Droit de préemption: l'ASLOCA sollicite la Cour constitutionnelle
L'Association de défense des locataires (ASLOCA) Vaud a déposé vendredi une requête à la Cour constitutionnelle du Canton de Vaud contre la modification du règlement d'application de la loi sur la protection et la promotion du parc locatif (RLPPPL) adoptée mi-novembre par le Conseil d'Etat. Elle critique en particulier les nouvelles règles en matière de droit de préemption pour les communes.

Le recours est déposé aux côtés de 22 députés interpartis - Libres, PS, Vert-e-s, Ensemble à Gauche & POP, a indiqué l'ASLOCA Vaud dans un communiqué. Elle dénonce une modification "unilatérale" du règlement d'application de la LPPPL.
Plus de trois ans après l'entrée en vigueur de ce règlement, "il est apparu au gouvernement la nécessité de l'adapter en ajoutant une disposition imposant à la commune de détenir les fonds nécessaires à l'acquisition d'un bien-fonds et, ainsi, d'en être propriétaire avant de procéder à une adjudication publique lorsqu'elle entend mettre celui-ci à disposition de tiers", annonçait il y a un mois environ le Conseil d'Etat dans un communiqué.
"Outil social" à préserver
Dans le canton de Vaud, depuis 2020, le droit de préemption permet aux communes situées dans des régions en pénurie de logements la possibilité d'acquérir de manière prioritaire, donc de force, un bien-fonds (bâti ou non bâti) sur le point d'être vendu à un privé pour développer des logements d'utilité publique (LUP). Il ne s'agit pas d'une expropriation, mais d'un achat respectant les conditions fixées entre le vendeur et l'acheteur initialement prévu.
"Craignant le démantèlement de cet outil social par le Conseil d'Etat, initié par voie de communiqué de presse et par une modification réglementaire hâtive, l'ASLOCA Vaud a décidé d'intervenir en s'adressant à la Cour constitutionnelle du Canton de Vaud", explique l'Association de défense des locataires.
Celle-ci estime en que le gouvernement "a outrepassé ses compétences en voulant faire oeuvre de législateur à la place du Grand Conseil dans le but de restreindre le droit de préemption conféré aux communes. Or, seul le Parlement cantonal est compétent pour débattre d'une éventuelle modification du droit de préemption conféré par la LPPPL et qui avait été plébiscité en votation populaire", écrit-elle.
"De facto une limitation"
L'ASLOCA Vaud estime "qu'en imposant notamment à la commune d'acquérir le bien-fonds avec ses propres fonds avant de pouvoir le mettre à disposition d'un tiers, la modification réglementaire conduit de facto à limiter la possibilité des communes d'exercer leur droit de préemption tel que voulu par les Vaudois. Et donc de mener à bien leur mandat constitutionnel de réaliser des logements d'utilité publique pour lequel cet outil a été instauré".
L'association s'inquiète du fait que la modification du RLPPPL "viole les libertés personnelles, en particulier la protection de la sphère privée et la protection des données", en raison notamment de la nouvelle obligation de devoir fournir aux autorités des états locatifs comportant des données sensibles sans rapport avec le but de la loi, relève-t-elle encore.
Pour rappel, il y a plus de cinq ans, la population vaudoise avait accepté à 55,5% la loi LPPPL qui allait permettre aux communes de construire des LUP en se substituant aux acteurs du marché.
Selon la connaissance du Canton, alors qu'il n'existe pas de statistiques précises, il y a eu jusqu'ici au moins 18 cas de droit de préemption utilisé par des communes en trois ans: onze fois à Lausanne, quatre fois à Vevey, une fois à Prilly, une fois à Monpreveyres et une fois à Renens.