Le eSports n'est pas près à s'élever au rang du sport traditionnel
A l’arrêt depuis un mois et demi, le football traditionnel voit son cousin digital prendre de l’importance.
A l’arrêt depuis un mois et demi, le football traditionnel voit son cousin digital prendre de l’importance. Mais si dans cette période de crise sanitaire, le eSports est très présent, il ne devrait pas s’imposer sur le moyen terme selon un sociologue du sport.
Depuis un mois et demi, le football est à l’arrêt en Suisse. Plus de match officiel du FC Sion depuis le 23 février dernier. La crise sanitaire actuelle a même eu raison des entrainements communs de la première équipe valaisanne. Dans ce contexte exceptionnel, les clubs doivent se réinventer pour continuer à garder le lien avec leurs fans. Pour cela, beaucoup – dont le FC Sion – misent sur le eSports. Les compétitions en ligne, sur le jeu vidéo FIFA20, se multiplient. Bastien Toma a représenté les couleurs sédunoises dans la eFootball Cup, le membre du FC Sion eSports Fabio Pechlaner – alias Cobra – a atteint les quarts de finale d’un tournoi mondial.
Se rapprocher des jeunes
En d’autres termes, ce genre de compétition a le vent en poupe. Les enjeux pour les formations sportives sont nombreux, comme le souligne le coordinateur du FC Sion eSports Jonathan Amorim: «Cela fait trois ans qu’on a une équipe eSports. C’est vraiment quelque chose de complémentaire à notre équipe première, qui nous permet, sur le plan de la communication, de nous rapprocher d’un public un peu plus jeune. On les sensibilise ainsi davantage à notre club.»
«C’est un marché grandissant, avec des sponsors qui sont intéressés et du public qui suit les matches. Le potentiel existe»
Autre élément qui parle en faveur du eSports pour le club sédunois: l’aspect économique. «C’est un marché grandissant, avec des sponsors qui sont intéressés et du public qui suit les matches. Le potentiel existe, mais à l’heure actuelle, nous ne sommes qu’aux prémisses, surtout en Suisse où nous avons du retard par rapport à d’autres pays.» Du retard qui pourrait être comblé prochainement, puisqu’une eSuperLeague est en projet pour un lancement en octobre.
Durée de la crise décisive
Jonathan Amorim l’a dit, cette période morne en actualité sportive favorise l’intérêt du public pour le eSports. Peut-on dès lors imaginer que ces nouvelles compétitions profitent d’un transfert de la ferveur des fans ? «Ce n’est pas aussi simple», explique Fabien Ohl, sociolgue du sport à l’université de Lausanne. «Il faudrait tout d’abord voir combien de temps durera cette pause. Si c’est cinq ans, ce n’est pas la même chose que si c’est six mois.»
«L’absence de match empêche les fans de se réunir dans les stades, de fêter ensemble, de chanter, d’aller manger ou boire un verre avant ou après la rencontre. Donc on essaie de créer du lien via le eSports.»
Une certitude pour le scientifique: le eSports est un pis-aller pour les passionnés de football. «L’absence de match empêche les fans de se réunir dans les stades, de fêter ensemble, de chanter, d’aller manger ou boire un verre avant ou après la rencontre. Donc on essaie de créer du lien via le eSports.» Et cela ne devrait pas survivre à une reprise de la saison rapide. «La ferveur reprendra dans les stades, il y a une nécessité de vivre une expérience physique, aussi. A court terme, le eSports ne va pas substituer au sport traditionnel.»
En jeu: l’éthique sportive
Pas de substitution donc. Pour le moment. Par contre, selon Fabien Ohl, il est probable qu’une concurrence s’installe à moyen terme. Notamment sur la définition éthique du sport. «Le eSport peut être à la fois très actif – comme dans le cyclisme – et aussi passif, avec des jeux comme FIFA20. Dans les deux cas, il y aura de la part des dirigeants, une envie d’intégrer cela pour attirer le jeune public qui va avec. Mais en même temps, pour un certain nombre d’entre eux, c’est synonyme d’inactivité physique, ce qui est contraire au message de santé qu’on a dans le sport.»
Une contradiction qui gêne plusieurs associations sportives, peu encline à promouvoir une activité plutôt domestique et peu active alors que le but est que les jeunes se tournent vers les clubs et bougent. Dans tous les cas, le débat ne fait que commencer.