L'îlot de cherté suisse doit être combattu
Les Suisses ne devraient plus être pénalisés par des prix majorés
Les Suisses ne devraient plus être pénalisés par des prix surfaits imposés par des importateurs obligés. Le Conseil des Etats a accepté mercredi le contre-projet indirect à l'initiative "Stop à l'îlot de cherté" avec quelques retouches.
Tout le monde s’est énervé une fois d’avoir payé plus cher un produit en Suisse que ce qu’il aurait déboursé à l’étranger. Magazines, soins corporels, jouets, matériel de laboratoire, logiciels, moyens de production agricole, appareils ménagers...des pans entiers de l’économie sont concernés. Selon une récente étude, le surcoût pour les entreprises et les consommateurs suisses se monterait à plus de 15 milliards de francs par année.
La faute à des importateurs obligés qui profitent du pouvoir d’achat de la Suisse pour fixer des prix surfaits. Pour en finir avec cette discrimination, l’initiative populaire "Stop à l’îlot de cherté - pour des prix équitables" veut permettre aux entreprises suisses d'acheter à l'étranger sans passer par des fournisseurs obligés.
S'ils reconnaissent le problème, les sénateurs estiment toutefois que le texte va trop loin. Ils lui préfèrent un contre-projet indirect, adopté par 30 voix contre 13. Seule une partie de la droite s'y est opposé. "Le contre-projet met en oeuvre à 100% l'initiative et va encore plus loin", a critiqué Ruedi Noser (PLR/ZH). Autant accepter l'initiative et la mettre en oeuvre en tant que contre-projet.
A ses yeux, l'initiative devrait être proposée seule au peuple. Les prix suisses sont élevés, car les salaires sont plus élevés et les services et les ressources coûtent plus cher, a poursuivi le Zurichois. "Je suis fier de vivre dans un pays, où tout fonctionne, où les prestations sont disponibles jusque dans les vallées les plus reculées, où les systèmes d'éducation et de santé fonctionnent. Mais tout ça a un prix."
Les prix sont à raison plus chers chez les coiffeurs suisses qu'à l'étranger à cause des salaires plus élevés, a reconnu Pirmin Bischof (PDC/SO). Des différences de prix élevées pour des produits fabriqués à l'étranger n'ont en revanche aucune justification. "Les importateurs partent simplement du principe que les Suisses sont plus riches et peuvent débourser plus." Il est nécessaire d'agir.
La révision de la loi sur les cartels, proposée par le gouvernement, élargit le concept de position dominante. Sa portée est toutefois limitée aux relations commerciales avec l’étranger.
Jugeant la proposition insuffisante, le National y a apporté plusieurs modifications. Outre l'entrave à la concurrence, les pratiques qui désavantagent les partenaires commerciaux doivent notamment aussi être considérées comme infractions. Les fournisseurs et les acheteurs seraient concernés.
Des ajouts qui ne plaisent pas au Conseil fédéral. "Cette extension va beaucoup trop loin", s'est désolé le ministre de l'économie Guy Parmelin. La place économique suisse, notamment les petites et moyennes entreprises, en souffrirait. Les acheteurs seraient affaiblis dans leurs négociations. Et la charge bureaucratique serait trop importante, a-t-il plaidé. En vain.
Le Conseil des Etats s'est rangé derrière les députés à quelques exceptions près. Par 35 voix contre 6, ils refusent la clause de réimportation, introduite par la Chambre du peuple. Elle interdit que des entreprises suisses achètent à l'étranger des biens suisses réexportés à des prix moins bons que ceux qui sont pratiqués en Suisse.
"C'est une clause protectionniste", a critiqué Hannes Germann (UDC/SH) au nom de la commission. "Elle violerait nos obligations internationales", a complété Guy Parmelin.
Pas question non plus de permettre certaines différences de prix, si les entreprises ne poursuivent pas de buts anticoncurrentiels, ni ne provoquent de distorsion de concurrence. Par 28 voix contre 14, le Conseil des Etats a rejeté une proposition de sa commission en ce sens.
Les sénateurs refusent également, par 28 voix contre 14, d'interdire le blocage géographique privé. Il s'agit avant tout de créer une divergence avec les députés, afin que ces derniers replanchent sur le sujet. Pour Guy Parmelin, "ce n'est pas le bon endroit pour introduire une interdiction unilatérale".
Une partie du camp bourgeois aurait voulu revenir à la proposition du gouvernement, complétée sur deux points. Premièrement, il aurait fallu également inclure dans la loi les cas d’exploitation considérés comme abusifs. Deuxièmement, la loi aurait dû garantir que les entreprises qui retirent des avantages du fait qu’elles se procurent un bien ou un service à l’étranger répercutent ces avantages sur leurs consommateurs.
Le dossier repasse à la Chambre du peuple.
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