En pleine bourre, les Suisses partent à l'assaut du "mythe Kitzbühel"
Huit courses, treize podiums : l'équipe de Suisse masculine de vitesse réalise un début de saison extraordinaire sur le front de la Coupe du Monde. Après un dernier week-end de feu à Wengen, les Helvètes s'attaquent à l'autre classique du mois de janvier : Kitzbühel et sa mythique Streif.

"Aujourd'hui, je suis monté dans la cabine de Pirmin Zurbriggen. J'espère que l'an prochain, je pourrai le faire dans celle à mon nom." Si un large sourire parcourait le visage de Marco Odermatt mercredi, au moment d'évoquer les célèbres "œufs rouges" de Kitzbühel baptisés en l'honneur de ceux qui ont eu le mérite de triompher dans la station autrichienne, ses propos traduisent son état d'esprit. Le Nidwaldien est en mission ce week-end sur la Streif. Une piste qui s'est jusqu'à présent toujours refusée à lui.
Focus sur la descente
"Je veux gagner ici", tonne le roi du ski alpin. "C'est à la fois mon rêve et le gros objectif de ma saison. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir cette ambition. Pour y parvenir, il faut un mélange de plein de choses. De la technique, de la glisse, mais aussi beaucoup de courage et de cœur." À l'heure d'aborder ce week-end dans le Tyrol autrichien, Odi ne manie pas la langue de bois. Il affirme clairement mettre son focus sur la descente de samedi. "Évidemment que je veux prendre ma revanche en Super-G (ndlr : il avait terminé 7ème la semaine dernière à Wengen), mais ma priorité, c'est de gagner la descente."
En l'absence du Norvégien Kilde, du Français Sarrazin et de l'Autrichien Kriechmayr, les principaux contradicteurs du Nidwaldien sur la Streif pourraient bien être…ses propres coéquipiers. "Dire que c'est Odi contre les autres Suisses est un peu fort", nuance le Fribourgeois Alexis Monney. "Nous faisons un début de saison exceptionnel, mais il ne faut pas croire que l'on va forcément continuer sur le rythme d'un doublé par course. D'autres athlètes ont des atouts à faire valoir. Si je dois priver Marco de la victoire? Je suis là pour moi, pas pour les autres. Si je peux gagner, je le ferai. Je ne freinerai pas avant l'arrivée pour un collègue."
Murisier veut continuer à jouer tout devant
Outre Alexis Monney, vainqueur à Bormio durant les Fêtes, le Bernois Franjo von Allmen, victorieux du Super-G et 2ème de la descente de Wengen, risque bien de se mêler à la lutte pour la victoire. Une lutte à laquelle Justin Murisier peut aussi prétendre. "Hormis mon résultat à Val Gardena (ndlr : 29ème), je suis très constant depuis le début de l'hiver en descente. J'ai toujours terminé dans les sept premiers. J'ai bien vu ce qu'il m'a manqué pour jouer le podium à Wengen. J'espère donc pouvoir me dépasser un poil plus ici pour aller jouer tout devant."
Après avoir décroché la toute première victoire de sa carrière en Coupe du Monde lors de la descente inaugurale de Beaver Creek, le Bagnard retrouve à Kitzbühel une piste aussi exigeante que taillée pour ses qualités. "Si je fais partie des favoris? Je vous laisse vous faire votre propre avis", sourit-il. "Personnellement, je sais ce que je vaux. Savoir que des gens pensent à moi comme à un prétendant à la victoire me fait plaisir, mais je peux bien être le favori que je veux, si je ne fais pas la performance qu'il faut samedi, je ne serai pas devant." D'ores et déjà qualifié pour les Mondiaux de Saalbach en descente, Justin Murisier jouera certainement gros vendredi lors du Super-G. "Dans beaucoup d'autres nations, je serais qualifié d'office dans les deux disciplines. Chez nous, c'est plus compliqué puisqu'il est impératif de faire un podium pour décrocher son ticket. Je ferai tout pour réaliser la meilleure performance possible vendredi et on verra bien où cela me mène."
Le challenge d'Arnaud Boisset
De retour à la compétition le week-end dernier à Wengen après sa commotion subie à Beaver Creek, Arnaud Boisset aborde ce week-end sur la Streif avec des ambitions plus modérées que ses coéquipiers. "Skier ici est un challenge à chaque fois, mais cette année, le défi est encore plus grand pour moi. Les deux entraînements n'ont pas été faciles. J'espère pouvoir engager un plus avec l'adrénaline de la course." L'hiver dernier, le Martignerain avait découvert la Streif en format Coupe du Monde. Il en avait profité pour signer son premier top 10 (ndlr : 9ème) à ce niveau après avoir pourtant été stoppé en pleine course et avoir été contraint de remonter au départ à la suite de la chute d'un concurrent. "J'essaie de m'appuyer sur ce souvenir même si cette fois, les conditions sont complétement différentes. Je ne vais par exemple pas pouvoir m'aligner sur le même matériel qu'il y a douze mois. Je vais miser sur des réglages moins rapides mais un peu plus confortables pour faire en sorte de reprendre confiance en mon ski."
Qu'ils visent la gagne ou cherchent "simplement" à retrouver des sensations, tous les athlètes parlent en revanche d'une même voix au moment d'évoquer ce rendez-vous toujours particulier qu'est Kitzbühel. "C'est un rêve, un mythe et la descente la plus dure au monde." Sur la Streif, chacun à son anecdote. "Personnellement, ce qui me frappe à chaque fois est le silence qui règne dans la cabine de départ", souffle Arnaud Boisset. "Enfin, ce n'est même pas une cabine, c'est un immeuble ici. Quoi qu'il en soit, même s'il y a toujours beaucoup de monde, personne ne parle. C'est une forme de respect pour le monument qu'est la Streif et la bataille qui nous attend."
Une bataille à l'issue de laquelle les Suisses espèrent bien triompher. Leur dernier succès à Kitzbühel remonte à la victoire de Beat Feuz en descente en 2022. S'il s'impose samedi, Marco Odermatt succédera par ailleurs à Didier Défago, dernier helvète à avoir signé le doublé Wengen-Kitzbühel en descente en 2009.