L'Eglise catholique valaisanne peu adepte des thérapies de conversion
Les députés vaudois et valaisans ont quasi simultanément accepté, mi-décembre, un texte demandant l'interdiction des thérapies de conversion, ces accompagnements par des religieux qui visent à modifier l'orientation sexuelle et affective ou l'identité de genre d'une personne.

Vaud et le Valais ont pris une décision similaire à la mi-décembre. Les deux Grands Conseils ont voté à quelques heures d'intervalle un texte parlementaire qui demande l'interdiction des thérapies de conversion. Si la motion vaudoise a été définitivement adoptée au stade du traitement, le postulat valaisan doit encore recevoir l'avis du Conseil d'Etat avant de repasser devant les députés pour approbation définitive. Néanmoins le signal est donné : le Valais veut prohiber ces pratiques qui visent à modifier l'orientation sexuelle et affective ou l'identité de genre d'une personne. " C'est très compliqué à interdire ces thérapies au niveau cantonal. Un postulat a été déposé aux Chambres fédérales mais la Confédération a refusé sous prétexte qu'elle n'était pas compétente en la matière. Or c'est faux. L'Allemagne – qui a aussi un système fédéral – a interdit les thérapies de conversion", s'insurge Thierry Delessert, historien sur l'homosexualité en Suisse à l'Université de Lausanne (UNIL).
Des pratiques de l'Eglise évangélique
Les thérapies de conversion sont nées dans les années 1970 au sein de l'Eglise évangélique américaine. "C'est une approche à la fois religieuse et pseudo médicale. Les thérapies ont cependant évolué. Au début, on donnait des vomitifs aux participants avant de leur montrer des photos de gays et de lesbiennes ou même on leur faisait aussi des électrochocs. Ces pratiques ont été largement dénoncées dans les années quatre-vingt. Aujourd'hui, les thérapies sont similaires en Europe et aux Etats-Unis. Elles sont basées sur des préceptes psychanalytiques et sur des approches cognitivo-comportementales", précise Thierry Delessert. Les thérapies de conversion ont peu à peu gagné l'Allemagne et la Suisse.
Des pratiques organisées en Valais ?
L'Eglise catholique – majoritaire à 75% en Valais – semble épargnée par le phénomène. "Je ne pense pas que le catholicisme valaisan, c’est-à-dire que l'Evêché de Sion, soit impliqué dans ces pratiques. Il est possible par contre que d'autres mouvements catholiques plus conservateurs soient impliqués dans ce genre de pratique. J'ai eu un ou deux témoignages qui m'ont laissé entendre que cela pouvait se produire à Ecône mais rien de plus", précise Thierry Delessert de l'UNIL. Très impliqué pour la cause LGBT au sein de l'Eglise catholique, le prêtre Joël Pralong, auteur du livre "Eglise et homosexualité : un accueil si difficile", abonde : " L'Eglise catholique a tout simplement une autre approche. Si elle dit que l'homosexualité est une anomalie voire un péché, ça s'arrête là. Toutefois, l'Eglise catholique est bien plus large que le catéchisme en lui-même. Certaines personnes font partie de cette église-là et ont une approche différente sur les questions homosexuelles. Comme l'a dit le Pape François, qui suis-je pour juger un gay qui cherche Dieu ?"
"J'ai eu un ou deux témoignages qui m'ont laissé entendre que cela pouvait se produire à Ecône mais rien de plus."
Thierry Delessert, historien sur l'homosexualité en Suisse à l'Université de Lausanne
Si l'Eglise catholique ne semble pas concernée par ces thérapies de conversion, le Père Joël Pralong conçoit tout de même quelques prières d'accompagnement : "Cela a pu exister mais de manière informelle dans des petits groupes, où on a dit qu'il fallait correspondre à ce que demande l'église. Mais ces témoignages, je les ai entendus en France mais jamais en Valais."
Torrents de Vie
Etabli en Valais, le Vaudois André Varidel est passé par une thérapie de conversion à l'âge de 45 ans. Alors marié et père de famille, il a été poussé par sa femme à tenter "une guérison" au sein de la mouvance de l'Eglise évangélique "Torrents de Vie". "J'étais très engagé au sein de l'Eglise évangélique, je prêchais, je baptisais. Une grande partie de ma vie tournait autour de cette église. Pour éviter de tout perdre, j'étais quelque part volontaire pour entreprendre cette thérapie", reconnaît André Varidel.
"Les personnes qui se disent guéries ont juste réussi à mettre une chape de plomb suffisamment lourde sur leur réalité."
André Varidel
Durant six mois, il a participé une fois par semaine à ces thérapies. " Il y avait une partie de louages, de prédications et d'échanges en groupe. C'était convivial mais dans la réalité on était en permanence confronté à quelque chose qu'il fallait guérir, d'inadéquat voire de péché. On est dans la destruction de la confiance en soi", explique André Varidel. Le Vaudois a finalement fait son coming-out une année après cette thérapie de conversion. " Les personnes que je connais aujourd'hui et qui se disent guéries sont en réalité très sensibles à la question. Elles ont juste réussi à mettre une chape de plomb assez lourde sur leur réalité. Pour moi, ce sont des bombes à retardement", s'inquiète André Varidel.
Le postulat valaisan sur l'interdiction des thérapies de conversion reviendra au plus tard devant les députés d'ici un an.