Constructions illicites à Bagnes : la nécessité économique a fait loi
"Les autorités de Bagnes ont décidé de rendre cette séance publique pour respecter la loi".
"Les autorités de Bagnes ont décidé de rendre cette séance publique pour respecter la loi". C'est en ces termes que Mélanie Mento, présidente du législatif a ouvert mercredi soir la séance extraordinaire du Conseil général bagnard.
Au menu du législatif, les explications sur l'expertise des constructions rendue par l'architecte Léonard Bender et le juriste Pierre-André Veuthey.
La décision de renoncer au huis clos prévu initialement a été saluée par le préposé à la protection des données et à la transparence invité pour cette rencontre. Sébastien Fanti a d'ailleurs officiellement attesté de la conformité entre le rapport déposé par les experts et la version transmise au législatif communal, dans une version toutefois "anonymisée", le temps de laisser les concernés faire valoir leurs doits, ce qui ne signifie toutefois pas que le rapport intégral ne sera jamais rendu public. "Cette soirée est une boussole pour le législatif " a-t-il ajouté, en présence d'ailleurs de l'un des deux experts, en l'occurrence de Léonard Bender.
Des irrégularités reconnues mais nuancées par l'exécutif bagnard
Président de la commune, Eloi Rossier - ainsi que les conseillers Jean-Daniel Gay-Descombes sur les calculs de densité et Eric Fumeaux pour trois exemples particuliers - a donc passé en revue les 59 pages du dit rapport, annoté des corrections et nuances apportées par le conseil communal (document ci-dessous). "Sur 50 irrégularités constatées, 9 sont dues à un manque de suivi du dossier, 8 à l'absence de contrôle de la police des constructions. L'essentiel des autres irrégularités, ajoute le président, est lié à l'application du RCCZ" (le règlement communal des constructions et des zones en particulier son Art. 90, lettre b qui n'inclut pas dans la densité constructible les saunas, les salles de jeux et carnotzet en sous-sol). Sauf que ce règlement datant de 1999 et homologué par le Conseil d'Etat en 2003, n'est plus conforme au Droit cantonal selon une arrêt rendu en 2012 par le Tribunal fédéral.
La commune a persisté dans l'application de son règlement invalidé
"Oui, la commune a continué d'appliquer son règlement en dépit des jugements rendus par le tribunal cantonal et le tribunal fédéral", a admis Eloi Rossier. L'économie d'une commune touristique comme Bagnes, avec Verbier, a des besoins spécifiques. C'est donc l'exigence économique qui a primé "pour répondre aux besoins et aux attentes des hôtes… et ce n'est pas un système puisque tout le monde a pu en profiter au sein de la commune mais aussi au canton. C'est la raison pour laquelle nous avons continué à appliquer le RCCZ, sur ce trop fameux article 90…dans l'illégalité", a-t-il avoué. Depuis le 1er janvier 2016, l'exécutif a toutefois renoncé à l'appliquer et s'est engagé à rectifier le tir. Le Conseil communal a d'ailleurs mandaté l'ancien juge fédéral Claude Rouiller pour établir un rapport complémentaire sur les derniers éléments qui n'ont pas pu être élucidés par les experts précédents, soit Léonard Bender et Pierre-André Veuthey.
Toutes ces nuances, Léonard Bender les a balayées: "il n'y a pas à avoir des pratiques communales ou des règlements internes pour satisfaire une confrérie d'architectes (ndlr bagnards) quand il existe une loi cantonale… si l'on a plaisir à rouler à 120 km/h en montant dans la vallée lorsque la limite est fixée à 80, ça ne suffit pas pour en être autorisé" a-t-il conclu. Le constat est partagé par le désormais ex-agent communal du commerce Gaby Luisier. Selon lui, avec l'anonymisation d'une partie des pages de l'expertise, il faudra autre chose que la séance d'hier soir pour faire toute la lumière.
Désormais, l'heure est à la reprise des dossiers des trois dernières années pour s'assurer de leur conformité avec la législation. Chaque année, ce sont quelques 400 dossiers liés aux constructions qui passent par le bureau communal pour autorisation. "Mais il ne faut pas croire que tous présenteront des irrégularités" a précisé Eloi Rossier.