Ils représenteront le Valais à Pratteln: «La fête fédérale, c’est les Jeux Olympiques!»
Tous deux membres du club de Bramois, Jonathan Droxler et Luc Varone représenteront le Valais ce week-end lors de la fête fédérale de lutte. Interview croisée à quelques heures de leur entrée dans l’arène de Pratteln, devant plus de 50'000 spectateurs.
Jusqu’à dimanche, le petit canton de Bâle-Campagne devient temporairement le «centre de la Suisse». C’est là, à Pratteln que près de 400'000 visiteurs sont attendus durant trois jours. Beaucoup profiteront simplement du cadre et de l’ambiance. Les autres, les plus chanceux, ont pu obtenir leur sésame pour occuper l’une des 50'900 places de l’arène provisoire dans laquelle ils seront 280 en lice sur les ronds de sciure pour décrocher le titre tant convoité de nouveau roi de la lutte suisse.
«Je suis Valaisan de cœur!»Jonathan Droxler
Vingt-neuf romands ont été sélectionnés pour participer à cet événement hors normes. Parmi eux, deux Valaisans…ou un et demi, c'est selon. «J’habite ici depuis plusieurs années, je suis donc Valaisan de cœur», sourit Jonathan Droxler, l’aîné des deux, originaire de la Chaux-de-Fonds mais résidant de Sornard. À 32 ans, il représente le club de Bramois, tout comme Luc Varone, de 7 ans son cadet, qui prendra également part à cette grande messe trisannuelle.
État d’esprit identique, réalités différentes
À quelques heures de faire leur entrée dans l’arène, les deux hommes partagent le même état d’esprit. «Je suis serein», dit le premier. «Je ne suis pas encore trop tendu», enchaîne le second. Les sensations sont les mêmes. Les réalités différentes. Jonathan Droxler aborde sa dernière fête fédérale avec l’envie de s’amuser alors que Luc Varone débarque en mode découverte pour son baptême de l’événement.
«J’étais dans le public en 2019, c’était magique. J’ai désormais hâte de vivre ça de l’intérieur.»Luc Varone
Il y a trois ans à Zoug, le Saviésan établi dans le Val d’Anniviers était dans le public à l’occasion de la dernière fête fédérale. «C’était juste magique. C’est quelque chose d’impressionnant, que je conseille à tout le monde de voir. J’ai désormais hâte de vivre ça de l’intérieur.» De son côté, Jonathan Droxler n’hésite pas une seconde lorsqu’on lui demande ce que représente cet événement. «C’est les Jeux Olympiques! C’est une grosse échéance qui n’a lieu que chaque trois ans. Y prendre part, ça compte énormément.»
La passe de trois pour Droxler
À Pratteln, le Nendard d’adoption participera à sa troisième fête fédérale après celle de 2010 à Frauenfeld et celle de 2016 à Esavayer-le-Lac. «J’en garde des souvenirs différents», explique-t-il. «Ma première participation, c’était un super moment. Je n’avais débuté la lutte que depuis trois ans et j’avais pu faire les huit passes, un bel exploit. En 2016, c’était plus compliqué. Je m’étais marié au civil la semaine d’avant et la cérémonie religieuse était prévue celle d’après. J’avais la tête ailleurs.» Car oui, si la fête fédérale est importante, une union avec son épouse l’est encore plus. «Les Jeux Olympiques, c’est rien face à un mariage!», rigole-t-il.
«Je sais que quand je vais entrer dans l’arène, le sentiment sera le même qu’en 2010 et 2016. Ça reste quelque chose d’impressionnant.»Jonathan Droxler
Reste qu’aujourd’hui, Jonathan Droxler peut s’appuyer sur l’expérience de ses deux premières participations pour aborder la troisième. «Je sais plus ou moins à quoi m’attendre. Il y a donc moins de stress à ce niveau-là. Après, je sais que quand je vais entrer dans l’arène, le sentiment sera le même qu’en 2010 et 2016. Ça reste quelque chose d’impressionnant.» De son côté, Luc Varone doit donc appréhender pour la première fois cet environnement particulier, ces dizaines de milliers de spectateurs présents dans les tribunes. «J’y pense depuis plusieurs jours, c’est vrai», concède-t-il. «Mais j’essaie de ne pas me poser trop de questions. Je vais tenter de faire ce que je sais faire, lutter comme d’habitude et essayer de prendre cette présence du public comme une énergie positive.»
L'arène dans laquelle se déroulera cette fête fédérale 2022 à Pratteln (Keystone/ATS).
À l’heure de rejoindre Pratteln, les deux représentants «13 étoiles» assurent ne pas se fixer d’objectif particulier. «Je le répète mais j’y vais vraiment en mode découverte», souffle le cadet. «Évidemment que je vais tout faire pour gagner mais avant tout, je suis content de pouvoir lutter contre d’autres personnes. De me frotter à un autre niveau.» L’aîné pour sa part espère être en lice jusqu’à la huitième passe prévue dimanche. «Ce serait le maximum possible. Il ne faut pas rêver de couronne. Pour ça, il faudrait que toutes les planètes s’alignent et que les miracles s’enchaînent. Il aurait fallu trois ans d’entraînements intensifs en plus. Le niveau est bien trop élevé.»
Une comparaison difficile avec la Suisse allemande
Les propos des deux hommes se rejoignent. Chacun sait à quel point les lutteurs romands souffrent de la comparaison avec leurs homologues alémaniques. Entre les deux régions, un fossé existe. Un vrai röstigraben de popularité et de reconnaissance de la discipline. «Les cantons suisses-allemands sont plus ruraux, plus traditionnalistes», tente d’expliquer Jonathan Droxler. «Chez nous, il faudrait que les gens ouvrent les yeux sur notre sport. Je rencontre énormément de personnes qui ne le connaissent même pas alors que d’autres nourrissent certains préjugés. Pour elles, on est tous des paysans.» Pour s’affranchir de cette image erronée et susciter l’intérêt, notamment des plus jeunes, les deux lutteurs savent que la fête fédérale et la médiatisation qui l’entoure peuvent jouer un rôle. «Je ne sais pas si je peux servir de modèle», souffle humblement Luc Varone. «Mais si notre présence à Pratteln peut motiver du monde et contribuer à élever le niveau romand, c’est tout bonus.»
«Jonathan a cinq ou dix fois plus de technique que moi.»Luc Varone
Coéquipiers en club, les deux Valaisans se connaissent évidemment parfaitement. «Jonathan a cinq ou dix fois plus de technique que moi. C’est un lutteur très complet, toujours à fond dans les entraînements. Quelqu’un que je respecte beaucoup et qui est toujours là pour me corriger», déclare Luc Varone. «Je vais essayer de faire doucement», se marre pour sa part Jonathan Droxler lorsqu’on lui demande ce qui manque encore à son cadet. «Il a le physique pour la lutte. Il a une vraie force naturelle. Après, on voit qu’il manque un peu d’expérience. En travaillant en station, il n’a pas eu beaucoup de temps pour s’entraîner durant l’hiver. C’est vrai que la technique lui fait parfois défaut mais croyez-moi, quand il aura comblé ça, il va faire des malheurs!»
Des proches derrière eux
Parmi les plus de 50'000 spectateurs présents dans les travées de l’arène ce week-end, les deux Valaisans pourront compter sur le soutien de leurs proches. «Malgré ses huit mois de grossesse, ma femme sera présente. Idem pour mes parents et mon ancien club de Chaux-de-Fonds», se réjouit le premier. «Mon père a fait de la lutte étant plus jeune. Il sera là, aux côtés de quelques-uns de mes potes. C’est génial», conclut le second.
Dans le canton de Bâle-Campagne, Jonathan Droxler et Luc Varone vivront, ensemble, un chapitre important de leur parcours respectif sur les ronds de sciure. L’aîné en écrira, à 32 ans, son épilogue. Le cadet, pour sa part, espère bien n’en être qu’au prologue.