Nouveaux crimes de guerre au Yémen
Yémen: tous les acteurs à nouveau responsables de crimes de guerre
Toutes les parties au conflit yéménite ont perpétré de nouveaux actes qui équivalent à des crimes de guerre depuis un an, selon les enquêteurs indépendants de l'ONU. Ceux-ci ont appelé mercredi à Genève à saisir la CPI et à étendre les sanctions.
Dans leur troisième rapport, les trois membres du Groupe d'experts internationaux et régionaux sur le Yémen (GEE) disent notamment avoir des raisons suffisantes de conclure que des bombardements aériens de la coalition menée par l'Arabie saoudite ont violé les règles de proportionnalité. Celle-ci a aussi mené des attaques indiscriminées.
Certains de ses membres et du gouvernement yéménite en exil qu'elle soutient ont également exécuté des civils, torturé, violé, imposé des procès inéquitables ou encore recouru à des enfants soldats. Des crimes dont sont également accusés les rebelles Houthis et les autonomistes du Conseil de transition du Sud (STC), opposés aux autorités.
Les premiers, appuyés par l'Iran et qui contrôlent le Nord du pays, se voient également reprocher des attaques indiscriminées mais aussi l'utilisation de mines antipersonnel. Le second, actif dans le sud, avait pourtant signé l'année dernière des engagements auprès de l'ONG Appel de Genève dans lequel il promettait de ne pas recourir aux mines antipersonnel, aux enfants dans le conflit, aux violences sexuelles mais aussi de faciliter l'éducation et l'assistance médicale.
"Les preuves que nous avons trouvées suggèrent que le STC viole le droit international humanitaire (DIH)" malgré ces accords, a affirmé à la presse l'un des membres du groupe d'experts, Ardi Imseis. Mais "toutes les parties à ce conflit" sont aussi responsables de tels abus, ajoute-t-il.
Le GEE, dont le mandat d'un an devra être renouvelé dans moins d'un mois par le Conseil des droits de l'homme, a fait suivre à la Haute commissaire aux droits de l'homme Michelle Bachelet une liste d'individus de plusieurs pays auxquels tous ces crimes peuvent être attribués. En revanche, le rapport ne mentionne pas de crimes contre l'humanité. "Nous n'excluons pas la possibilité" que des actes équivalant à ceux-ci aient pu être perpétrés, a toutefois dit M. Imseis.
D'autres incidents demandent en revanche davantage d'indications avant de pouvoir établir qui sont les responsables, selon eux. Ils ciblent aussi des pays tiers accusés de continuer à acheminer des armes au Yémen. Ils mentionnent le Canada, la France, l'Iran, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Parmi leurs recommandations, les spécialistes demandent notamment au Conseil de sécurité de l'ONU de saisir la Cour pénale internationale (CPI). Ils souhaitent aussi que la liste des sanctions, qui affecte seulement quelques personnes, soit élargie à de nouveaux individus.
"La communauté internationale a une responsabilité de mettre un terme à cette pandémie d'impunité", estime le président du GEE Kamel Jendoubi. Comme pour la Syrie, les experts souhaitent aussi qu'un mécanisme international indépendant d'investigations (IIIM), qui serait chargé de préparer des dossiers criminels, soit lancé. Toutes les données du GEE seraient partagées avec celui-ci, a précisé M. Imseis.
Les trois experts appellent surtout les parties à un cessez-le-feu, à ne plus perpétrer de violations des droits de l'homme et du DIH ou encore à garantir des investigations indépendantes sur ces crimes. Tous ces acteurs doivent également éliminer les restrictions humanitaires et relâcher tous les détenus arbitraires et ceux qui sont menacés par le Covid, selon eux.
En plus de cinq ans, la guerre au Yémen a fait des dizaines de milliers de victimes, surtout des civils, et provoqué la pire catastrophe humanitaire au monde, une situation qui s'est détériorée également avec le coronavirus. La troisième membre du GEE, Melissa Parke, a estimé à des centaines de milliers les décès indirects liés au conflit. Environ 25 millions de personnes ont besoin d'aide selon l'ONU.