Nouvelles manifestations en France - Raffineries en points de mire
Barricades, feux de poubelles et d'abribus, jets de projectiles: le quartier de la Place d'Italie à Paris a été samedi soir le théâtre de heurts avec la police et de dizaine d'arrestations, en marge d'une manifestation contre le passage en force pour les retraites.
Selon une source policière, 76 personnes ont été arrêtées sur la place d'Italie ou alentour.
Il s'agit de la troisième soirée de tensions dans la capitale, depuis l'annonce jeudi du recours par Elisabeth Borne à l'article 49.3 de la Constitution qui permet l'adoption d'un texte sans vote, sauf motion de censure.
Les tensions se sont déplacées du VIIIe au XIIIe arrondissement, les rassemblements place de la Concorde et sur les Champs-Elysées ayant été interdits samedi par la préfecture de police de Paris.
"En raison de risques sérieux de troubles à l'ordre et à la sécurité publics (...) tout rassemblement sur la voie publique place de la Concorde et à ses abords ainsi que dans le secteur de l'avenue des Champs-Élysées est interdit", avait déclaré à l'AFP la préfecture en début d'après-midi.
Finalement, les tensions ont surgi dans le quartier de la Place d'Italie où un cortège de plusieurs milliers de personnes, à l'appel de la CGT Ile-de-France, - "4000" selon la police - marchait vers le quartier animé de la Butte-aux-Cailles aux étroites ruelles.
Des feux de poubelles ont été allumés, des vitres de panneaux d'affichage et des abribus pris pour cibles, des barrières de chantiers utilisées pour bloquer des rues, a constaté une journaliste de l'AFP.
Vers 20h00, les forces de l'ordre sont intervenues, notamment les Brigades de répression de l'action violente motorisées (BRAV-M), et ont fait usage de gaz lacrymogènes, selon l'AFP-TV sur place. La police a procédé à des charges.
"Des perturbateurs tentent de créer des barricades et incendient des poubelles", avait commenté au début des tensions une source policière, évoquant "de nombreux casseurs".
Dépêchés pour éteindre un feu place d'Italie, les pompiers en ont été empêchés par des groupes de jeunes et les forces de l'ordre sont "intervenues pour pousser les perturbateurs", a indiqué une source policière.
Devant un feu, un jeune se prenait en photo avec la pancarte "vivre oui, survivre non". Dans la pagaille, des personnes criaient "Macron démission", ou "si tu penses à Macron tu n'auras jamais de pognon".
Peu après 21h30, le canon à eau a entraîné la dispersion d'une grande partie des manifestants.
Les deux soirs précédents, les manifestations place de la Concorde avaient été émaillées d'incidents. A la nuit tombée, des centaines de personnes avaient affronté la police par petits groupes, avec jets de projectiles.
Samedi après-midi, la place de la Concorde - située tout près de l'Assemblée nationale - avait été placée sous la surveillance de centaines de policiers, et des canons à eau positionnés notamment au bas des Champs-Élysées. Les forces de l'ordre procédaient à de très nombreuses fouilles de passants et contrôles d'identité, en demandant aux personnes statiques de circuler.
Dix personnes ont été interpellées sur la place de la Concorde, selon une source policière. Sur les murs du jardin des Tuileries, on pouvait lire des tags incendiaires anti-gouvernement, tel "Macron, cette réforme sera ton Vietnam".
Jeudi, 10'000 personnes s'étaient rassemblées sur la place de la Concorde, selon le ministre de l'Intérieur, et 258 personnes avaient été arrêtées. Vendredi, quand 4.000 personnes y étaient réunies, 61 personnes avaient été interpellées, selon la préfecture de police.
Syndicat classé à gauche, la CGT a marqué les esprits en annonçant samedi que la plus grande raffinerie du pays, située en Normandie (nord-ouest) et exploitée par TotalEnergies, avait commencé à être mise à l'arrêt.
Un cap a ainsi été franchi. Depuis le début du mouvement, les expéditions de carburant ont été bloquées mais aucune des sept raffineries françaises n'avait été totalement mise à l'arrêt.
Très lourde techniquement, l'opération prendra plusieurs jours et ne devrait pas provoquer de pénuries de carburant immédiates dans les stations-service du pays mais elle pourrait faire tâche d'huile.
Au moins deux autres raffineries, celle de PetroIneos à Lavéra (sud-est) et celle de TotalEnergies à Gonfreville-l'Orcher (nord-ouest), pourraient être mises à l'arrêt au plus tard lundi, a prévenu le syndicat CGT.
Le ministre français de l'Industrie Roland Lescure a laissé entendre samedi que le gouvernement pourrait répliquer en procédant à des réquisitions d'agents.
D'autres secteurs clés de l'économie restent par ailleurs perturbés par la mobilisation, notamment dans les transports et la collecte de déchets ménagers.
A Paris, environ 10'000 tonnes de déchets sont en attente de collecte sur les trottoirs de la capitale même si la mairie a constaté, samedi, une "stabilisation" de ce stock.
Le gouvernement a là aussi assuré que des agents seraient réquisitionnés pour commencer à collecter des déchets, qui débordent dans plusieurs quartiers de la ville.