La neutralité carbone doit être atteinte avec les énergies fossiles
La Suisse doit atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, sans pour autant interdire les énergies fossiles. Le National rejette sur le fil l'initiative pour les glaciers au profit d'un contre-projet.
Les députés se sont livrés mercredi et jeudi à un exercice particulier. Ils ont débattu durant plus de six heures de l'initiative pour les glaciers et du contre-projet direct du Conseil fédéral, tout en affichant clairement leur préférence pour un troisième texte.
Un contre-projet indirect accélérerait le processus législatif, ont relevé de nombreux orateurs, issus de gauche comme de droite. Une loi concrète serait directement élaborée. Un contre-projet direct et une initiative impliquent eux une modification de la Constitution et nécessitent au préalable une votation populaire, qui doit être remportée à la double majorité du peuple et des cantons.
La voie rapide ne peut toutefois pas encore être empruntée. Le contre-projet indirect n'est pas prêt. Face à l'urgence climatique, la gauche et les Vert'libéraux ont plaidé pour soutenir l'initiative. Le texte, tout comme la proposition du gouvernement, exige que la Suisse atteigne la neutralité carbone d'ici 2050. Les chemins pour y parvenir divergent toutefois.
Les initiants estiment indispensable d'interdire les carburants ou combustibles fossiles (huile, gaz, essence ou diesel). Des exceptions seraient envisagées s'il n'existe pas d’alternatives. Les émissions de CO2 restantes devraient être compensées en Suisse. Le Conseil fédéral plaide lui pour une utilisation aussi réduite que possible des énergies fossiles et des compensations également à l'étranger.
"Nous n'avons qu'une seule planète. Des mesures doivent être prises urgemment pour la laisser viable aux générations suivantes", a jugé Brigitte Crottaz (PS/VD). Et elles doivent être contraignantes. Sans obligation, les progrès se font, mais trop lentement.
Outre une meilleure protection du climat, l'initiative permettrait de garantir la souveraineté énergétique, a argumenté Delphine Klopfenstein Broggini (Verts/GE). "La Suisse importe trois quarts de ses énergies fossiles. Faire dépendre notre développement des importations est extrêmement dangereuse."
"Les pays producteurs pourraient décider de limiter les exportations ou une guerre interrompre l'approvisionnement", a-t-elle poursuivi. Les événements tragiques en Ukraine le montrent clairement. La sortie des énergies fossiles est également nécessaire pour réduire la dépendance au gaz russe et à un gouvernement autoritaire, a complété Martina Munz (PS/SH).
La gauche n'a toutefois pas réussi de justesse à convaincre la majorité bourgeoise du National. "L'initiative ne bénéficiera pas aux glaciers. Elle instaure simplement une nouvelle interdiction", a critiqué Sidney Kamerzin (Centre/VS). Le refus de la loi sur le CO2 a cependant démontré que la population ne veut pas de sanctions. Les incitations et encouragements sont à privilégier.
"Il ne faut pas blâmer les gens qui n'adaptent pas leurs comportements et les entrepreneurs qui ne modifient pas leur manière de travailler", a ajouté Frédéric Borloz (PLR/VD). "Nous sommes tous dépendants des énergies fossiles: elles constituent 70% de notre énergie. Si nous devons en sortir, il faut d'abord avoir des alternatives", a argué Albert Rösti (UDC/BE).
Pour Jean-Pierre Grin (UDC/VD), "vouloir instaurer, en Suisse seulement, des mesures beaucoup plus ambitieuses n'aurait qu'une influence minime au niveau mondial." Les régions rurales, l'agriculture et l'industrie helvétiques en pâtiraient en revanche.
L'initiative a été rejetée par 99 voix contre 89 et 4 abstentions. Les députés lui ont préféré le contre-projet direct et se sont attelés à trouver un compromis susceptible de réunir une majorité. La réduction linéaire des émissions de gaz à effet de serre, exigée par les initiants mais rejetée par la droite, a été transformée en une réduction régulière. Et les régions montagnardes et périphériques seront aidées à atteindre la neutralité carbone.
Par 95 voix contre 92 et cinq abstentions, le National n'a en revanche pas voulu introduire un programme extraordinaire de sept ans pour soutenir le remplacement des chauffages à gaz, à mazout et à résistance électrique. Une enveloppe de 500 millions de francs par an était demandée à cette fin. Pas question non plus d'exiger la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2040 déjà.
Les politiques climatique et énergétique, intimement liées, n'ont pas fini d'occuper le Parlement. De nombreux projets sont dans le pipeline législatif. La commission compétente devrait, elle, présenter son contre-projet indirect au National à la session d'été.