Endettée, une Danoise change de nom et se revend son propre appartement à Verbier
Affaire rocambolesque ce mardi devant le Tribunal du troisième arrondissement de Martigny. Une Danoise est notamment accusée d'escroquerie. Pour échapper à des poursuites, elle a changé de nom et racheté son propre appartement.

La supercherie est digne d'un bon roman. "Une manœuvre romanesque", ose même le substitut du procureur dans son réquisitoire. Elle a pourtant poussé un notaire et des banques dans la panade. Le dossier était jugé ce mardi devant le Tribunal du troisième arrondissement de Martigny. La prévenue, une Danoise âgée de 70 ans, est accusée d'escroquerie et de faux dans les titres. Elle était absente de son procès. Le notaire, qui a rempli l'acte de vente, est accusé de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques.
En 2001, la prévenue acquiert un appartement à Verbier, rappelle l'acte d'accusation. Pour financer son achat, la Banque Raiffeisen de Bâle lui accorde un crédit, puis un deuxième prêt sur la même période pour un autre bien immobilier, dont la Danoise est propriétaire à Bâle. Connue de l'Office des poursuites et des faillites de Bâle-Ville depuis le printemps 2011, la prévenue voit ses deux contrats de crédit hypothécaire dénoncés par l'institut bancaire.
Changement d'identité
La prévenue change officiellement de nom auprès des autorités danoises en juin 2012. Elle n'annonce toutefois pas son changement de nom auprès des autorités suisses, des instituts bancaires et du registre foncier. Sentant le vent tourner et dans le but de préserver son bien immobilier à Verbier d'une vente aux enchères, la prévenue contacte un notaire valaisan qui lui avait déjà rédigé un acte officiel des années auparavant. Elle lui indique souhaiter acquérir le bien immobilier de Verbier. Le but : se revendre l'appartement et effacer ses dettes en grugeant tout son monde.
Pour éviter que le notaire découvre le pot aux roses lors de la signature de l'acte de vente, la venderesse – sous son ancienne identité – informe l'homme de loi qu'elle ne pourra pas assister à la signature en raison d'un voyage aux Etats-Unis. Elle fait établir une procuration au nom de la secrétaire du notaire, aux fins de la représenter lors de la signature. Le notaire n'y voit que du feu, jure-t-il. Il procède à la légalisation de la signature de la prévenue et de ses documents d'identité sans demander les originaux.
Le 15 mai 2013, l'acte de vente est signé en présence du notaire, de la secrétaire qui représente la venderesse et de l'acheteuse, la prévenue sous sa nouvelle identité. Selon le Ministère public, le notaire a fait preuve de légèreté dans ce dossier et n'a pas poussé les investigations suffisamment loin. Il est accusé de faux dans les titres dans l'exercice de fonctions publiques. Lors de son interrogatoire devant le Tribunal ce mardi, l'homme de loi ne reconnaît pas les faits. "Je conteste avoir été au courant de la double identité de ma cliente", atteste-t-il.
Selon la défense du notaire, "le seul protagoniste qui a été trompé, c'est le notaire. "Il n'y a pas de reproches pénaux qui peuvent être faits à mon client. Il n'y a pas de volonté de tromper", estime Nicolas Rouiller, l'avocat du notaire valaisan.
Nouveau crédit hypothécaire
L'affaire ne s'arrête pas là. Pour financer l'appartement qu'elle vient de se revendre, la prévenue – sous sa nouvelle identité – signe en mai 2013 un crédit hypothécaire avec la Banque cantonale du Valais (BCVs). C'est qu'en novembre 2013 que le notaire est informé par un employé de l'Office des poursuites et des faillites de Bâle-Ville que la venderesse et l'acheteuse pourraient être la même personne. Le notaire informe le jour même la BCVs de la supercherie. La Banque cantonale du Valais attendra encore deux ans avant de dénoncer le contrat hypothécaire et déposer plainte.
Devant le Tribunal de Martigny, l'avocate de la banque valaisanne, Emilie Kalbermatter, défend l'institut. "La BCVs a été bernée. La prévenue a réussi à la tromper malgré toutes les procédures de vérification", assure-t-elle. Une version mise en cause par la défense, qui accuse la BCVs d'avoir dérogé à ses propres règles internes sur les vérifications. "Vous avez fait une erreur, assumez-la", a lancé Stéphane Cappi, avocat de la prévenue danoise. "La Banque cantonale du Valais est partie plaignante dans cette affaire. Nous jugeons aujourd'hui la prévenue et le notaire", a rétorqué Emilie Kalbermatter.
La Banque Raiffeisen de Bâle était-elle au courant ?
Les avocats du notaire ont tenté à deux reprises de renvoyer le procès. En cause notamment : le rôle de la Raiffeisen de Bâle dans cette affaire. Savait-elle que les deux personnes n'étaient en réalité qu'une seule ? Selon l'avocat du notaire valaisan, Nicolas Rouiller, les employés de la Raiffeisen ont commis des "infractions volontaires graves". Ils auraient été au courant de la supercherie dès janvier 2013, mais n'auraient rien dit pour récupérer leur dû.
Le Ministère public a lui demandé une ordonnance de classement concernant les employés de la Raiffeisen bâloise. "Le Ministère public n'a pas eu le courage de s'attaquer à la Raiffeisen de Bâle ?", s'interroge Nicolas Rouiller. Le dossier est actuellement devant le Tribunal cantonal. Pour le parquet, il n'y a pas de partage de responsabilité. "On doit juger le notaire peu importe la décision du Tribunal cantonal", a argumenté le substitut du procureur. "Le Ministère public estime que les conditions d'une accusation ne sont pas remplies", a estimé encore le parquet.
Dans son réquisitoire, le Ministère public a requis une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis pour la prévenue danoise et 180 jours amendes pour le notaire valaisan. Le verdict sera rendu ultérieurement.
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