes fonctionnent mieux que prévu, même s’ils ne sont pas aussi performants que sur des visages réels", ajoute-t-il.
L’IA comme outil, pas comme arbitre
L’objectif n’est pas d’automatiser l’attribution des œuvres, mais de fournir un élément d’analyse supplémentaire aux historiens. "C’est une enquête, avec ses indices, ses incertitudes, et c’est toujours un expert humain qui prendra la décision finale", précise Sébastien Marcel.
Le projet, soutenu par la Loterie Romande, a débuté en juin 2025 pour une durée de 18 mois. Il prévoit une phase expérimentale de tests biométriques, une exposition au MAH (du 3 octobre 2026 au 7 février 2027), un colloque scientifique, ainsi qu’une publication à destination du grand public. Des articles dans des revues spécialisées viendront également diffuser les résultats auprès de la communauté scientifique. En attendant de nouveaux financements, l’équipe espère élargir cette méthode à d’autres portraits historiques.
