Législatives serrées au Monténégro
L'opposition fait trembler le parti au pouvoir au Monténégro
Le parti pro-occidental du président monténégrin Milo Djukanovic a obtenu une courte tête lors de législatives serrées. Mais il pourrait être évincé du pouvoir pour la première fois en trois décennies si l'opposition parvenait à s'unir.
Selon les résultats officiels publiés lundi par la Commission électorale, le Parti démocratique des socialistes (DPS) du chef de l'Etat a obtenu 35% des voix, son plus mauvais résultat depuis l'indépendance.
Si son principal rival, une coalition pro-serbe qui a recueilli 32,5% des suffrages, concluait une alliance avec deux autres partis de l'opposition, le DPS pourrait potentiellement perdre le pouvoir, ce qui représenterait un séisme politique dans le minuscule pays des Balkans de 620'000 habitants.
Le DPS n'a jamais perdu une élection et Milo Djukanovic dirige le pays quasi sans discontinuer depuis le démantèlement de la Yougoslavie dans les années 1990. Réformiste dynamique pour certains, autocrate corrompu pour d'autres, c'est lui qui a présidé à la séparation du Monténégro de la Serbie en 2006, à son entrée dans l'Otan et à son rapprochement avec l'Union européenne.
Mais cette année, le parti au pouvoir avait fort à faire face à un camp pro-serbe de droite remonté et qui exige le resserrement des liens avec Belgrade et Moscou.
Selon les projections de l'organisme de contrôle électoral CeMI, les trois principales formations de l'opposition obtiendraient 41 sièges sur 81 au Parlement.
Les partis devraient à présent se lancer dans de délicates négociations de coalition, à la suite de quoi Milo Djukanovic devra désigner en sa qualité de président le parti chargé de former un gouvernement.
Des analystes attribuent le résultat moyen du DPS à l'exaspération des électeurs face à un gouvernement accusé de corruption et de capture des ressources de l'Etat. Il s'explique également par une loi sur la liberté de religion qui a déclenché une intense controverse avec l'Eglise orthodoxe serbe (SPC) et domine le débat politique monténégrin depuis des mois.
Adoptée à la fin de 2019, cette loi a ouvert la voie à ce que des centaines d'églises et de monastères gérés par la SPC, dominante au Monténégro et dont le siège est à Belgrade, deviennent propriété de l'Etat monténégrin.
Selon le recensement de 2011, près de 30% des habitants du Monténégro se déclarent serbes.
L'entrée en vigueur de la loi a provoqué d'énormes manifestations sous forme de processions, menées par des dignitaires religieux et soutenues par l'opposition pro-serbe qui accuse le président de tentative de spoliation.
Durant toute la controverse religieuse, Milo Djukanovic a cherché à se dépeindre sous les traits du garant d'une nation monténégrine menacée par les forces nationalistes serbes. Au siège de son parti dimanche soir, il a a souligné que son parti avait fait le meilleur score.
"Le DPS est le parti le plus fort du Monténégro", a-t-il déclaré. "La lutte pour la majorité est toujours en cours". Mais le chef de la coalition pro-serbe, Zdravko Krivokapic, n'a pas hésité à proclamer la chute du DPS. "Le régime est tombé", s'est-il exclamé.
Des partisans de l'opposition ont exulté dans les rues de Podgorica, circulant en tous sens à bord de voitures, tirant des feux d'artifice et se rassemblant devant la principale église orthodoxe de la capitale monténégrine.
Les dirigeants d'autres partis d'opposition étaient eux aussi enthousiastes. "La mafia ne dirigera plus le Monténégro", a lancé Dritan Abazovic, du parti libéral "Noir sur blanc".
Mais il reste à voir si l'opposition, qui s'étend de formations nationalistes serbes d'extrême droite à un camp d'inspiration civique et libérale, sera en mesure de créer une alliance viable.
En tout cas, Milo Djukanovic, qui exerce actuellement son deuxième mandat de président, après quatre mandats de Premier ministre, n'a pas à affronter personnellement de test électoral avant 2023.
Milo Djukanovic, applaudi par ses partisans pour avoir mis le Monténégro sur la voie d'une éventuelle entrée dans l'UE, est accusé par ses détracteurs d'avoir fait du pays un royaume personnel construit sur des liens avec la corruption et le crime.