"Mes enfants n'iront pas à l'école lundi !" Que risquent les parents qui disent non ?
Un vent de rébellion souffle en Valais : alors que l'école obligatoire recommence lundi, de nombreux parents annoncent boycotter cette rentrée. En ont-ils le le doit ? Que risquent-ils ? Notre enquête.
C'est dans quelques jours, lundi prochain, le retour des enfants à l'école. De nombreux parents, on en connaît tous, se disent inquiets. Ils ont peur du coronavirus, du manque de connaissance entourant la pandémie. Alors, ils refusent. En témoignent les pétitions, signées par des dizaines de milliers de personnes en Suisse. Anna-Belle Diaz, de Ollon sur la commune de Crans-Montana, a créé un groupe WhatsApp de parents réfractaires. Ils sont 170, tous Valaisans. Cette mère de trois enfants porte la parole des ces dizaines de papas et mamans : «L’OFSP (Office fédéral de la santé publique NDLR) dit une chose, l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) dit le contraire, nous ne les croyons pas». Le mot qui revient tout le temps : «On remet les enfants à l'école uniquement par souci d'économie». Les témoignages, il y a en des tas, comme celui de Yann, habitant de St-Pierre de-Clages. «Lundi prochain, ma fille de 9 ans n'ira pas à l'école, c'est sûr. On ne peut pas prendre le risque de contaminer notre enfant. La vie est trop précieuse».
Un droit à la désobéissance civique ? Niet
L'avocat valaisan Grégoire Rey rappelle que l'école est obligatoire en Suisse : «Il faut se demander, y-a-t-il un droit à la désobéissance ? Parfois oui, explique l'avocat pénaliste. Comme lors d'une épidémie objectivement dangereuse et qu'il y a un risque pour les enfants». N'est-ce pas le cas avec le coronavirus ? «Le problème en l'occurrence est que l'on n'a pas de preuve et qu'il y a une décision officielle des autorités», répond l'avocat sédunois. «La question a été tranchée par l'Etat. Si le parent décide de désobéir, les absences des enfants seront clairement injustifiées».
Des dérogations possibles
Officiellement donc, lundi 11 mai, c'est tout le monde à l'école. Mais des exceptions, il y en aura. On pense à l’enfant vulnérable (sujet à de l'asthme ou des pathologies graves par exemple), ou dont un membre de sa famille proche est considéré comme faisant partie d'un groupe à risque. «Dans ce cas, les parents doivent informer la direction de l'école afin d'obtenir une dérogation pour que l'enfant puisse continuer à bénéficier d'un enseignement à distance», nous déclare Carole Seppey, avocate à Sion et spécialiste en droit de la famille. «En principe, l'école met à disposition des parents un formulaire qu'ils remettront à la direction de l'école, en produisant un certificat médical».
Attention, les certificats médicaux seront scrutés à la loupe
Concernant le certificat médical, l'avocat Grégoire Rey met en garde : «Je comprends, c'est la tentation de beaucoup de parents. Mais il faut être très prudent. Les certificats médicaux qui vont arriver maintenant vont être scrutés à la loupe d'ici la fin de l'année scolaire. Le médecin qui dresse un certificat médical de complaisance est passible de trois ans de prison. Celui qui le demande est passible de la même peine. Attention, c'est un moyen qu'il faut utiliser avec énormément de précaution et uniquement dans les cas où une maladie préexistante, un risque préexistant est absolument incontestable».
«Cela m'étonnerait que les tribunaux se mettent à prononcer des amendes à la chaîne»
Pour les autres, ceux qui n'ont pas de dérogation et qui refusent le retour à l'école, que dit la loi ? Des amendes peuvent tomber. «Oui mais ce n'est pas un risque véritablement grave», nous répond Grégoire Rey. Il précise sa pensée : «Dans la loi pénale, il existe l’état de nécessité (articles 17 et 18 du Code pénal suisse NDLR). Quand il y a un danger, on a le droit de commettre une infraction et ne pas être punissable. Et si le danger n'existe pas, mais qu'on pensait qu'il existait, il y a des manières de contester une sanction pénale. Si tout le monde conteste son amende, ça m'étonnerait que les tribunaux se mettent à prononcer des amendes à la chaîne, contestées, qui engorgeront les tribunaux pour des années». Pour Carole Seppey, «Aujourd'hui, nous sommes dans une situation extraordinaire. Si un parent refuse d'envoyer son enfant à l'école, les autorités devront examiner chaque cas. Je ne doute pas qu'elles le feront de manière circonstanciée, avec bon sens. Ce d'autant plus que les notes sont acquises pour l'année scolaire 2019-2020».
«Tout le monde a peur. Mais il faut qu'on avance!»
Afin d’éviter toute tension inutile, le dialogue avec les autorités compétentes semble indispensable. «Le conseil à donner à ces parents est de prendre contact sans attendre avec la direction de l'école, poursuit l'avocate sédunoise Carole Seppey. Puisqu'ils n'ont pas de dérogation, il faut demander si des aménagements sont possibles. Par exemple, un transport individuel jusqu'à l'école, ou le port d'un masque». Le compromis, c'est ce que prône également Tristan Mottet, le président de la Fédération des Associations de Parents d'Elèves du Valais Romand, la FRAPEV. «On ne doit pas juger, chaque cas est différent. Refuser, c'est une façon de prendre ses responsabilités en tant que parent. Si j'ai l'intime conviction d'être responsable en prenant cette décision, et bien je la prends», déclare au préalable Tristan Mottet, qui poursuit et rappelle la position officielle de la Fédération : «On discute d’abord avant de critiquer. Je ne peux pas encourager le fait d'aller «contre l'école» sans avoir auparavant dialogué. Des aménagements sont peut-être possibles, il faut discuter au cas par cas. S'opposer systématiquement, ce n’est pas possible ». Tristan Mottet dit comprendre les inquiétudes des parents : «On a peur, c'est sûr, tout le monde a peur ! Mais il faut qu'on avance. Les enfants ont besoin de retourner à l'école. Pour des raisons sociales, revoir les copains, revoir la structure. Beaucoup de parents sont aussi contents que les enfants retournent à l'école, il ne faut pas l'oublier».
Ci-dessous, notre reportage