Métiers "hors du commun" : je suis agent de détention
Dans le cadre de notre série sur les métiers "hors du commun", nous avons rencontré Thierry, agent de détention depuis six ans au sein de la prison de Sion. C’est donc rempli de questionnements que nous avons passés le mur d’enceinte pour pouvoir nous entretenir avec l’homme en bleu.

Arriver devant le mur qui se dresse devant nous comme une muraille, attendre que le microphone grésille, se présenter, patienter et entendre le verrou de la porte se libérer. Entrer dans l’enceinte de la prison, répéter le processus et enfin passer la seconde porte pour voir un visage. Celui de l’agent qui nous demande de déposer nos affaires dans un casier. C’est l’ambiance pesante qui règne lorsque l’on s’introduit dans la prison de Sion. Un climat lourd qui deviendra très vite léger à la rencontre de Thierry. Ce Valaisan de 52 ans, qui réussira le tour de force de nous mettre à l’aise avec sa joie de vivre et la passion qu’il porte à son travail.
L’envie d’aider avant tout
Thierry entame son aventure professionnelle comme cuisinier puis comme boucher. Après avoir découpé des milliers de bouts de viande, il laisse tomber les couteaux pour se diriger dans la vente. En parallèle de son métier de vendeur, Thierry vient en aide bénévolement à des associations pour personnes en situation de handicap. Le côté aidant de cette activité lui tenant particulièrement à cœur, il veut réorienter sa carrière professionnelle dans le domaine du social. Il tombe presque par hasard sur le métier d’agent de détention. Faisant fi de l’image véhiculée par la profession et étant persuadé que ce métier colle avec les valeurs qu’il défend, il se lance dans l’aventure. "Le premier jour que tu pousses la porte, tu ne sais pas où tu vas", nous avoue Thierry. N’ayant aucune connaissance pratiquant ce métier, il fait ses premiers pas sans aucun repère. Le premier choc, il l’aura en humant l’odeur de la fumée froide qui stagne dans chaque pièce que les détenus traversent. En apprenant les bases du métier au sein de la prison de Sion puis en effectuant son brevet en 15 semaines réparti sur deux ans à Fribourg, Thierry devient un agent de détention à part entière en 2021.
Déplacer les détenus
Outre, amener les repas aux détenus, ce qui constitue la principale tâche des agents de détention est la prise en charge des prisonniers pour les déplacer d’un point A, à un point B. Les détenus étant principalement incarcérés pour de la détention avant jugement, ils sont enfermés dans leur cellule la quasi-totalité de la journée. Cependant, ils peuvent sortir de temps à autre. Notamment une heure quarante par jours afin d’effectuer la promenade facultative ou encore deux fois une heure par semaine pour rencontrer leur famille. De plus, une fois par semaine, une séance de sport d’une durée d’une heure est autorisée. Certains chanceux peuvent participer à des ateliers d’occupation tels que la cuisine, la buanderie, le nettoyage ou encore l’imprimerie.
Bien gérer le stress
En entrant dans la prison, Thierry côtoie aussi des hommes et des femmes aux parcours de vie délicats. Ainsi une fois à l’intérieur des murs, les voleurs, les violeurs, les dealers, ou encore les tueurs sont des personnes avec qui il doit "travailler". "On est enfermé toute la journée avec des gens que beaucoup d’entre nous n’aimeraient pas avoir comme voisins", admet Thierry. Une proximité qui peut générer un certain stress chez l’agent de détention. Pour Thierry, malgré une vigilance de tous les instants, vivre avec ce stress est devenu son pain quotidien. Il nous confie tout de même le besoin d’avoir des coupures et de se retrouver à l’extérieur en famille ou entre amis pour évacuer.
Le dialogue au centre de sa démarche
Malgré l’uniforme et le rôle qu’il occupe dans la prison, Thierry essaie toujours de dialoguer avec les détenus. Comprendre les parcours de vie où les choix qui ont amené ses personnes à se retrouver derrière les barreaux font partie de la démarche de Thierry pour appréhender son travail. En n’excusant rien, il peut cependant comprendre son interlocuteur et adapter ainsi sa manière de l’aborder. Il essaie aussi de manier l’humour avec les prisonniers. Un humour qui lui permet, dans certains cas, de faire redescendre plus rapidement des situations au bord de l’implosion. En revanche une barrière, détenu, agent de détention est toujours dressée entre les deux acteurs de la conversation. Il pense que l’on peut bien s’entendre avec les gens, sans forcément se lier d’amitié avec eux. "Pour faire un bon agent de détention, il faut aimer les gens", nous livre Thierry, persuadé que l’un ne va pas sans l’autre.
Une prise en charge psychologique
Prenant en exemple le film "La ligne verte" pour illustrer son propos, Thierry nous confie que la violence n’est jamais gratuite à l’intérieur de la prison. Alors oui, il y a de mauvais "matons", mais cela ne représente plus la très grande majorité des agents de détention. Effectuant une prise en charge plus psychologique que physique, il admet toutefois que dans certains cas, intervenir pour maîtriser un détenu peut arriver. Restant extrêmement vigilant durant son temps de travail, Thierry nous assure ne pas se sentir menacé dans l’exercice de ses fonctions. Il arrive toutefois que certains petits caïds tentent de l’intimider. Des menaces qui ne traversent jamais les murs de la prison.
Vous pouvez retrouver l’interview complet ci-dessous.