Le café suspendu, vous connaissez? Il débarque en Valais
Le principe du «café suspendu» prend ses quartiers en Valais.
Le principe du «café suspendu» prend ses quartiers en Valais. Une manière de payer un café à un inconnu par simple solidarité. L'instigateur, un citoyen valaisan, est en train de démarcher les restaurants et les bistrots du canton. Nous l’avons rencontré.
Cela fait une dizaine de jours que Frank Bonvin court les bistrots. Affiches, autocollants et flyers sous le bras, il a toujours la même demande: «voulez-vous faire partie du petit cercle des établissements proposant des café suspendus ?». Le principe est très simple: les clients peuvent payer à l'avance un, deux, trois ou plusieurs boissons chaudes pour des personnes qui en auraient besoin et qui n'auraient pas de quoi s’offrir ce genre de petits plaisirs. «Une manière d'apporter un peu de réconfort», estime cet indépendant, par ailleurs publiciste de métier. « J’avais découvert le principe des cafés suspendus dans un autre pays, raconte-t-il. Je me suis dis que ce serait intéressant de le développer chez nous. Je pense qu’il peut y avoir une demande ici aussi, la précarité n’est pas seulement ailleurs.»
Car si la misère n'envahit pas les rues de nos villes et villages, elle existe pourtant en Suisse aussi. Selon les derniers chiffres de l'Office européen des statistiques, 1,5% de la population helvétique se trouve dans une pauvreté extrême. On parle ici de personnes qui n'arrivent pas à régler le loyer ou faire face à des dépenses imprévues. Il s'agit également simplement de gens qui ne peuvent pas se payer de viande ou un équivalent protéiné tous les deux jours.
En Valais, indépendamment de celles et ceux qui sortent des radars des statistiques cantonales, on comptait en 2018, 6'000 personnes à l'aide sociale. Un chiffre en augmentation constante, même s'il reste plus bas par rapport aux autres cantons. Il y a plusieurs hypothèses à ce taux inférieur, selon Roland Favre, chef de l'office de coordination des prestations sociales: « Il y a des solidarités un peu plus importantes dans les régions rurales que dans les cantons très citadins. On peu aussi imaginer que le non-recours à l’aide social est plus marqué ici puisque les gens ont tendance à ne pas solliciter les prestations même s’il peuvent y prétendre. On peut parler d’une certaine fierté. L’étiquette de bénéficiaire de l’aide sociale est encore stigmatisante.»
Pour Roland Favre, l’initiative de Frank Bonvin est excellente, car elle permet à des personnes précarisées de prendre part à la vie sociale. A savoir par contre si ces personnes oseront faire le pas de demander des cafés suspendus, c’est une autre affaire. «Je ne peux pas répondre à cette question, répond Roland Favre. C’est un choix personnel. Mais c’est vrai que devoir dépasser l’étiquette de personne en situation de pauvreté, ce sera un grand enjeu.» Dans tous les cas, Frank Bonvin a bon espoir que son projet de cafés suspendus aura du succès en Valais. «Vu l’intérêt des restaurateurs et restauratrices, je ne peux qu’encourager les gens à oser: ils seront accueillis à bras ouverts.»
Pour l'instant, à Sion, la boulangerie Lucus de l'avenue de la gare, le Mocambo, La Clef, le Comptoir et les Roches Brunes y participent. Le Café des Amis à Lens et le Café Piscine&Patinoire à Martigny sont également de la partie.