Mécanisme d'aide transfrontalière pour la Syrie: extension votée
Le Conseil de sécurité de l'ONU a approuvé vendredi à l'unanimité une résolution prolongeant de 6 mois renouvelables l'aide humanitaire transfrontalière à la Syrie sans l'aval de Damas. Une avancée vue par Washington et Moscou comme un nouveau départ.

Ce mécanisme expirait samedi. C'est la première fois depuis 2016 que le Conseil affirme son unité sur le dossier syrien. Mais de nombreuses ONG ont critiqué en choeur un compromis américano-russe qui ne prévoit qu'un seul accès frontalier à la Syrie et pour une courte durée de six mois.
La durée de l'extension est interprétée différemment par les Etats-Unis, pour qui elle est d'un an, et la Russie, qui considère qu'il s'agit de six mois renouvelables en fonction d'un rapport attendu en fin d'année du secrétaire général de l'ONU. Certains diplomates ont assuré qu'un nouveau vote dans six mois n'était pas obligatoire, d'autres ont fait valoir qu'il était incontournable.
La résolution décide d'une extension du mécanisme pour le seul point d'accès de Bab al-Hawa, à la frontière nord-ouest de la Syrie avec la Turquie, "avec une prorogation d'un délai supplémentaire de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 10 juillet 2022, sous réserve de la publication d'un rapport substantiel du secrétaire général".
L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a souligné qu'après le sommet récent à Genève des présidents Vladimir Poutine et Joe Biden, l'accord sur une prolongation du mécanisme était "historique".
"Pour la première fois, la Russie et les Etats-Unis sont non seulement parvenus à s'accorder, mais ils ont aussi présenté un texte commun appuyé par tous les collègues du Conseil. (...) Nous espérons que ce scénario représentera un tournant qui bénéficiera non seulement à la Syrie mais aussi à l'ensemble de la région du Moyen-Orient et au monde", a ajouté le diplomate russe.
Soutien principal de Damas, la Russie milite depuis longtemps pour la fin de ce mécanisme transfrontalier au profit d'aide acheminée à travers les lignes de front à partir de Damas, afin de reconnaître la pleine souveraineté du régime sur le territoire syrien.
Lors d'un échange téléphonique vendredi, Joe Biden et Vladimir Poutine "se sont félicités" de l'entente de leurs équipes, a indiqué la Maison Blanche. L'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, a aussi salué une coopération rarement vue avec la Russie.
"Grâce à cette résolution, des millions de Syriens peuvent pousser un soupir de soulagement sachant que l'aide humanitaire vitale continuera d'affluer vers Idleb par le poste frontière de Bab al-Hawa", s'est félicitée l'ambassadrice, qui avait réclamé au début de la négociation trois points d'accès à la Syrie.
Créé en 2014, le mécanisme transfrontalier de l'ONU ne fonctionne plus depuis 2020 que par Bab al-Hawa, après la suppression de trois autres accès l'an dernier, imposée par Moscou.
A raison d'un millier de camions par mois, Bab al-Hawa permet d'alimenter plus de trois millions de personnes dans la région d'Idleb (nord-ouest), dernier bastion de l'opposition échappant au contrôle de Damas.
Si les Occidentaux et la Russie sont d'accord pour reconnaître que la situation humanitaire a empiré aujourd'hui en Syrie, Moscou considère que les sanctions occidentales en sont la raison principale, ce que démentent Américains et Européens.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et le ministère turc des Affaires étrangères, qui a parlé d'une aide "essentielle", ont salué la résolution obtenue.
A l'opposé, plusieurs ONG ont été unanimes pour critiquer le texte adopté. "Une fois de plus, la Russie a réussi à faire chanter la communauté internationale pour qu'elle n'autorise qu'un seul passage pour l'aide transfrontalière de l'ONU en Syrie", a dénoncé ONG Human Rights Watch.
Oxfam a évoqué un "avenir incertain" avec une prolongation uniquement "de six mois", Physicians for Human Rights "un compromis honteux" et Amnesty international une décision insuffisante pour répondre aux besoins humanitaires.