Légère baisse du nombre de personnes à l'aide sociale en 2021
Moins de personnes ont eu recours à l'aide sociale en Suisse en 2021 par rapport à 2019. En cause: le marché du travail s'est bien remis de la pandémie et il y a pénurie de main-d'oeuvre dans nombre de secteurs. Mais il est trop tôt pour lever l'alerte, pour la CSIAS.
"La crise a eu un effet révélateur", a déclaré mercredi la conseillère aux Etats (PS/JU) Elisabeth Baume-Schneider, vice-présidente de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS), lors d'une conférence de presse en ligne. "Elle a permis des opportunités, mais a aussi rendu visibles la pauvreté et certains manques."
Le nombre de cas à l'aide sociale diminue dans toutes les régions de Suisse depuis l'été 2021, selon un monitorage de la CSIAS. Par rapport à 2019, un recul de 1,4 point de pourcentage a été observé. "Les chiffres sont approximatifs pour 2020", a expliqué Markus Kaufmann, secrétaire général de la CSIAS. Il a cependant avancé le nombre de 271'000 bénéficiaires pour cette année-là.
L'augmentation de dossiers redoutée en raison de la crise sanitaire n'a pas eu lieu. La CSIAS explique cela par l'évolution économique positive et par les aides économiques spécifiquement allouées, comme les indemnités journalières, les indemnités en cas de RHT ou les allocations pour perte de gain.
De plus, la pénurie de main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs a donné des opportunités de travail pour les personnes peu qualifiées, qui sont surreprésentées dans l'aide sociale. Dans ce contexte, la CSIAS a convenu en décembre avec l'Union patronale suisse et l'Union suisse des arts et métiers de promouvoir la réinsertion professionnelle des bénéficiaires de l'aide sociale sur le marché de l'emploi.
"Tous les bénéficiaires de l'aide sociale sans qualifications doivent avoir la possibilité de se former, d'améliorer leurs compétences de base et de se forger une expérience professionnelle", a avancé Christoph Eymann, président de la CSIAS. Les compétences numériques font désormais aussi partie des compétences de base, au même titre que lire, écrire et calculer, a complété la Jurassienne.
En regardant les catégories de personnes, beaucoup moins de titulaires de permis B et C ont eu recours à l'aide sociale. La CSIAS voit toutefois cela d'un oeil critique: elle craint que certaines personnes ne renoncent à l'aide sociale par crainte d'être expulsées et ne tombent ainsi dans la précarité.
En outre, cette diminution est compensée par la hausse du nombre de réfugiés et de personnes admises à titre provisoire dans l'aide sociale. Cette augmentation était attendue après l'arrivée d'un grand nombre de requérants d'asile entre 2014 et 2016 en Suisse, note la CSIAS. La grande part des bénéficiaires est en revanche suisse: la moitié, ce qui représente une part stable.
Des différences régionales sont encore à noter. "Par rapport à son tissu socio-économique, la Suisse romande avait déjà des chiffres plus élevés avant la crise", a noté Mme Baume-Schneider.
Le nombre de bénéficiaires a augmenté de 7 points de pourcentage dans le canton de Genève, de 5 en ville de Lucerne. "Ces deux régions ont une économie liée au tourisme et aux affaires internationales", secteurs touchés par la pandémie, a précisé M. Kaufmann.
Malgré cette légère baisse générale, les défis subsistent, avertit la CSIAS. Elle s'attend à une forte hausse du nombre de dossiers à moyen terme, soit une augmentation de 13,8% jusqu'en 2023, par rapport à 2019.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie recensait fin 2021 quelque 29'000 chômeurs de longue durée, soit plus du double qu'à la fin 2019. Il est difficile de déterminer combien d'entre eux dépendront de l'aide sociale ces prochaines années, relève la CSIAS.
Par ailleurs, entre 2019 et 2023, la responsabilité financière des requérants d'asile passe progressivement de la Confédération aux cantons. Dans ce cadre, la CSIAS s'attend à ce que, d'ici 2023, 12'000 personnes supplémentaires issues de la migration dépendent de l'aide sociale versée par les cantons et communes, ce malgré les mesures d'intégration.
Enfin, la CSIAS met en garde contre l'impact encore incertain de la pandémie sur la santé de la population, notamment chez les jeunes. Les personnes souffrant de séquelles physiques et psychiques pourraient rencontrer des obstacles à leur réinsertion sur le marché du travail. Mme Baume-Schneider a surtout pointé les patients atteints de Covid long, "un groupe à observer avec attention".
S'y ajouteraient des travailleurs indépendants qui devraient mettre la clef sous le paillasson, malgré le versement des allocations pour perte de gain et autres aides publiques, calcule la CSIAS. Et de mentionner encore des familles dans le besoin, la crise ayant creusé le fossé entre riches et pauvres.