Portrait du mois: Inès Aymon, la footballeuse ayentote décidée à concrétiser ses rêves un par un
Elle est la dernière Valaisanne à avoir obtenu une place dans l'élite du football féminin helvétique. À 21 ans, l'Ayentote Inès Aymon a rejoint le néo-promu Thoune cet été. Portrait d'une jeune fille décidée depuis toute petite à briller sur les terrains.
La prochaine journée du championnat de Women's Super League donnera lieu à un choc des extrêmes. D'un côté, le Servette Chênois Féminin, invaincu lors de ses sept premières sorties. De l'autre, Thoune qui a déjà perdu cinq fois et qui ne compte qu'une petite victoire, décrochée il y a dix jours contre la lanterne rouge Aarau. Prévue samedi à 17h00 au Stade de la Fontenette de Carouge, cette affiche permettra à Inès Aymon de se confronter à ce qui se fait de mieux (ou presque) dans le monde du football féminin helvétique. À 21 ans, la Valaisanne a rejoint le néo-promu oberlandais cet été en provenance du FC Sion.
Des pleurs pour convaincre son père
Ce transfert est venu récompenser l'abnégation d'une joueuse qui a toujours cru en elle-même. Véritable battante, elle était décidée dès le départ à forcer son destin. "Ma passion pour ce sport est partie des matches disputés avec les potes dans la cour d'école", se souvient celle qui a dû convaincre ses parents de l'autoriser à chausser les crampons. "J'ai été jusqu'à pleurer pour faire plier mon père qui était le plus réticent. Ma sœur aînée n'avait pas eu cette chance quelques années auparavant. Je ne lui en veux pas car je sais qu'il était simplement soucieux de protéger ses filles. Je ne cesserai de le remercier d'avoir fini par céder. Aujourd'hui, c'est mon premier supporter. Il me suit partout, tout le temps."
Ses premiers pas sur les terrains, Inès Aymon les effectue chez elle, dans les rangs des juniors du FC Ayent. "J'ai dû me faire ma place au milieu des garçons", sourit-elle. "C'était compliqué pour certains d'entre eux d'accepter d'être sur le banc alors que j'étais titulaire. Heureusement, la plupart étaient très corrects et me tiraient vers le haut. Je n'ai jamais bénéficié de traitement de faveur, ni de la part de mes entraîneurs, ni de celle de mes adversaires. Il faut dire que j'étais très masculine comme fille. Certains me prenaient peut-être pour un mec. C'est probablement ce qui m'a permis d'en arriver jusque-là aujourd'hui. Me battre d'égal à égal avec les garçons m'a renforcé."
Une deuxième famille au FC Sion
L'Ayentote avait 15 ans lorsqu'elle a intégré la structure féminine du FC Sion. "C'est rapidement devenu ma deuxième famille", affirme-t-elle. Sous le maillot sédunois, la joueuse de couloir a pratiquement tout vécu. La promotion en 1ère ligue d'abord, celle en Ligue B ensuite. La lutte pour éviter de retomber en 3ème division et, enfin, les finales pour tenter, en vain, d'accéder à la Super League ce printemps. "La promotion en Ligue B reste mon plus beau souvenir sur un terrain. Je n'avais jamais connu une émotion similaire. J'ai une pensée pour David Vernaz qui était notre entraîneur à l'époque et qui m'a vraiment poussée vers le haut. Je n'oublierai jamais tout ce que le FC Sion m'a apporté. Quitter ce club a été une décision très difficile à prendre."
Inès Aymon reconnaît ainsi avoir eu besoin de temps avant de répondre favorablement à l'appel de Thoune. "J'ai beaucoup parlé avec ma famille et le staff sédunois avant d'acter mon choix. La perspective de réaliser mon rêve de jouer dans l'élite a fini par faire pencher la balance. J'étais consciente qu'une telle chance ne se représenterait peut-être jamais. Il fallait que je fonce pour ne pas avoir de regrets par la suite." Les dirigeants oberlandais avaient tenté une première approche un an plus tôt. "Le club évoluant alors en Ligue B, je ne voyais pas l'intérêt de quitter Sion pour un concurrent direct. Le fait qu'ils reviennent vers moi cet été est gratifiant. Je ne suis pas de nature à me mettre en avant mais lorsqu'une équipe te dit deux fois de suite qu'elle te veut, tu te dis que tu es quand même quelqu'un."
Un quotidien à aménager et une langue à apprivoiser
Employée au sein d'une assurance dans la capitale valaisanne, celle qui dit essayer de s'inspirer du jeu d'un certain Kylian Mbappé qui, à une autre échelle, possède des caractéristiques similaires aux siennes, multiplie les allers-retours entre le Vieux Pays et l'Oberland bernois. "Il a fallu trouver une alternative pour concilier ma carrière sportive à ma vie professionnelle. Je suis trois des quatre entraînements hebdomadaires à Thoune et je remplace celui que je manque par une séance privée avec mon père." Outre le fait d'aménager ses horaires et son quotidien à sa nouvelle réalité, la Valaisanne continue d'apprivoiser la langue de Goethe. "Cela reste très compliqué. J'ai du bol d'avoir une coéquipière qui vient d'Yverdon et qui est bilingue. Elle fait énormément d'efforts pour me traduire les théories du coach avant les matches."
Malgré des résultats compliqués depuis l'entame de l'exercice, Inès Aymon assure que l'ambiance est au beau fixe au sein du vestiaire thounois. "J'y ai été très bien accueillie", apprécie-t-elle. "Dès mes premiers entraînements, j'ai été étonnée de voir que beaucoup de filles essayaient de me parler en français. L'une d'entre elles prend le train avec moi jusqu'à Spiez et elle m'a expliqué que lorsque je jouais contre elles l'an dernier, elles faisaient en sorte qu'une joueuse soit toujours sur moi. Elles avaient vraiment envie que je les rejoigne et c'est quelque chose qui me touche. Cela me motive encore plus à aider du mieux possible cette équipe." Si elle doit pour l'heure se contenter d'un temps de jeu relativement restreint, l'Ayentote s'est déjà illustrée sur le terrain. Le 30 septembre dernier, elle inscrivait le 3ème but oberlandais lors du nul 3-3 dans le derby face à YB. "Un moment juste incroyable. Je rêvais de jouer en 1ère division mais, surtout, je rêvais de marquer en 1ère division. L'émotion était si grande que je suis restée bloquée. Je ne savais même plus comment faire une célébration! Je suis prête à tout pour revivre ça, ne serait-ce qu'une seule fois."
L'Euro 2025 comme rêve ultime
Le rêve d'une première apparition en Super League atteint, celui du premier but réalisé, Inès Aymon nourrit encore d'autres grandes ambitions pour le futur.
L'avenir immédiat de l'Ayentote s'écrira donc à Thoune. Un club auquel elle n'est toutefois pas liée par un véritable contrat. Un premier point sera effectué avec les dirigeants et le staff thounois durant la trêve hivernale concernant une poursuite de cette aventure au printemps. Si porter le maillot rouge à croix blanche représente son prochain grand rêve, que signifierait pour elle le fait d'endosser, un jour, celui du FC Sion sur les pelouses de Super League? "Ce serait encore plus qu'un rêve! Mes anciennes coéquipières réalisent un très bon début de saison jusqu'à présent et je leur souhaite de continuer comme ça le plus longtemps possible. Depuis le temps qu'on croche pour maintenir une équipe compétitive en Valais, avoir une place en Super League accélérerait le développement du foot féminin dans notre canton. Ce serait juste incroyable!"