Il y a 30 ans, les AOC réorientaient la viticulture valaisanne
Les appellations d’origine contrôlée ont débarqué en 1991 dans le vignoble valaisan. L’objectif était double : trouver une solution à la crise des années 1980 et accroître la qualité des vins.

Automne 1991. Les vendanges qui viennent de s’achever sont les premières depuis l’introduction des appellations d’origine contrôlée (AOC) en Valais. Et visiblement les nouvelles exigences ont été globalement bien respectées. Si le système des AOC est officiellement entré en vigueur cette année-là, l’arrêté cantonal qui les institue date du 4 juillet 1990. Cependant, sa mise en œuvre a été retardée par le Tribunal fédéral, qui a accordé un effet suspensif aux plus de 200 vignerons-encaveurs ayant fait recours. Le Conseil d’Etat a finalement dû revoir sa copie. Le texte initial prévoyait une limitation uniforme du rendement par mètre carré sur l’ensemble du vignoble valaisan. Sa nouvelle version tient compte des différentes zones et tolère une marge d’erreur.
Un changement de philosophie
Les AOC sont surtout une réponse à la crise viticole des années 1980. Les récoltes de 1982 et 1983 sont surabondantes. Conséquences : les stocks débordent. Par manque de place, les producteurs doivent placer le vin dans des wagons de chemin de fer ou des cuves de brasserie. Tous les moyens sont bons pour réussir à tout encaver. Cette phase de surproduction, caractérisée par une offre nettement supérieure à la demande, provoque une chute des prix.
Les appellations d’origine contrôlée ont donc pour mission d’éviter qu’un tel épisode ne se reproduise. « Il y a eu une remise en question en se disant : "que peut-on faire pour éviter de retomber dans les mêmes travers ?" Donc avec une limitation des rendements. La volonté aussi de chaque région de défendre son identité en définissant les lieux de production. En même temps, on a connu l’ouverture des frontières, avec la globalisation des contingents et donc une concurrence accrue des vins étrangers », raconte Jean-Marc Amez-Droz, directeur de Provins de 1992 à 2000. Celui qui fut également directeur de Swiss Wine Promotion ajoute que cette libéralisation du marché a obligé les vignerons valaisans à privilégier dès lors la qualité à la quantité. Un changement de philosophie facilité, selon Jean-Marc Amez-Droz, par l’arrivée d’une nouvelle génération de producteurs.
La concurrence étrangère
Cette concurrence des vins étrangers est aujourd’hui considérée par beaucoup comme l’un des problèmes majeurs du monde vitivinicole suisse. Ils sont nombreux actuellement à demander une baisse des contingents d’importation de vins étrangers. L’un de leurs arguments est que la limite est fixée depuis trois décennies à 170 millions de litres par année et en fonction de la consommation indigène de l’époque, alors que cette dernière a fortement diminué en trente ans. De son côté, Jean-Marc Amez-Droz reconnaît que les vins étrangers exercent une pression sur la production. Néanmoins, il estime que l’avenir réside dans le fait que les gens boivent les vins suisses par goût et par choix, et non parce qu’ils n’ont pas d’autres alternatives.
L’instauration des AOC en 1991 a aussi marqué le grand retour des cépages valaisans autochtones, tels que la petite arvine ou le cornalin. Pour l’ancien directeur de Provins, il est important de construire l’identité du vignoble valaisan sur ces variétés spécifiques, tout en restant prudent. « Les cépages autochtones sont très exigeants. On ne peut pas imaginer que l’on garde 4'800 hectares en n’ayant que du cornalin et de la petite arvine. Il y a des cépages plus courants comme le chasselas, qui donne des vins fruités et agréables à boire. Certaines fois, on a besoin de vins légers et à d’autres moments des vins plus riches. Gardons cette ouverture d’esprit », conclut Jean-Marc Amez-Droz.