«C’était une expérience très forte sur le plan émotionnel»
L’aventure de l’équipe de Suisse à l’Euro a pris fin en quarts de finale vendredi dernier face à l’Espagne après avoir fait vibrer tout le pays. Deux Valaisans ont eux la chance de vivre l’événement de l’intérieur. Ils racontent.

Ce lundi, Nicolas Mathieu s’est retrouvé face à ses élèves en physiothérapie du sport à la HES-SO alors qu’au même moment, il aurait pu se trouver à Londres, en pleine préparation d’une demi-finale de l'Euro que la Suisse est passée à une séance de pénaltys de disputer. «Je vous mentirais si je vous disais que le retour sur terre n’est pas difficile à digérer», reconnaît celui qui était l’un des cinq physiothérapeutes présents avec la Nati ces dernières semaines. «On est passés tout proche d’un nouvel exploit, de poursuivre cette formidable aventure. Cela a été difficile sur le moment et là, durant quelques jours, on va se repasser en boucle les moments clés de ce tournoi. On aurait pu aller plus loin, c’est clair, mais on est déjà fiers de ce que l’on a accompli.»
Aucun problème à signaler à l’interne
Pierre-Etienne Fournier est lui l’un des deux médecins de l’équipe de Suisse. Au moment où on le joint par téléphone, le Nendard se balade dans ce Valais qu’il est heureux d’avoir retrouvé. «Durant un mois et demi, nous avons été un groupe très soudé», raconte-il. «Entre le staff et les joueurs, nous étions une bonne cinquantaine de personnes et nous avons très bien vécu les uns avec les autres. À part les quelques polémiques venues de Suisse-allemande, liées au coiffeur ou au tatouage, nous n’avons eu aucun problème. Et il est vrai que la victoire contre la France a boosté le moral des troupes. On était de nouveau gonflés à bloc pour affronter l’Espagne. C’était vraiment une chouette expérience, très forte sur le plan émotionnel. Que ce soit par rapport à ce que l’on a vécu à l’interne ou par rapport à l’impact que notre parcours a eu au pays, sur nos amis et nos familles.»
«On a tout de suite senti que l’on avait retrouvé cette cote d’amour que l’on avait perdu au fil des années.»Pierre-Etienne Fournier
La ferveur qui s’est emparée de toute une nation a donc été ressentie au sein de la sélection à en croire le docteur. «Dès la qualification en poche contre les Bleus, on a commencé à recevoir des messages, des vidéos de Sion et d’ailleurs. On a tout de suite senti que la population était à nouveau derrière nous, que l’on avait retrouvé cette cote d’amour que l’on avait perdu au fil des années. Ces deux matches nous ont vraiment fait du bien.»
L’importance de se départir de son âme de supporter
Ces deux matches, face à la France et à l’Espagne donc, Nicolas Mathieu et Pierre-Etienne Fournier ont eu le privilège de les vivre depuis le banc. «De là, on a deux visages», témoigne le premier. «Même si les personnes qui nous entourent se mettent à houspiller l’arbitre, on doit rester calme et concentré au cas où une blessure arrivait», enchaîne le second. «On vit les émotions à travers les autres mais on a bien sûr aussi une part de supporter en nous dont il faut essayer de se départir», reconnaît le physio. «C’est vrai, même si je dois avouer qu’à partir du moment ou «Gavra» (ndlr: Gavranovic) marque le 3-3, le côté supporter a repris le dessus», souffle Pierre-Etienne Fournier.
«À part, Embolo, on termine avec pratiquement aucun pépin physique. Si on compare ça à d’autres équipes, on peut dire qu’on a bien bossé.»Nicolas Mathieu
Et si les deux hommes devaient veiller à ne pas trop s’enflammer, c’est aussi que le rôle du staff médical a été très important cette année. De Bakou à Saint-Pétersbourg en passant par Rome et Bucarest, la Nati a beaucoup voyagé durant le tournoi, mettant les organismes des joueurs à rude épreuve. «On savait que ce serait difficile de gérer tout cela et ça l’a effectivement été», témoigne Nicolas Mathieu. «Mais heureusement, grâce à tout le travail accompli, on a réussi à éviter toute blessure de surcharge. On a vraiment soigné tous les petits détails. Les joueurs avaient par exemple des appareils portatifs de récupération qu’ils pouvaient prendre avec eux dans l’avion et je tiens à dire qu’ils ont tous été incroyables. Ils se sont vraiment investis dans la dernière phase du tournoi pour être au mieux possible physiquement. À part, Embolo, on termine avec pratiquement aucun pépin physique. Si on compare ça à d’autres équipes, on peut dire qu’on a bien bossé.»
Le manque de temps de jeu de certains aura été un atout
Les hommes de Vladimir Petkovic ont peut-être aussi profité d’une certaine fraîcheur bienvenue au moment d’entamer la compétition, plusieurs d’entre eux dont certains cadres étant en manque de temps de jeu avec leur club respectif. «Cela peut avoir joué un rôle, c’est vrai», confirme Pierre-Etienne Fournier. «Ils étaient frais et ils sont montés en puissance. Prenez des gars comme Shaqiri et Rodriguez, on a vu que le fait d’être sur le terrain de manière plus régulière leur apportait ce plus qu’ils n’ont pas forcément durant le reste de la saison.»
«Les risques liés au covid étaient relativement faibles.»Pierre-Etienne Fournier
Cet Euro a aussi été la première grande compétition disputée en temps de pandémie. «C’est l’autre médecin de l’équipe qui était responsable covid et qui devait gérer tout ça», explique le Nendard. «On a rapidement été rassurés par le fait que la majeure partie du groupe était vacciné ou avait été contaminé dans le passé. Les risques étaient donc relativement faibles. On a appliqué les mesures de manière assez stricte au début et à mesure que les tests négatifs (ndlr: tout le monde était testé tous les quatre jours malgré le vaccin) tombaient, on a pu enlever le masque dans les couloirs de l’hôtel et on le remettait dès que l’on était en contact avec des personnes de l’extérieur.»
Physio et confident
En sa qualité de physiothérapeute, Nicolas Mathieu en a passé du temps avec les joueurs durant ces six semaines intenses. «Entre 8 et 9 heures au quotidien», précise celui qui est devenu une sorte de confident pour le groupe. «Souvent, les langues se délient sur la table de soins. Notre écoute est avant tout au service de la performance pour que les joueurs soient dans le meilleur état physique et mental à l’heure d’aborder les prochains rendez-vous. On fait en sorte qu’ils oublient rapidement une éventuelle contre-performance et qu’ils se remobilisent immédiatement en vue du match suivant.»
De la fierté plutôt que de la déception
Des contre-performances, il y en a eu une surtout dans cet Euro, cette défaite 3-0 face à l’Italie à Rome. Mais à l’heure de dresser le bilan de la compétition, celui-ci est évidemment positif. Pierre-Etienne Fournier affirme d’ailleurs que la déception n’était pas le sentiment qui primait vendredi dernier, peu après l’élimination face à l’Espagne. «La fierté du parcours réalisé prenait le dessus. Bien sûr qu’on aurait aimé continuer l’aventure. Il y avait de la tristesse d’être passés aussi proches d’une qualification mais pas vraiment de déception car on a donné tout ce que l’on pouvait.»
«Chaque grand tournoi est formateur pour tous. Aussi bien pour l’entraîneur que les joueurs ou le staff médical.»Nicolas Mathieu
Le chapitre «Euro» désormais fermé, tous les regards sont tournés vers la prochaine Coupe du Monde qui arrivera dans seize mois déjà au Qatar. Un événement qui, s’il se disputera en novembre pour minimiser les effets de la chaleur, mettra à nouveau à rude épreuve les organismes et donc, les staffs médicaux. «Cette année, on a dû combattre certains événements environnementaux et on a su le faire», relève Nicolas Mathieu. «Au Qatar, ce sera à nouveau des efforts qui ne sont pas conventionnels. Il faudra mettre en avant certaines capacités de récupération pour digérer les fortes chaleurs. Mais chaque grand tournoi est formateur pour tous. Aussi bien pour l’entraîneur que les joueurs ou le staff médical.»
Prochain rendez-vous pour Pierre-Etienne Fournier, Nicolas Mathieu et l'équipe de Suisse au mois de septembre. La Nati disputera un match amical face à la Grèce avant de poursuivre les éliminatoires pour le Mondial en défiant l'Italie puis l'Irlande du Nord.