Pompeo dans une colonie et au Golan
Pompeo dans une colonie israélienne et au Golan, une première
Première visite d'un secrétaire d'Etat américain au Golan et dans une colonie en Cisjordanie occupée: Mike Pompeo a profité jeudi de sa tournée d'adieu au Moyen-Orient pour ancrer l'héritage de l'administration Trump en faveur de l'Etat hébreu.
Sous une haute escorte militaire, le chef de la diplomatie américaine a visité jeudi après-midi le plateau du Golan, zone stratégique prise par Israël à la Syrie lors de la guerre des Six-Jours en 1967.
Pour Damas, cette visite "est une démarche provocatrice avant la fin du mandat du gouvernement Trump et une violation flagrante de la souveraineté de la République arabe syrienne", a fait savoir jeudi soir le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé par l'agence de presse étatique Sana. "De telles visites criminelles encouragent (Israël) à poursuivre sa dangereuse approche hostile", a-t-il poursuivi.
En 2019, le président américain Donald Trump a fait des Etats-Unis le premier pays à reconnaître la souveraineté d'Israël sur ce plateau, où vivent 25'000 colons israéliens aux côtés de quelque 23'000 Druzes qui se revendiquent pour la plupart Syriens tout en ayant le statut de résidents en Israël. "Il s'agit d'une part d'Israël et d'une part centrale d'Israël", a martelé M. Pompeo.
Avant de se rendre dans cette région viticole, il avait déjà reçu une bouteille de vin baptisée en son honneur au vignoble israélien Psagot, dans une colonie de Cisjordanie occupée. La colonisation israélienne a connu un vif essor ces dernières années sous l'impulsion du Premier ministre Benjamin Netanyahu et depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Plus de 450'000 Israéliens vivent dans des colonies - jugées illégales au regard du droit international - en Cisjordanie, où vivent environ 2,8 millions de Palestiniens. Il y a un an, M. Pompeo avait décrété que ces colonies n'étaient plus, selon Washington, contraires au droit international.
"Pendant longtemps le département d'Etat a pris la mauvaise approche sur les colonies (...). Aujourd'hui, il défend avec vigueur la reconnaissance que les colonies peuvent être légales", a-t-il réitéré jeudi. A Psagot, vignoble situé entre Jérusalem et Ramallah, Yaakov Berg avait dès 2019 débouché de bonnes bouteilles en l'honneur de M. Pompeo.
Il avait préparé jeudi une "cuvée Pompeo" bonifiée d'une étiquette avec le hashtag "#madeinlegality" ("conçu légalement"). "Nous n'avons pas volé cette terre", a affirmé à l'AFP ce vigneron au coeur d'une saga politico-judiciaire divisant Américains et Européens.
Une décision française, validée en 2019 par la Cour européenne, a jugé que les produits des colonies en Cisjordanie ne pouvaient être estampillés comme étant originaires d'Israël. M. Pompeo a renversé l'équation non seulement en changeant la politique des Etats-Unis sur les colonies mais en se rendant lui-même dans une implantation, et en annonçant jeudi une modification des labels des produits de Cisjordanie.
"Tous les producteurs dans les zones où Israël exerce son autorité (...) devront inscrire sur leurs produits 'Israël', 'Produit en Israël' ou 'Fabriqué en Israël' lorsqu'ils exporteront aux Etats-Unis", a déclaré M. Pompeo.
Et pour comprendre la nouvelle politique américaine - dont la pérennité reste inconnue dans la perspective de l'arrivée du démocrate Joe Biden à la Maison Blanche en janvier-, il faut remonter aux accords israélo-palestiniens d'Oslo, dans les années 1990, qui ont divisé la Cisjordanie en trois zones: A, B et C.
Les deux premières forment 40% du territoire et sont placées principalement sous contrôle palestinien. La Zone C (60%) se trouve sous contrôle israélien mais avec l'idée d'un transfert prévu, et à définir, aux Palestiniens dans le cadre d'un accord de paix définitif.
Or, pour Israël, la "Zone C", où sont situés l'essentiel de la vallée agricole du Jourdain et la totalité des colonies, ne peut être considérée comme un territoire "palestinien" mais "disputé", aucun accord n'étant encore intervenu sur une paix définitive.
A ce titre, la nouvelle approche américaine "reconnaît que les producteurs de la zone C opèrent sous le cadre administratif et juridique d'Israël et que leurs produits doivent être considérés comme tels", a dit Mike Pompeo.
Ce changement signifie que le vin reçu par M. Pompeo est, selon Washington, un "produit d'Israël". Mais il suggère aussi, par exemple, que les dattes de fermiers palestiniens vivant en "Zone C" tomberont sous le label "Israël".
Les Palestiniens ont aussitôt condamné la visite de M. Pompeo dans une colonie de Cisjordanie et sa décision de labelliser "Israël" les exportations provenant de ces implantations. Elle "fait fi de façon flagrante du droit international", a fustigé le porte-parole du président Mahmoud Abbas, Nabil Abou Roudeina, appelant "la communauté internationale à prendre ses responsabilités et à mettre en pratique ses résolutions".
Dernier geste, et non le moindre, effectué jeudi par M. Pompeo: son annonce que la campagne de boycottage BDS de l'Etat hébreu était considérée "antisémite" par les Etats-Unis. Il a promis "des mesures immédiates pour identifier des organisations impliquées dans la campagne de haine menée par le BDS et pour retirer le soutien américain à ces groupes", a-t-il ajouté. Des propos fustigés par des organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International.