Pays-Bas: le gouvernement démissionne
Le Premier ministre néerlandais confirme sa démission
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a annoncé vendredi sa démission et celle de ses ministres. Son gouvernement était embourbé dans un scandale de l'administration fiscale qui avait accusé à tort des milliers de parents de fraude aux allocations familiales.
"L'Etat de droit doit protéger ses citoyens d'un gouvernement tout puissant. Cela a échoué d'une manière horrible", a déclaré M. Rutte au cours d'une conférence de presse, confirmant avoir présenté sa démission au roi Willem-Alexander, à seulement deux mois des législatives et en pleine crise sanitaire.
"Nous sommes tous d'accord : lorsque tout le système échoue, seule une responsabilité commune peut être endossée", a ajouté le premier ministre démissionnaire.
Des milliers de familles ont été accusées à tort de fraude aux allocations familiales, avant d'être contraintes à les rembourser, ce qui a plongé une partie d'entre elles dans de graves problèmes financiers. Nombre d'entre elles ont en outre fait l'objet d'un profilage ethnique sur la base de leur double nationalité.
Les quatre partis du centre et de la droite au pouvoir s'étaient réunis plus tôt pour discuter d'une éventuelle démission. Mark Rutte, Premier ministre depuis 2010 et l'un des dirigeants européens depuis le plus longtemps en poste, avait précédemment annoncé qu'il briguerait un quatrième mandat.
Un rapport d'enquête parlementaire publié en décembre a établi que des fonctionnaires ont mis fin aux allocations de milliers de familles accusées à tort de fraude entre 2013 et 2019, avant de les contraindre à restituer de façon rétroactive les allocations perçues sur plusieurs années, soit dans certains cas des dizaines de milliers d'euros.
De hauts responsables politiques, dont plusieurs ministres en fonction, sont accusés d'avoir préféré fermer les yeux sur des dysfonctionnements dont ils avaient connaissance.
L'affaire survient deux mois avant des élections législatives, prévues le 17 mars, et en pleine crise sanitaire. Les Pays-Bas connaissent les restrictions les plus sévères imposées depuis le début de la pandémie de Covid-19. "Aux Pays-Bas, je dis : 'Notre combat contre le coronavirus continue'", a déclaré M. Rutte.
Le système politique néerlandais permet l'existence d'un "gouvernement démissionnaire". Celui-ci peut s'occuper des affaires en cours dans l'attente de la formation d'un nouveau gouvernement ou de la tenue d'élections.
M. Rutte a dirigé trois gouvernements de coalition depuis 2010. En 2017, son parti était arrivé premier devant celui du député d'extrême droite Geert Wilders. Selon de récents sondages, le parti libéral-conservateur (VVD) de Mark Rutte pourrait être de nouveau le premier parti à l'issue des législatives, l'opinion publique soutenant toujours largement sa gestion de la pandémie.
Mark Rutte s'était auparavant opposé à la démission de sa coalition, affirmant que le pays a besoin d'un gouvernement décisionnaire pour lutter contre le nouveau coronavirus. Les autres partis de la coalition au pouvoir hésitaient, eux, à demander la démission du gouvernement, estimant que celui-ci devait prendre ses responsabilités envers ce scandale qui a touché environ 26'000 parents, selon les estimations des médias néerlandais.
La pression sur le gouvernement s'est amplifiée jeudi avec la démission du chef du Parti travailliste néerlandais (PvdA) d'opposition, Lodewijk Asscher, ministre des Affaires sociales de 2012 à 2017, sous la précédente coalition gouvernementale de Mark Rutte. L'avocat de victimes Vasco Groeneveld a déposé mardi une plainte à l'encontre de trois ministres en poste et deux anciens ministres, dont M. Asscher.
Il a en outre été révélé que des fonctionnaires des impôts avaient procédé au "profilage ethnique" de quelque 11'000 personnes sur la base de leur double nationalité, y compris certaines de celles qui ont été touchées par l'affaire des allocations familiales. En décembre, le gouvernement néerlandais a annoncé vouloir verser au cours des quatre mois suivants au moins 30'000 euros à chaque parent concerné, mais cela n'a pas suffi à dégonfler le scandale.