Début du procès d'un rival de Loukachenko
Un rival du président jugé, sur fond de répression
Le procès de Viktor Babaryko, rival notoire du président du Bélarus, a commencé mercredi dans l'ex-république soviétique. Les poursuites pénales visant les détracteurs du régime s'y multiplient après la répression de la contestation historique de 2020.
L'ancien banquier de 57 ans comptait se présenter à la présidentielle d'août 2020 contre le chef de l'Etat Alexandre Loukachenko, lorsqu'il a été arrêté en juin et accusé de blanchiment d'argent. Son arrestation a entraîné l'union des équipes des différents opposants, qui ont fait campagne autour de Svetlana Tikhanovskaïa, épouse d'un blogueur arrêté.
L'annonce de la réélection de M. Loukachenko a dans la foulée déclenché un mouvement de protestation qui, malgré la répression, a rassemblé des mois durant des dizaines de milliers de gens dans la rue.
Mercredi, comparaissant dans la cage réservée aux accusés un masque sanitaire sur le visage, il a formé un coeur avec les mains, signe de ralliement de l'opposition durant la campagne électorale et les manifestations.
S'exprimant la veille du procès via ses avocats, Viktor Babaryko s'est dit "fier" du mouvement de protestation visant le président bélarusse, au pouvoir depuis 1994.
"Je suis fier et admiratif de ces gens qui ont vaincu l'esclave au plus profond d'eux-mêmes, n'ont pas eu peur des menaces (...) qui ont sacrifié leur bien-être, leur liberté et même leur vie pour que d'autres puissent respirer pleinement l'air pur de la liberté", a-t-il dit. "Les ténèbres, le mal et les mensonges ne peuvent durer éternellement", a ajouté M. Babaryko qui est jugé devant la Cour Suprême et ne pourra donc faire appel du verdict.
Svetlana Tikhanovskaïa, en exil en Lituanie, a dit sur Twitter "suivre de près" ce procès, qui a débuté en présence d'un important dispositif policier et en l'absence de médias indépendants.
Viktor Babaryko est accusé par le KGB, les services de sécurité bélarusses, d'avoir reçu, avant d'entrer en politique, des pots-de-vin alors qu'il dirigeait Belgazprombank, filiale bélarusse d'une banque appartenant au géant gazier russe Gazprom.
Plusieurs autres cadres de cette banque sont poursuivis. Selon le KGB, il est le seul à ne pas avoir reconnu les faits et est responsable de fraudes et de blanchiment pour un montant dépassant les 60 millions de dollars.
La plus proche conseillère de M. Babaryko, Maria Kolesnikova, a été l'une des trois figures féminines à la tête de la contestation. Elle a été incarcérée après avoir refusé de s'exiler. Les deux autres, Svetlana Tikhanovskaïa et Veronika Tsepkalo, ont fui le Bélarus.
L'arrestation en septembre de Mme Kolesnikova avait été particulièrement rocambolesque: elle avait déchiré son passeport et sauté d'une voiture alors que les autorités tentaient de l'exiler de force en Ukraine.
Le procès de M. Babaryko intervient en outre dans un climat de poursuites tous azimuts contre opposants, ONG et journalistes, les autorités ayant à force d'arrestations largement réduit au silence la contestation dans la rue.
Le parquet bélarusse a ainsi requis mercredi deux ans de prison ferme contre Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova, correspondantes de la télévision d'opposition Belsat basée en Pologne. Elles sont accusées d'avoir incité les Bélarusses à manifester par leurs reportages, ce qui aurait "porté gravement atteinte à l'ordre public".
Les deux femmes ont plaidé non coupable, et dans un geste de défi ont fait le V de la victoire avec leurs doigts à l'ouverture de leur procès le 9 février.
Enfin, une série de perquisitions ont encore visé lundi une vingtaine de journalistes, de militants associatifs et de responsables syndicaux au Bélarus, dans le cadre d'une enquête sur le financement et l'organisation des manifestations de 2020.
Cette répression, en cours depuis des mois, a été dénoncée par les pays occidentaux, UE et Etats-Unis adoptant des sanctions contre des proches du président bélarusse. Fort du soutien du grand frère russe, M. Loukachenko est resté sourd à ces pressions et s'est félicité d'avoir vaincu la contestation, la qualifiant de "Biltzkrieg" occidental, la semaine passée devant un congrès d'apparatchiks.