Gorbatchev: hommage en Occident, sobres "condoléances" à Moscou
La mort à 91 ans de Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l'URSS, a suscité de vibrants hommages en Occident. Son rôle crucial pour mettre fin à la Guerre froide et son combat pour la paix ont été salués, prenant du relief après l'invasion russe en Ukraine.
L'émotion des réactions occidentales contraste avec la sobriété du président russe Vladimir Poutine pour qui "Mikhaïl Gorbatchev est un politicien et un homme d'Etat qui a eu une grande influence sur l'évolution de l'Histoire du monde". "Il a guidé notre pays à travers une période de changements complexes et dramatiques, et de grands défis de politique étrangère, économiques et sociaux", a-t-il déclaré dans un télégramme de condoléances publié par le Kremlin.
Dans un communiqué, le président américain Joe Biden a salué en Mikhaïl Gorbatchev un "leader rare". Ses actes furent ceux d'un dirigeant ayant assez d'"imagination pour voir qu'un autre avenir était possible et le courage de risquer toute sa carrière pour y parvenir. Le résultat fut un monde plus sûr et davantage de liberté pour des millions de personnes", a dit M. Biden.
"La Suisse se joint au monde entier pour pleurer un homme de paix", a tweeté le président de la Confédération Ignazio Cassis. Il a rendu hommage au dernier dirigeant de l'URSS, qui a "changé le cours du 20e siècle".
"On se souviendra de lui comme d'un dirigeant global qui représentait la liberté et l'espoir - deux valeurs dont le monde a crucialement besoin aujourd'hui", a poursuivi M. Cassis.
La présidente du Conseil national Irène Kälin (Vert-e-s/AG) et le président du Conseil des Etats Thomas Hefti (PLR/GL) ont également exprimé leurs condoléances sur le compte Twitter des Services du Parlement: "Avec courage et clairvoyance, il a grandement contribué à l'unification pacifique de l'Europe. En des temps actuels, son héritage est plus précieux que jamais."
"Vous allez nous manquer, à une période où le monde a besoin de dirigeants visionnaires comme vous", a tweeté de son côté l'ancien directeur de la Croix Verte internationale Adam Koniuszewski. "Il s'agit de s'attaquer de suite, comme vous l'aviez pointé justement, aux défis posés par la sécurité, le développement et l'environnement, qui sont interconnectés", a-t-il ajouté, en référence à une ancienne déclaration de M. Gorbatchev, qui avait fondé la Croix Verte, basée à Genève, en 1993 à Kyoto.
Pour le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, "le monde a perdu un immense dirigeant mondial, engagé envers le multilatéralisme, et défenseur infatigable de la paix", "un homme d'Etat unique qui a changé le cours de l'histoire" et fait "plus que n'importe qui pour provoquer de façon pacifique la fin de la Guerre froide".
La Chine a salué le rôle du dernier dirigeant soviétique au rapprochement entre Pékin et Moscou, après trois décennies de rupture. "M. Gorbatchev a contribué de manière positive à la normalisation des relations entre la Chine et l'Union soviétique", a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.
"Les réformes historiques de Mikhaïl Gorbatchev ont conduit à la dissolution de l'Union soviétique, contribué à mettre fin à la guerre froide et ouvert la possibilité d'un partenariat entre la Russie et l'Otan", a déclaré le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg sur Twitter. "Sa vision d'un monde meilleur reste un exemple".
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a rendu hommage au dernier dirigeant soviétique en le remerciant "pour sa contribution décisive à l'unité allemande" et son "courage pour l'ouverture démocratique et la construction de ponts entre l'Est et l'Ouest". Ce rêve est "en ruine, brisé par l'attaque brutale de la Russie contre l'Ukraine", a-t-il ajouté.
"Il est mort à une époque où non seulement la démocratie a échoué en Russie, mais où la Russie et le président russe (Vladimir) Poutine ont creusé de nouveaux fossés en Europe et ont lancé une terrible guerre contre un pays voisin, l'Ukraine", a renchéri le chancelier allemand Olaf Scholz.
"Il a montré par l'exemple comment un seul homme d'Etat peut changer le monde pour le mieux. Mikhaïl Gorbatchev a également changé ma vie de manière fondamentale. Je ne l'oublierai jamais", a témoigné l'ex-chancelière Angela Merkel qui a grandi dans ce qui était l'Allemagne de l'Est.
"J'ai toujours admiré le courage et l'intégrité dont il a fait preuve pour mettre fin à la Guerre froide", a également indiqué dans un tweet le Premier ministre britannique Boris Johnson. "A l'heure de l'agression de (Vladimir) Poutine en Ukraine, son engagement inlassable pour l'ouverture de la société soviétique reste un exemple pour nous tous", a-t-il insisté.
Pour le président français Emmanuel Macron, Mikhaïl Gorbatchev était un "homme de paix dont les choix ont ouvert un chemin de liberté aux Russes. Son engagement pour la paix en Europe a changé notre histoire commune".
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué sur Twitter "un dirigeant digne de confiance et respecté" qui "a joué un rôle crucial pour mettre fin à la guerre froide et faire tomber le rideau de fer. Il a ouvert la voie à une Europe libre", a-t-elle souligné.
"Mikhaïl Gorbachev est mort. Il a donné plus de liberté aux peuples asservis de l'Union soviétique qu'ils n'en avaient jamais eu, leur donnant l'espoir d'une vie plus digne", a jugé le chef de la diplomatie polonaise Zbigniew Rau.
Le ministre estonien des Affaires étrangères, Urmas Reinsalu, s'est montré plus critique. "C'est une bonne chose qu'il ait lancé le processus des réformes, mais c'est aussi une bonne chose que ce processus se soit poursuivi quand il voulait y mettre un terme", a-t-il souligné.
Pour le journaliste russe Dmitri Mouratov, co-lauréat du prix Nobel de la paix 2021, Mikhaïl Gorbatchev - qui a lui-même reçu ce Nobel en 1990 - "aimait sa femme plus que son travail, plaçait les droits humains au-dessus de l'Etat, accordait plus de valeur à un ciel paisible qu'au pouvoir personnel".
M. Gorbatchev "a quitté le pouvoir pacifiquement et volontairement, en respectant la volonté des électeurs. Rien que ça, c'est déjà un grand exploit selon les normes de l'ex-URSS", a déclaré Alexeï Navalny, dans un message publié par son équipe sur Twitter.
"C'est sous (M. Gorbatchev) que les derniers prisonniers politiques ont été libérés en URSS", a ajouté le principal détracteur du Kremlin, lui-même emprisonné depuis 2021, après avoir survécu à un empoisonnement qu'il impute aux autorités russes, ce que ces dernières démentent.
M. Navalny a aussi estimé que l'ancien dirigeant était "l'un des rares à n'avoir pas profité du pouvoir et des opportunités à des fins d'enrichissement personnel". Au fil des années, "mon attitude à l'égard de Gorbatchev a évolué d'un agacement débridé (...) à un respect teinté de tristesse", a-t-il encore déclaré.