"Révolution pacifique" en cours au Bélarus
L'opposante Tikhanovskaïa salue la "révolution pacifique" en cours
La figure de proue de l'opposition bélarusse, Svetlana Tikhanovskaïa, a proclamé qu'une "révolution pacifique" était en cours dans son pays, malgré la répression des autorités visant à juguler le mouvement de protestation contre le président Alexandre Loukachenko.
Le mouvement inédit de contestation du pouvoir de M. Loukachenko, qui dirige d'une main de fer le Bélarus depuis 1994, entre dans sa troisième semaine. Si le nombre des manifestants ne semble pas faiblir, le chef de l'Etat a multiplié les déclarations et mises en scène martiales, doublées d'une répression accrue.
"Nous sommes une majorité désormais. Une révolution pacifique est en cours. Ce n'est pas une révolution géopolitique (...) c'est une révolution démocratique", a lancé mardi en anglais Mme Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie, au cours d'une réunion par visioconférence devant des élus du Parlement européen.
"Mon pays est en crise", a-t-elle déclaré, énumérant les arrestations, les disparitions et la mort de manifestants "au milieu de l'Europe".
A son appel, environ 3.000 personnes se sont rassemblées dans le centre de Minsk mardi soir, tandis qu'environ 1.000 partisans de M. Loukachenko ont fait de même dans un autre endroit de Minsk.
Des dizaines d'enseignants ont aussi manifesté devant le ministère de l'Education. "Je veux que les enfants de notre pays soient libres, que mes petits-enfants étudient ici et qu'ils reçoivent une éducation décente", a déclaré à l'AFP l'une des manifestantes, Diana, 58 ans.
Mme Tikhanovskaïa avait qualifié plus tôt la manifestation du 23 août de "plus grande de l'histoire du Bélarus", jugeant que les "tentatives de répression violente" n'avaient "pas dissuadé, mais seulement renforcé la résolution de la Nation".
Dimanche, quelque 100.000 personnes ont manifesté dans les rues de Minsk, comme elles l'avaient déjà fait le 16 août.
Le mouvement de contestation a été déclenché par l'annonce des résultats de la présidentielle du 9 août, donnant M. Loukachenko gagnant avec 80% des voix et jugés frauduleux par l'opposition.
Demandant "des élections libres et équitables", Mme Tikhanovskaïa dit être prête à "des négociations avec les autorités" et à "considérer la médiation d'organisations internationales", dans le respect de la "souveraineté du Bélarus".
La Cour suprême a rejeté mardi sa requête de reconnaître les résultats de la présidentielle comme invalides.
L'UE a pour sa part rejeté les résultats de l'élection et a promis des sanctions supplémentaires contre des responsables au pouvoir.
Les dirigeants européens ont en outre exhorté Vladimir Poutine à faire pression sur Alexandre Loukachenko, dont il est un allié essentiel, afin de favoriser le dialogue avec l'opposition.
Mais le Kremlin estime que la crise politique chez son voisin est une "affaire intérieure" et condamne les "tentatives d'ingérence". Mardi, Moscou a ainsi dénoncé les tentatives de la Lituanie "d'influencer la situation" chez son voisin.
Le numéro 2 du département d'Etat américain Stephen Biegun a rencontré mardi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov à Moscou, après s'être entretenu mardi à Vilnius avec Mme Tikhanovskaïa, qu'il a trouvée "très impressionnante".
M. Biegun a "condamné l'usage de la violence contre le peuple et exprimé son soutien à la souveraineté du Bélarus et au droit de son peuple à l'autodétermination", selon la porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis en Russie, Rebecca Ross.
Mais Alexandre Loukachenko refuse de céder. Il a qualifié les protestataires de "rats", exhorté les forces de l'ordre à mettre fin aux "troubles" et l'armée à défendre les frontières. Il s'est affiché dimanche fusil d'assaut à la main, le jour de la manifestation monstre de l'opposition.
Symbole de la pression qui s'accroît sur le mouvement de contestation, la lauréate du prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch est convoquée mercredi par les enquêteurs, en tant que membre du "conseil de coordination" formé par l'opposition pour organiser la transition du pouvoir.
Mardi, Sergueï Dilevski, un membre de ce "conseil" et président du comité de grève d'une importante usine de Minsk, a été condamné à dix jours de détention en lien avec la manifestation non autorisée de dimanche et pour avoir "désobéi à un policier", selon l'opposition.
Les autorités ont aussi rapporté l'arrestation de 20 employés de Grodno Azot, important producteur d'engrais.
Une enquête criminelle a par ailleurs été ouverte sur la formation du "conseil" de l'opposition, accusé de "menacer la sécurité nationale".