Poutine en garant de la paix, Prigojine justifie sa rébellion
Vladimir Poutine s'est posé lundi soir en garant de la paix en Russie. Il a assuré avoir évité un bain de sang, lors de sa première déclaration depuis la rébellion de Wagner. Le chef de cette dernière l'a justifiée pour sauver la milice et non s'emparer du pouvoir.
"Dès le début des événements, des mesures ont été prises sur mes instructions directes afin d'éviter une grande effusion de sang", a affirmé le président russe dans une courte adresse télévisée à la nation, en accusant l'Ukraine et l'Occident de souhaiter "une telle issue fratricide".
Peu auparavant, son homologue américain Joe Biden avait à l'inverse assuré que les Occidentaux n'étaient "pas impliqués" et n'avaient "rien à voir avec ces événements", qualifiés de "problème interne à la Russie".
Remerciant les Russes pour leur "résilience", leur "unité" et leur "patriotisme", Poutine a déclaré que "cette solidarité citoyenne a montré que tout chantage (...) est voué à l'échec".
Se posant en garant du retour au calme, le dirigeant russe a ensuite fait savoir, par le porte-parole de la présidence, qu'il était "en réunion de travail" avec les principaux responsables de la sécurité du pays, notamment le procureur général, les ministres de l'Intérieur et de la Défense, et le directeur du FSB (service de sécurité). Il les a "remerciés du travail accompli pendant ces quelques jours".
Aux membres de Wagner acteurs de la mutinerie, qui a mené certains à peine plus de 200 km de Moscou, il a proposé d'intégrer l'armée régulière, de "rentrer dans leurs familles et chez leurs proches" ou de "partir au Bélarus", pays allié où leur patron Evguéni Prigojine doit s'exiler, selon le Kremlin.
Le président bélarusse Alexandre Loukachenko va "très bientôt" prononcer une allocution, a annoncé une chaîne Telegram proche de la présidence, sans précision de date.
Lundi soir, Poutine a une nouvelle fois accusé le patron de Wagner, sans le nommer, d'avoir "trahi son pays et son peuple" tout en "mentant" à ses hommes.
Dans la journée, Evguéni Prigojine avait lui justifié sa révolte par le fait qu'il voulait sauver son organisation, non s'emparer du pouvoir, et que sa tentative a mis en lumière les "graves problèmes de sécurité" en Russie.
Les autorités russes se sont efforcées tout au long de la journée de lundi de donner une image de normalité dans le pays, malgré ce grave coup porté en l'espace de 24 heures à l'image de Vladimir Poutine, en pleine contre-offensive ukrainienne.
Dans un message audio de 11 minutes, Prigojine n'a pas révélé où il se trouvait, alors que l'accord conclu samedi soir avec le Kremlin par l'entremise du président bélarusse Alexandre Loukachenko prévoit qu'il s'exile au Bélarus.
Selon lui, la marche de ses hommes vers Moscou a "mis en lumière de graves problèmes de sécurité dans le pays", ceux-ci ayant pu s'emparer sans grande résistance du QG de l'armée à Rostov-sur-le-Don et de plusieurs autres sites militaires, couvrant 780 kilomètres avant de s'arrêter "à peine à plus de 200 km de Moscou". Il a aussi assuré avoir eu le soutien des civils rencontrés lors de cette courte rébellion.
Depuis des mois, le patron de Wagner accusait le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d'état-major Valeri Guérasimov d'être incompétents et d'avoir envoyé au sacrifice des dizaines de milliers de soldats.
Selon lui, le ministère de la Défense a essayé de démanteler Wagner en l'absorbant, puis a bombardé l'un de ses camps, faisant trente morts. Une accusation qu'avait démentie l'armée russe.
Sergueï Choïgou, qui s'était volatilisé pendant la rébellion, est réapparu plus tôt lundi dans une vidéo en train d'inspecter des forces engagées en Ukraine, sans qu'il soit possible de déterminer quand ces images ont été filmées.
Le groupe Wagner a par ailleurs assuré que son siège à Saint-Pétersbourg fonctionnait "normalement", tandis que le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov relevait que les paramilitaires allaient continuer leurs opérations au Mali et en Centrafrique.
L'organisation a aussi repris son recrutement dans certaines régions de Russie, selon l'agence TASS. Autre signe de cet effort de retour à la normale, les autorités ont annoncé la fin du "régime d'opération antiterroriste" dans la région de Moscou et celle de Voronej, au sud de la capitale.
Prigojine, homme d'affaires qui fut un allié de Poutine chargé de remplir nombre des basses oeuvres de Moscou, a mis fin à sa rébellion samedi soir, en échange d'une immunité promise par le Kremlin pour lui et ses hommes.
Mais lundi, les agences de presse russes ont toutes annoncé que l'enquête criminelle le visant pour "appel à la mutinerie armée" était toujours en cours.
Si le coup de force a pris fin aussi soudainement qu'il a débuté, cette crise représente le plus grand défi auquel Vladimir Poutine a été confronté depuis son arrivée au pouvoir fin 1999.
Scrutée dans toutes les chancelleries, elle "révèle des fissures réelles" au plus haut niveau de l'Etat russe, avait estimé dimanche le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken.
De nombreux analystes estiment aussi qu'elle pourrait affaiblir les forces russes en Ukraine et profiter à Kiev dans sa contre-offensive.
La vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar a annoncé lundi que l'armée avait grignoté 17 km de terrain face aux forces de Moscou, soit 130 km2 depuis début juin. Elle a précisé que la localité de Rivnopil, dans la région de Donetsk, avait été reprise.